Le Café Littéraire luxovien / Des lectures (9) | |||||||||||
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Marie-Blanche,
de Jim Fergus
(éd. Le
Cherche Midi 2011; Pocket 2012 et 2019) Voilà
un roman dont la réputation n'est, certes, plus à faire, puisqu'il m'a
été offert gratuitement pour l'achat de 2 Pocket. Et pourtant... La
quatrième de couverture nous indique que "Jim Fergus y retrace le
parcours de sa grand-mère Renée de Fontarce Mc Cormick, femme de tête
au caractère entier qui a connu un destin peu commun de son
aristocratique France natale aux rives du Nouveau Monde en passant par
l'Égypte". Mais
ce que nous donne à lire Jim Fergus, l'auteur en même temps
personnage, n'est pas une biographie de l'une et de l'autre mais un
roman, comme il l'indique dans sa note précédant le prologue: « Si
un grand nombre de noms, événements, intrigues et péripéties —
tous réels — apparaissent dans ce livre, celui-ci reste un roman, une
fiction, une œuvre d'imagination qui se déclare comme telle. De la même
façon, tous les personnages, y compris celui de l'auteur, sont des représentations
fictives, qui peuvent éventuellement comporter certaines ressemblances
avec des personnes réelles, mortes ou vivantes. Bien d'autres libertés
ont été prises avec les «faits».» De
cette Marie-Blanche, qui décevra une mère qui en attendait beaucoup
mais ne lui témoignait pas d'affection ni n'éprouvait de sentiment
pour elle, on notera le penchant atavique hérité de son père pour
l'alcool. C'est d'ailleurs à l'occasion de ses échanges avec son thérapeute
lors de sa dernière cure de désintoxication que l'on apprend certains
détails de sa vie. Laquelle est narrée, — ou plutôt remémorée par
une Marie-Blanche au moment ultime, on s'en rend compte à la
toute fin du roman pourvu que l'on prenne la peine de relire ses paroles
énigmatiques du début: «Dans la lucidité mensongère de
l'ivresse, je vois l'arc immuable de mon existence: depuis la grande
tour de Marzac jusqu'au balcon de cette pension, en passant par l'hôtel
Drake à Chicago. Je sais d'où je viens, pourquoi je suis ici, vers où
je me dirige. Je sais pourquoi j'ai tout jeté par la fenêtre, et ce
qu'il faut jeter ensuite.» Enfin,
pour tenter de comprendre Marie-Blanche, cette mère qui ne s'est guère
occupée de lui non plus, Jimmy fait revenir comme un leitmotiv
dans les souvenirs de Marie-Blanche, l'image des grottes préhistoriques
aux peintures rupestres du Périgord que lui a fait découvrir et
visiter, fillette, son beau-père. La grotte où son oncle Gabriel lui
fait perdre son innocence enfantine. Celle où, à la fin du roman, elle
revient s'enivrer. La grotte, cette matrice où Marie-Blanche aurait
voulu rester... elle qu'on appelait Baby lorsqu'elle fit, un temps, des
études de théâtre. Tout un symbole. lire une deuxième note de lecture
En
finir avec Eddy Bellegueule, d’Édouard Louis
(éd. Reclam
Fremdsprachentexte*)
Quand ce roman (autobiographique) d’Édouard Louis est sorti on en a
beaucoup parlé. Et à juste titre ! Je suis heureuse de m’être penchée
sur cet auteur Dora
Bruder, de Patrick Modiano
(éd. Reclam
Fremdsprachentexte*
Quand, en 2014, Patrick Modiano a reçu le prix Nobel de la littérature
je me sentais dans l’obligation de lire un de ses livres. Et, préférant
les petits j’ai * Reclam
Fremdsprachentexte, ce sont de
petits livres édités pour ceux qui n’ont pas le français pour
langue maternelle. On y trouve le texte intégral
Une
histoire d'amour et de ténèbres, d'Amos Oz
(traduit
de l'hébreu par Sylvie Cohen / éd. Gallimard 2004) J'ai
passé de bons moments à la lecture d' Une histoire d'amour et de ténèbres,
gros volume de quelques 850 pages, d'Amos Oz. C'est
le récit
autobiographique de l' auteur dont la
famille juive originaire d'Ukraine s'installa d'abord à Vilna en
Lituanie puis à Jérusalem où il est en 1939. Le roman couvre son enfance et son
adolescence jusqu'à la perte tragique de sa mère dont il ne percera
jamais le secret origine de la mélancolie, puis plus tard de son père
écrivain expert en linguistique. Dans
cette tragi-comédie familiale l'auteur confie de multiples anecdotes de
son enfance emplies d'humour,
et aussi, à travers les joies et les peines de ses parents,
grands-parents, oncles, tantes, etc., leurs illusions perdues et leurs rêves
avortés, l'Histoire de la difficile et douloureuse naissance de l'État
d'Israël, que le lecteur découvre au fil des pages. Comme
il découvre aussi le cheminement de l'auteur vers l'écriture. Enfant,
il apprit à lire pratiquement seul très tôt et dévorait les livres
quels qu'ils soient, désirant être un livre: "Des livres, en
revanche, on en avait à profusion, les murs en étaient tapissés, dans
le couloir, la cuisine, l'entrée, sur les rebords des fenêtres, que
sais-je encore? Il y en avait des milliers, dans tous les coins de la
maison. On aurait dit que les gens allaient et venaient, naissaient et
mouraient, mais que les livres étaient éternels. Enfant, j'espérais
devenir un livre quand je serais grand. Pas un écrivain, un livre: les
hommes se font tuer comme des fourmis. Les écrivains aussi. Mais un
livre, même si on le détruisait méthodiquement, il en subsisterait
toujours quelque part un exemplaire qui ressusciterait sur une
étagère, au fond d'un rayonnage dans quelque bibliothèque perdue, à
Reykjavik, Valladolid ou Vancouver." Enfin,
en
notre année 2020 de pandémie de coronavirus-covid-19,
il est intéressant de souligner
la phobie de sa
grand-mère éprise d'hygiène et de propreté, qui lavait et récurait
sans cesse, faisant une chasse acharnée et obsessionnelle aux milliards
de microbes qui infestaient disait-elle Le Levant et risquaient de vous
contaminer: "Il paraît que, dès le
lendemain de leur arrivée à Jérusalem, elle imposa à grand-père la
tâche qui serait dorénavant quotidiennement la sienne, été comme
hiver: levé à six heures ou six heures et demie du matin, il pulvérisait
du DDT dans tous les coins de l'appartement pour repousser les germes
— sous le lit, derrière l'armoire, dans le cagibi et entre les pieds
du buffet—, avant de s'attaquer aux matelas, aux draps et aux édredons.
(...) Blanchir impitoyablement les fruits et légumes participait également
de la lutte perpétuelle qu'elle menait contre les microbes. Elle désinfectait
même le pain avec un torchon imprégné d'un antiseptique rosâtre
appelé Cali. Après les repas, elle ne lavait pas la vaisselle,
mais l'ébouillantait, comme pour la fête de la Pâque. Traitement
auquel elle se soumettait elle-même : trois fois par jour, en toutes
saisons, elle se plongeait dans un bain presque bouillant pour éviter
la contamination. Elle vécut longtemps, les microbes et les virus qui
la repéraient de loin, s'empressant de changer de trottoir..." Attitude
outrée sans doute volontairement par l'auteur, qui lors de larges
passages prête le lecteur à rire, mais qui fait penser à nos "gestes barrière",
à la désinfection méticuleuse nécessaire des locaux qu'il n'est pas superflu
d'appliquer en temps d'épidémie.
Un
fauteuil sur la Seine : Quatre siècles d’histoire de France, d’Amin
Maalouf de
l’Académie française (éd. Grasset 2016) En
1629 un certain Valentin Conrart a créé à Paris, avec quelques amis,
un cercle littéraire se réunissant à intervalles réguliers, leur
moyenne d’âge était de trente ans
―
c’est la naissance de la future Académie française, fondée en 1635
par le cardinal Richelieu. Quatre
siècles d’histoire de France ―
«Une histoire en dix-huit segments, pourrait-on dire, ou une traversée
des siècles en dix-huit étapes, chacune en compagnie d’un "promeneur"
différent.» ―
racontée avec beaucoup de contexte historique, avec toutes les concaténations*
entre l’église, la monarchie, les prélats, les philosophes, avec les
amitiés, les inimitiés, les intrigues, les querelles. C’est
un livre que l’on ne lit pas de la première à la dernière page
comme un roman (policier) en attendant la fin mais plutôt comme un
manuel écrit dans un style magnifique, digne d’un académicien. Sa
lecture m’a procuré un grand plaisir. *Enchaînement
nécessaire, lien logique, rapport de cause à effet.
Variations-prairie,
suivi de Mille Étangs, Lettre à Adèle, Colomban, de Françoise
Ascal (éditions
Tipaza juin 2020)
Cet ouvrage rassemble quatre textes qui ont en commun d’être enracinés
dans un territoire étroit de deux-cent-vingt kilomètres carrés, situé
en Haute-Saône, qu’on dénomme, depuis quelques décennies, Plateau
des Mille Étangs.
Du
côté des Bordes, de Henri Vincenot J'ai
retrouvé l'auteur de La
Billebaude et du Pape des escargots. Toujours amoureux de sa terre
natale. Là il raconte, avec humour et poésie, avec vérité aussi, la
vie des commis de culture dans les années 1940-45. Triste époque. J'ai
passé un bon moment avec cette lecture.
Braves
gens du purgatoire, de Pierre
Pelot
Justine,
de Ginette Heliot David
Priez
pour nous, et Le chagrin, de Lionel Duroy Il me semble que l'auteur répète beaucoup les mêmes anecdotes d'un livre à l'autre ; la lecture est plaisante, j'y retrouve l'ambiance des années 50/60 mais pas les problèmes de famille, heureusement ! quoique...
Blonde,
de Joyce Carol Oates Ce
récit m'a beaucoup intéressée par l'écriture et les portraits très
bien dessinés de Marilyn bien sûr et aussi de sa maman et de ses différents
maris, etc. et par la description de l'Amérique des années 1950 à 1960
ainsi que des endroits où elle a vécu. Le dédoublement de sa
personnalité se découvre au fur et à mesure de la lecture: petite
fille confiante et spontanée qui devient un sexe symbole avec son corps
parfait, transcendé par ses succès au cinéma mais qui rêve de
maternité etc., et évolue vers une fin tragique...
Ce
soir, les souris sont bleues, de Pierre
Pelot (éd.
Denoël 1994)
La
Robe de Déjanire, de Nadar
(première
édition publiée sous son nom Félix Tournachon, Recoules,
Libraire-Commissionnaire, 1845 ; Michel Lévy, 1862 ; E. Dentu, 1882, ;
disponible sur Gallica) Il
y est question d'amitié entre jeunes colocataires pauvres qui ont
l'avenir devant eux : un peintre, un poète, un écrivain paresseux qui
n'a encore jamais rien écrit mais rêve d'un avenir glorieux, un noble
qui n'a de noble que la particule... L'auteur
né en 1820, publiait en 1845 sous son nom Félix Tournachon, cette
première œuvre de jeunesse qu'il qualifia dans sa dédicace à un ami
lors de sa reparution en 1861 de : « Méchant livre tout plein de
bonnes intentions...» en poursuivant, «Elles nous ont fait voir
pourtant, ces longues années, bien des défaillances et aussi bien des
lâchetés, bien des trahisons, bien de petites et grandes hontes. —
Tu n'as, toi, ni faibli ni vacillé par les plus rudes secousses; ni la
persécution, ni les désespoirs de l'exil, ni la pauvreté avec ses
angoisses, n'ont pu troublé un seul instant le calme de ton grand cœur,
si tendre en même temps et plein d'éternelle indulgence. Tu es de ceux
qui demeurent debout au milieu du niveau qui s'abaisse, et comme il
suffit qu'il en reste quelques-uns pour montrer l'Exemple à nos enfants
et leur conserver la sainte tradition de la foi gardée, du respect de
soi-même et le Mépris, — cette souveraineté plus haute que toutes
les puissances humaines.» Selon
le poète grec Homère, Déjanire, la femme d'Héraclès, jalouse de sa
relation avec Iole, est responsable sans le vouloir de la mort de son
époux.
Croyant fabriquer un philtre d’amour avec le sang du centaure
tué par celui-ci, elle trempe sa tunique avec du sang en réalité
empoisonné. En revêtant sa tenue, Héraclès est consumé par le
poison. Il décide de se faire immoler sur le bûcher et demande à son
ami Philoctète de l’allumer. Déjanire voyant ce qu'elle a fait, se
tua de désespoir. On
peut penser que Nadar nourri par sa vie estudiantine a eu l'idée d'adapter
à sa manière dans son roman, ce mythe universel qui mêle amitié,
amour, jalousie et désespoir.
La
chambre, de Françoise Chandernagor
(éd.
Gallimard 2002) Sans qu'il soit nommé, c'est le triste sort réservé, sous la Terreur, au second fils de Louis XVI et Marie-Antoinette... Dauphin depuis le décès de son frère aîné, il fut gardé dans le plus grand isolement en otage, "confiné", trois ans, dont longtemps sans soins, dans une chambre aux fenêtres cadenassées à abat-jour de la Tour du Temple, après les exécutions successives de ses parents... À travers sa fiction l'historienne et romancière qu'est Françoise Chandernagor, imagine à partir d'archives, de documents et de témoignages d'époque, ce qu'a probablement enduré physiquement et moralement cet enfant. Elle nous en fait un récit circonstancié et poignant, allant jusqu'à parfois dialoguer avec quelques-uns des nombreux responsables qui, suivant "distraitement, presque innocemment" les ordres administratifs, furent à l'origine de la mort prématurée de l'enfant séquestré, en faisant en quelque sorte le procès. "Certains
matins quand il s'éveille dans le lit rouge et bleu, il est tellement
endolori qu'il a l'impression d'avoir passé la nuit sur les genoux
d'une statue de pierre."
L'île
aux troncs, de Michel Julien (éd.
Verdier 2018) C'est
l'histoire imaginée de deux amis, des vétérans soviétiques "confinés"
comme d'autres sur l'île de Valaam où on les a exilés parce que mutilés.
Anciens soldats sans jambes, sans bras, amputés de guerre ils mendiaient dans
les villes où au début ils étaient fêtés comme des héros, jusqu'à
ce que leur vue devint désagréable, gâcha le paysage des villes et qu'on les relégua loin des
yeux dans cette île du Nord... On les appelait les samovary.
Leur déportation fut une réalité dans les années 1950, mais on ne
sait dans quelle proportion elle se fit... les sources ayant été
détruites ou tenues secrètes.
Mangez-le
si vous voulez, de Jean Teulé (éd.
Julliard 2009)
Lu, pensant qu'il serait drôle venant de cet auteur, et sans avoir pris la peine de suffisamment décrypter la quatrième de couverture... j'ai pourtant continué à lire ce chemin de croix qui d'acte de barbarie en acte de barbarie, retient pourtant le lecteur puisqu'il espère, si comme moi il ne connaît pas l'horrible aboutissement... que le jeune homme, dont quelques-uns des amis tentent de dissuader la foule, s'en sortira.
Denise
au Ventoux, de Michel Jullien
(éd.
Verdier 2017) Très
beau et émouvant récit, d'une belle écriture, d'un agréable humour
tranquille dans la première moitié, puis provoquant chez le lecteur
une montée de larmes incoercibles qui voilent le regard et rendent la
lecture difficile de toute la fin du livre… lorsque l’auteur narre
minute par minute, la longue et lente agonie de la chienne qu’il avait
en garde et qui s’était attachée à lui. Chienne qu’il promenait
au mont Ventoux précisément où elle s’est blessée mortellement
dans une chute, sans qu'il puisse la laisser pour chercher des secours,
il est trop loin de tout, ni la transporter, ni avoir le courage d'achever ses souffrances...
Les simples, de
Yannick Grannec
(éd. Anne Carrière août 2019)
Nous sommes à la fin de la Renaissance, en 1584, près de Vence dans l'arrière-pays niçois. Dominant de son promontoire rocheux la vallée du Loup, une abbaye de religieuses bénédictines est renommée pour sa culture des simples*, c'est-à-dire des plantes médicinales, ainsi désignées par opposition aux remèdes composés de la médecine traditionnelle. Ces plantes que récoltent les moniales ― spécialement sœur Clémence, l'herboriste et doyenne de la communauté ―, pour partie soignent les malades du dispensaire, pour partie sont vendues, assurant au monastère des ressources financières convoitées par le nouvel évêque de Vence. Ce dernier charge deux vicaires d'inspecter l'abbaye afin d'y découvrir motif d'accusation des religieuses. Les simples ne sont pas le thème principal de ce livre, ni même la lutte bien présente entre Clergé régulier et séculier. Domine l'organisation de la vie monastique, avec ses rites, ses hiérarchies qui commencent par opposer la classe des Marthe et celle des Marie, le rôle de quelques moniales; dominent les vocations religieuses contraintes, par autrui ou par soi-même. Ce roman historique très documenté, habilement structuré autour de quelques personnages principaux revenant tour à tour, je ne le conseillerais peut-être pas aux jeunes, car l'intrigue longue à venir, les thèmes de la religion, du Moyen-Âge, de la botanique (chacun avec son vocabulaire spécifique) peuvent les rebuter. Pas une lecture pour la détente, il faut demeurer attentif. Hormis ce vocabulaire, le style est aisé, les dialogues surprenants même de vulgarité. C'est que les religieuses ne parlaient pas une langue aussi châtiée qu'on pourrait le croire. Et puis Yannick Grannec semble apprécier l'humour. Impression mitigée à l'issue de cette lecture, l'intrigue n'égalant pas ― et d'autant moins qu'elle souffre de plusieurs similitudes avec Le nom de la rose d'Umberto Eco ― la qualité didactique du roman, ni la poésie de certains passages (j'en aurais voulu plus) sur la nature et les plantes. "Quatre saisons dessinent la roue d'une éternelle résurrection: de la racine à la feuille, de la fleur au fruit, les sucs montent vers la lumière puis rejoignent le repos de la terre avant de rejaillir et de s'endormir encore, mais dès qu'ils sont cueillis, les simples meurent doucement. Elle a tenté différents séchages, décoctions, macérations ou effleurages. Elle a travaillé avec le vinaigre, le vin, l'olive, le miel ou le suif, les pots de faïence ou les fioles de verre. Elle a essayé toutes sortes de prières et quelques invocations locales, rien ne remédie au temps: en quelques mois, les tisanes n'ont pas plus de vertu que le foin; les huiles et les cires rancissent. Tout pourrit, s'effrite et disparaît. Chaque année, tout est à recommencer. Sœur Clémence partira sans avoir pu capter l'âme fugace des simples, le souffle secret qu'y a placé le créateur." * Les simples : nom masculin pluriel. On disait aussi : les simples médecines.
J'y
ai aimé ces longs moments consacrés aux plantes et leurs vertus (même
si l'auteure dit dans son prologue en avoir inventé quelques-unes),
quant à l'ordalie finale, elle m'a fait penser à Mangez-le si vous
voulez de Jean Teulé...
Je
me suis passionnée pour ce livre d'Axel Kahn, un scientifique, qui
narre ici sa marche à pied de plus de deux mille kilomètres, à l'âge
de soixante-dix ans, sur des terrains accidentés et des dénivelés
conséquents sur des chemins reliant la Pointe du Raz en Bretagne à
Menton à la frontière italienne. Physiquement ce périple fut pour lui
un vrai voyage au bout de soi avec genoux douloureux, épaule
déboîtée, qui ne l'ont pas empêché de continuer. Marchant une
moyenne de trente kilomètres par jour, il nous conte l'histoire de la
faune et de la flore, entre désertification des campagnes et désir
d'authenticité. Il narre ses rencontres, ses discussions aux étapes
avec des habitants attachés à l'identité de leur territoire. Il nous
livre ses réflexions sur l'état du pays entre déshérence et
résilience.
Curieux
roman où le lecteur est sans cesse dérouté. D'abord,
il y a "Elle", cette Juliette de vingt ans qui ne sait pas
dire je. Qui voudrait être ailleurs, est là tout en étant absente et
dont le regard vous traverse. C'est la fille d'un guérisseur renommé décédé. Il
y a Cardo, venu pour des soins après s'être plusieurs fois perdu sur
les chemins dans une vieille voiture prête à lâcher. Il semble aussi
perdu dans le compte du temps puisqu'il croit que treize ou quatorze
mois se sont écoulés entre l'hiver de sa première venue avec son épouse
cancéreuse et l'automne où nous sommes, alors qu'il n'y en a eu
possiblement que huit ou dix... Écart de temps entre ses deux venues en
Haute-Saône dans le petit village reculé du rebouteux, qui, à la réflexion,
n'est sans doute pas une erreur de l'auteur... Puisqu'il y a dans la
narration du vécu des événements présent mêlés à d'anciens remémorés
par l'un ou l'autre, des longueurs, sans qu'on sache toujours dans quel
temps l'on est ni de quel personnage il est question lorsque dans la même
phrase la pensée passe du "il" a un autre "il" qui
n'est plus le même, ou d'une "elle" a une autre "elle"
qui n'est pas non plus la même... Autre
personnage d'importance est le frère de Juliette qui croit que leur père
de par son activité non gratuite a forcément amassé une fortune non dépensée
qui reste à trouver. Persuadé que leur père a transmis son don à sa
sœur, il voudrait qu'elle prenne sa suite. Il y a aussi leur vieille mère
perdue dans ses pensées depuis la mort de l'Index ―
ainsi
appelait-on le guérisseur. Et Christiane la jeune tenancière intéressée
du Café. Il y a également le frère jumeau de Cardo, resté seul en
Lorraine avec l'épouse malade en l'absence de ce frère dont il ne croit
pas en la démarche. Le
roman avance entre les actions du présent, alenties par les pensées
comme elles émergent sans doute dans la tête des personnages, et du
narrateur, qui sait bien lui, à qui chacun pense, alors que le lecteur
doit faire l'effort de transition à chaque instant... Enfin,
est annoncé dans la quatrième de couverture que ce roman est "tellurique".
Il y est en effet beaucoup question de la nature et des lieux en
symbioses avec les personnages. Lors de ces saisons d'automne encore
très chaud et d'hiver, la cache de "elle"/Juliette au milieu
des ronciers, la maison qui recèle un possible trésor, le pèlerinage
de Cardo et d'"elle" pour guérir son épouse... Ce qu'"elle"
devait faire et "où" et comment il fallait le faire...
Du
plomb dans la neige, de Pierre Pelot J'ai lu ce livre dans le cadre du café littéraire luxovien. Je ne connaissais pas du tout cet auteur dont, pourtant, la liste de livres est très longue. Je trouvais le résumé de celui-ci intrigant, donc je me le suis pris sur ma liseuse. C'est une histoire qui se passe dans un minuscule village où deux hommes arrivent un soir, bravant la neige. C'est l'arrivée d'un troisième homme qui va bouleverser la vie de ce village, et plus particulièrement celle de David, un de ses habitants. Je m'attendais à quelque chose d'oppressant, de mystérieux. Je pensais, au vu du résumé, que ce serait hyper étouffant, mais en fait pas tant que ça. Il y a pas mal d'action au final. Je trouvais le début sympa et puis ensuite c'est devenu un peu longuet, jusqu'à un retournement de situation que je n'avais absolument pas vu venir. Ce qui fut une bonne chose. Mais, la suite ne m'a pas non plus retourné le cerveau. J'étais tout de même curieuse de savoir comment tout allait se terminer, mais je n'ai guère ressenti d'enthousiasme à ma lecture. Du coup, je suis un peu déçue. Les personnages ne sont pas spécialement attachants, même si j'espérais qu'ils fassent les bons choix. C'était bien écrit, et on sent bien l'ambiance glaciale de la neige. C'est une histoire tout de même assez sombre et que j'ai lue plutôt rapidement parce que j'avais quand même envie de savoir la fin. Une fin qui n' est pas mal, mais un peu brutale, si bien que j'ai un goût d'inachevé dans la bouche. J'essayerai tout de même un autre livre de l'auteur, afin de voir un peu ce qu'il peut écrire dans d'autres domaines.
Pour
le plaisir et pour le pire - La vie tumultueuse d'Anna Gould et de Boni
de Castellane, de Laure Hillerin Laure
Hillerin est une biographe spécialiste de la Belle Époque. Elle nous
conte par le menu l'épopée du dernier dandy de la fin du XIXe
siècle au quart du XXe.
Il s'appelle Boni de Castellane, descend d'une d'une des plus anciennes
familles de la noblesse française, et aussi du grand Talleyrand.
Aristocrate
très élégant, étincelant, il
est invité dans les salons mondains de la fin du XIXe
où il tient une place d'honneur et
rayonne de son aura naturelle... Mais il est aussi très désargenté ! Il
courtise ardemment Anna Gould, la plus jeune fille d'un nabab de Wall
Street, qui n'a ni son charme ni sa beauté. Son père Jay Gould règne
entre autres sur les chemins de fer de la nouvelle nation américaine,
mais est détesté par tous les hommes qu'il a réduits pour construire
son empire abyssal. La riche héritière est très courtisée, c'est une
jeune femme assez disgracieuse et taciturne au caractère fantasque ;
elle se laisse séduire par Boni
et par l'idée de la légitimité de sa fortune en épousant ce radieux
gentilhomme (même s'il est sans le sou) et d'aller vivre en France et
surtout à Paris. Le mariage a lieu à New York, le 4 mars 1895 au cours
d'une journée de festivités d'un luxe inouï... Ce
livre m'a intéressée parce qu'il se situe dans un contexte historique
et que l'auteure l'a écrit dans un style alerte, détaillé et ultra
documenté, il m'a fait penser à certains passages de La recherche du
temps perdu de Marcel Proust.
Pauvres
z' héros, de
Pierre Pelot C'est l'histoire d'un petit garçon autiste de 6 ans perdu dans la forêt lors d'une promenade. Cela se passe dans un village retiré d'une campagne vosgienne, les habitants sont miséreux, analphabètes et alcooliques. Je ne vous dis pas ce qui arrive au petit garçon, c'est trop dur et terrible. Un véritable roman noir. Je n'aime pas ce genre de lectures mais c'est très bien écrit ça donne envie de lire autre chose de l'auteur.
Je ne connaissais pas cet auteur mais ça m'a beaucoup plu. Ça se passe en 1940. De jeunes français s'engagent dans l'armée anglaise pour combattre les allemands qui allaient anéantir Dunkerque. Ils sont dans un camp d'entraînement. Chaque personnage a son caractère et son histoire. C'est une belle histoire d'amitié, d'amour filial surtout et d'amour tout court.
Le
livre brisé, de Serge Doubrovsky
(éd. Grasset
& Fasquelle, 1989) Le
début du roman, constitué d'allers et retours entre la déploration de
l'auteur de n'avoir pas fait la guerre: «Quarantième anniversaire,
l'An Quarante, inévitablement me secouent. Le branle-bas de combat m'ébranle.
Cette guerre que je n'ai pas faite, cette Victoire: ma défaite. Au
champ d'honneur, si on n'a pas été présent, ça creuse une éternelle
absence.», le fait que juif échappé au four crématoire il est en
survie depuis quarante ans et sa lecture de Sartre, pourrait donner
à penser que la narration d'anecdotes intermédiaires de déboires
familiaux n'est amenée par l'auteur que comme respiration apportée au
lecteur au cours de ses profondes cogitations philosophiques sur l'écriture
générées par sa lecture de Sartre (La nausée, Les mots) et la célébration
de la Victoire, alors que son épouse est absente. Ça
c'est pour la première partie intitulée Absences. Car
c'est lors d'un séjour à Paris de son épouse Ilse (de quelque trente
ans plus jeune que lui) dans l'espoir d'y trouver un travail, alors qu'il
est à New-York où il est enseignant et prépare un cours sur Sartre,
qu'il continue d'écrire le livre que nous lisons. Roman
autobiographique sur leur couple, suggéré par Ilse et sur lequel elle
donne son avis pertinent, chapitre après chapitre, au cours de son écriture.
Où, jalouse, elle veut cette fois être le personnage principal au
risque de TOUT dire de
l'enfer dans lequel souvent baigne leur couple. Effectivement
Ilse finira par prendre toute la place dans la deuxième moitié du
livre à partir des chapitres Avortements et Beuveries
et plus dramatiquement dans la deuxième partie intitulée Disparition
qui tient le dernier tiers de cette autofiction (terme
inventé par Doubrovsky lui-même) de 416 pages que l'auteur/époux
lui dédie en ces termes: De
caractère intimiste qui frise l'exhibitionnisme où le lecteur souvent
se sent voyeur, ce roman de plus en plus prenant, se lit aisément grâce
à cette oscillation entre anecdotes et réflexions
profondes, entre sentiment de culpabilité et d'innocence, mais aussi à
cause du style propre à Serge Doubrovsky, piquant par ses incessants
jeux de mots et de sonorités, son humour juif en somme. Écho des mots
et des sons, véritable plaisir de lecture, qui continue de nourrir le récit même lorsque celui-ci
devient poignant.
Les Canards boiteux, de
Pierre Pelot Il
me reste encore quelques pages à lire dans Les canards boiteux,
dont j'apprécie les descriptions détaillées en tous domaines tout en
regrettant la situation en flash back très à la mode dans les
années 70 qui m'agace à chaque rencontre. Lire une autre note de lecture
Vincent,
le chien terriblement jaune,
de Pierre Pelot
|
Le
désert des tartares, de Buzzati Le Désert des Tartares m'a tenue en haleine tout le long et m'a fait réfléchir à notre destinée de mortels...
Dans
un self-service des Champs-Élysées, un Espagnol (le narrateur de ce récit
fait a posteriori), a rencontré un vieil homme apparemment malade, désorienté
et sans papiers, qui semble ne savoir dire qu'une chose : « Ne les
laissez pas me tuer».
Il lui vient en aide et peu à peu découvre son histoire.
C’est celle, librement imaginée par l’auteur à partir de certains
épisodes de la vie de Vassili B. Nesterenko, physicien spécialiste du
nucléaire qui a réellement existé et est devenu un homme à abattre
pour le KGB pour avoir tenté et voulu continuer de contrer la désinformation
systématique autour de Tchernobyl. Le
récit de cet Espagnol relate la période qui va de la Conférence
internationale sur les poids et mesure de 2007 où il s'était rendu, à
août 2008, date de la mort de Vassia
(nom donné Vassili B. Nesterenko), durant laquelle il a tenté
de l’aider. Il est entrecoupé de ce que lui a confié le vieil homme
sur ses actions passées et de larges passages plus documentaires sur la
catastrophe et la façon dont elle fut traitée. Nous
découvrons ainsi que le physicien était intervenu comme liquidateur
sur le site de la catastrophe en le survolant par hélicoptère dans les
premiers moments lorsque le réacteur nucléaire de la centrale de
Tchernobyl explosa en mars 1986 afin de déterminer la marche à suivre
pour le refroidir. Que plus tard il mesura le niveau de contamination
radioactive des sols et l’évolution des taux d'irradiation de la
population. Qu'il préconisait de distribuer rapidement des pastilles
d'iode, mais ne fut pas suivi par les autorités qui
haussaient les seuils auxquels la radioactivité était nocive
pour l’organisme. Qu'il tenta de contrer la désinformation systématique
des autorités en alertant l'opinion publique internationale sur les
conséquences sanitaires de la catastrophe. Ce qui lui valut de devenir
un homme à abattre par le KGB. Que son combat pour montrer l'ampleur du
danger nucléaire a occupé toute la fin de sa vie, de 1986, date de
l'accident nucléaire, jusqu'à sa mort. Pour
échapper à ses poursuivants, Vassia s'était, dans un premier temps, réfugié
à Pripiat, ville évacuée située dans la zone interdite à trois
kilomètres de la centrale de Tchernobyl. Ville déserte où cependant
vivent, ou plutôt tentent de survivre au milieu de la radioactivité,
ceux qu'on appelle les samisiol. Ce sont ceux qui n'ont pas voulu
quitter leur sol, leur maison, ceux qui sont revenus chez eux parce
qu'on a pas voulu d'eux ailleurs, ceux qui y sont venus pour se cacher,
ceux qui y sont venus pour tester les effets de la radioactivité sur
leur propre corps. Vivant seuls en se cachant au début, ils ont tenté
de se regrouper sous l'impulsion du physicien qui croyait en la
possibilité d'y reformer une communauté humaine. Pripiat à présent
visitée sous certaines conditions, par les touristes... Lorsque
cela fut possible, Vassia se fit rapatrier par une ONG à Paris, où il
poursuivit son combat. Mais, après y avoir subi deux attentats, il déchira
ses papiers et était entré volontairement dans l'anonymat espérant être
pris en charge par le Samu social, lorsque le narrateur espagnol le
rencontra. L’aspect
documentaire de ce roman qui ravive de façon aiguë dans nos mémoires
le déroulement et la gravité des conséquences à si long terme de
l’accident nucléaire de Tchernobyl n’est nullement lassant. La
fuite de Vassia, l’aide à lui apportée par cet Espagnol imaginé par
l'auteur, apporte une dose de suspens qui retient le lecteur. D’émotion
aussi, par les liens qui se créent entre les personnages de la
communauté de Priapia, et lorsque l’auteur fait revenir Vassia finir
ses jours à Pripiat auprès de son épouse Ilsa où les autorités
l'ont amenée (alors qu'en réalité Vassili B. Nesterenko est décédé
à Minsk comme il est indiqué au lecteur en page 10).
Demain
les chats, de Bernard Werber
(éd. Albin
Michel 2016 Livre de Poche 2018) Dans
un Paris où des actes de terrorisme se multiplient, où des
manifestations dégénèrent, où la guerre civile s'installe, la chatte
Bastet narre son histoire et s'interroge sur le comportement insensé
des humains. Elle aimerait pouvoir communiquer ses pensées à sa «servante»
Nathalie et communiquer avec les individus des autres espèces animales
que les félins. L'auteur, Bernard Werber, après des études de criminologie et de journalisme est devenu journaliste scientifique. Il est connu depuis le succès de son premier roman : Les Fourmis. Il qualifie le nouveau genre littéraire qu'il propose de «philosophie fiction».
La
vie est un jeu d'échecs, d'Om Swami
(éd. Fleurus
2019) Vasu raconte la chance qu'il a eue enfant de rencontrer un adulte généreux et bienveillant. Grâce à lui, il a pu réaliser son rêve de devenir un grand champion d'échecs. À son tour, il transmettra ce que le «Maître» lui a appris, des échecs... et de la vie. Vasu
a grandi dans une famille indienne modeste avec des parents aimants
qu'il respecte mais dans une Inde moderne où le poids des traditions
est encore grand. On le constate quand il raconte le mariage de sa sœur,
ou quand il rappelle l'appartenance de sa famille à la caste ancienne
des brahmanes. Autre
intérêt de ce livre facile à lire: par le biais de la métaphore du
jeu d'échecs souvent utilisée, on peut réfléchir et développer:
lecture par Adéla : Se
lit agréablement l'histoire de cet ado passionné d'échecs et de leur
apprentissage pour en devenir un maître. Apprentissage qui est aussi
celui de la vie. Vasu, l'adolescent indien, a un vieux maître avec qui
il travaille les échecs, et des parents super compréhensifs qui font
tout pour l'aider dans la voie qu'il a choisie.
Fréquence
Orégon, de Loïc Le Pallec (éd.
Sarbacane 2018) Roman
de SF Première
partie : la constitution du groupe de jeunes gens venus, au hasard des
événements tragiques, d'horizons très différents, mais rassemblés
autour de ce qui les unit: le refus du monde tel qu'il est devenu, la
solidité et la force de l'amitié, la solidarité, le goût du partage
et de l'entraide, le refus du chacun pour soi, la tolérance, le respect
des différences, et beaucoup de courage au service de tous. De
bonnes idées mises en avant, des sentiments généreux exprimés, des
questionnements intéressants mais j'ai trouvé l'ensemble d'une lecture
fastidieuse. J'ai failli abandonner au cours du voyage et ne jamais
arriver au but! Les personnages sont des stéréotypes. Les bons, les
salauds, c'est binaire. Seul le robot Seven serait presque subtil, qui
comprend l'amitié sans pouvoir la ressentir dans une chair humaine
qu'il n'a pas. Mais l'idée n'est pas développée ensuite. Et les chaos
du monde avec tous ses malheurs listés parfois de façon plate, c'est
lourd en écriture. On sature vite. Ce roman me semble cibler de jeunes lecteurs ados/jeunes adultes adeptes par ailleurs de jeu vidéo ou d'escape game.
lecture par Adéla : Des
ados se posent des questions dans un monde du futur où les robots
créés par les hommes sont devenus autonomes où ces ados vivent dans
une poche privilégiée sans travailler à se faire servir par des
esclaves, alors que leurs parents (surtout le père de l'héroïne) sont
trafiquants et exploiteurs du reste du monde, entendent par ondes radio
une voix lointaine, celle du «capitaine Green» appelant à se rendre
en Oregon pour œuvrer à y bâtir un monde meilleur.
La
fille d'avril, d'Annelise Heurtier
(éd.Casterman
2018) Passé le premier chapitre situé en juin 2018, qui met en dialogue une petite fille, Itzia, et sa grand-mère, Catherine, à la recherche d'une ancienne robe de jeunesse au grenier, le récit devient intéressant, vivant et plein d'humour décalé, de cette grand-mère qui se confie. Catherine, évoque pour Itzia les conditions de vie des filles de sa jeunesse lors des années 60. Ce qu'elle relate est très vrai. Les mamies d'aujourd'hui peuvent en témoigner qui y reconnaissent l'univers de leur enfance et adolescence. Le roman leur rappelle bien des détails enfouis dans les méandres de leur mémoire: la séparation des filles et des garçons en classes différentes, les pantalons qu'il était très mal vu et interdit de porter, de même que se maquiller, les protections périodiques en tissu, à laver, le tricotin en forme d'amanite tue-mouches qu'elles ont eu, les bigoudis du samedi soir avec lesquels il fallait dormir, mal, selon l'adage qu'il faut souffrir pour être belle, certains titres de chanson, etc... L'auteure, née en 1979, n'a pas pu les vivre mais s'est beaucoup documentée auprès de personnes, ados dans les années 60, pour écrire son livre. La Catherine du roman vit un peu un conte de fée dans la mesure où elle bénéficie d'une bourse d'étude octroyée par le gros industriel textile de leur petite ville. Ce qui l'aidera à sortir de son milieu étroit. Lui donnera le désir d'oser. D'abord avoir un petit job pour se faire de l'argent de poche, que la plupart n'avaient pas à l'époque où les jeunes qui travaillaient, dès quatorze ou seize ans, donnaient tout ou partie de leur paye aux parents. Puis s'adonner à sa passion de courir, sport qui était prohibé pour les filles qui devaient se cantonner à la gymnastique, question soi-disant de santé. Passion de courir qui débouchera pour Catherine sur le métier de professeur de sport dans lequel elle s'épanouira à l'écoute de ses élèves, connaissant leurs problèmes... Ce récit narre la révolte, féministe mais obéissante et pacifiste, de Catherine face aux préjugés sur les femmes, aux interdits qu'elles subissent parce qu'elles ne sont pas nées garçons, à leur relégation au foyer comme mères pondeuses et éleveuses d'enfants... On y voit très bien l'évolution des rapports entre adultes et ados, qui aujourd'hui communiquent mieux. La petite fille Izia et sa grand-mère Catherine sont très complices et discutent en toute liberté. L'intérêt d'Izia, sa curiosité pour la vie d'autrefois de cette grand-mère, bien différente de celle qu'elle mène aujourd'hui, l'amène à poser la grande question, la question éternelle des ados, la découverte de l'amour. La réponse n'y est qu'esquissée... Bref, c'est un récit de transmission, par la grand-mère à sa petite fille curieuse, de la société des années précédant mai 68 ou couvait la révolte. Comme elle couve aujourd'hui...
On
habitera la forêt, d'Esmé Planchon
(éd.
Casterman 2019) Joyce,
treize ans, habite Lyon six mois de l'année où elle est lycéenne
moquée par les autres élèves. Sa mère est comédienne, (on retrouve
le milieu théâtral dans lequel l'auteure a été élevée) souvent en
déplacement les six autres mois. Le récit est plaisant, plein de loufoqueries de langage et de bonnes intentions. Il est destiné aux ados. Il met en lumières leurs rapports avec les adultes: Joyce et sa grand-mère, Joyce et son amitié avec une Sylvia quinquagénaire. La transmission des valeurs. L'amitié. L'union collective qui fait la force. Y sont évoquées les luttes écologiques de ces dernières années, Notre Dame des Landes, Bure...
The
Zephyr song - du lait et des cookies, d'Elliot P. Lewis (2019) Écrit
au présent, non pas de narration, mais de la vie, car ils sont
bougrement présents, ces jeunes qui expriment ce qu'ils vivent dans ce
livre. Lycéens pas taraudés par le passé, ni encore par l'avenir, qui
vivent l'instant, en ressentent les claques, intensément.
Sous le
ciel qui brûle, de Hoai Huong Nguyen
(éd. Viviane Hamy 2017, Le
Livre de Poche 2019, 192p.) En 1975, à l'occasion d'une promenade en forêt de Chantilly, Tuan, un quadragénaire, se remémore son passé, depuis son enfance vietnamienne jusqu'à sa vie en France où il s'est exilé en 1968. Parcours, très tôt marqué par des pertes successives, un temps apaisées grâce à la présence de sa cousine durant la période où il habitait chez sa tante. Ce qui va soutenir Tuan durablement, c'est son amour pour la langue française, langue mélodieuse, aux multiples nuances de conjugaison, mais langue des colons. Malgré cela, c'est à cette langue, à cette culture française qu'il s'accrochera pour construire sa vie. Il s'agit d'un roman lent, au style de bout en bout délicat voire un peu trop lyrique, un roman qui rend un bel hommage à la langue française. L'écrivaine confie avoir voulu réaliser dans ces pages un équilibre entre malheurs et joie. D'où la nostalgie de l'exilé mais l'enracinement dans une autre langue et pays, d'où les pertes mais les rencontres, d'où les atrocités des guerres et du régime Vietminh mais la beauté, le pouvoir apaisant de la nature comme de la poésie sur les affres de l'existence. Pouvoir qui porte ce livre.
La
quatrième de couverture nous apprend que Lorena, jeune femme de moins
de trente ans, tente de découvrir pourquoi son grand-père Maxime et sa
compagne sont morts. D'après la gendarmerie celui-ci se serait pendu
après l'avoir tuée. Or, Lorena n'en croit rien. Ni les autres
qui les connaissent, de ce petit village de Purgatoire dans les Vosges où
ils vivent. Lorena cherche des réponses auprès de Simon, qui vit à l'écart
sur l'adret, qu'elle appelle "Mon oncle", mais qui ne l'est
pas. Dépositaire des lieux, il sait bien des choses. Et notamment sur
l'histoire de sa famille et sur les sombres secrets qui hantent la vallée
depuis plus de cent ans. Simon, par bribes, sans soucis de chronologie,
lui raconte ce qui s'est passé lointainement, lui découvre la généalogie,
les liens entre les personnes des différents clans du village.
Tangente
vers l'est, de Maylis de Kerangal
(éd.
Verticales 2012) Aliocha,
jeune appelé se retrouve avec son contingent d'une centaine de gars
dans le Transsibérien, des jours et des jours de voyage sans savoir où
il vont, mais vers la Sibérie et la guerre, c'est sûr... Il décide de
fuir au prochain arrêt dans la gare d'une grande ville... Hélène,
française, amante d'un Anton "né dans les cuisines de la
dissidence russe", avec qui elle vit, a décidé de le quitter
lorsque celui-ci qui avait été homme d'un pays interdit, est devenu
directeur de la centrale hydroélectrique de Divnogorsk, suite à une
promotion fabuleuse, et a changé... En
gare de Krasnoïarsk, elle monte dans le Transsibérien pour
Vladivostok. Avec Aliocha, ils se rencontreront au bout du dernier wagon
où "Il a collé son front contre la vitre arrière du train,
celle qui donne sur les rails, et s'y appuie pour regarder la terre défiler
à soixante kilomètres heure, en ce moment même une steppe mauve,
laineuse — son pays de merde."... Elle,
voyage en première, seule dans un compartiment de tête, où elle
cachera le déserteur traqué, condamnés tous deux à fuir, à prendre
la tangente vers l'est... C'est
un récit court de quelques 126 pages, qu'on lit d'une traite, dans la
tension, happé par l'écriture poétique et envoûtante de Maylis de
Kerangal, qui nous fait découvrir en même temps que l’atmosphère du
Transsibérien, celle des gares et les paysages traversés, tel le
fabuleux Baïkal visible une demie heure durant, que les passagers ne manquent
pas de photographier. Il
est à signaler que le roman fut écrit en prolongement d’un voyage
d’auteurs dans le Transsibérien entre Novossibirsk et Vladivostok,
effectué dans le cadre de l’Année France-Russie en juin 2010. Nul
doute que Maylis de Kerangal y aura croisé de ces jeunes appelés,
cheveux rasés qui se rendaient, le cœur sans joie, jusqu’à leur
lieu de casernement, et à partir de là aura élaboré, comme elle sait
si bien le faire, tout un roman, poignant.
Gran
Madam's, d'Anne Bourrel
(éd. La
manufacture de livres 2015, Pocket 2016) La
narratrice, Virginie, écrit son récit pour Ali, alors qu'elle est
emprisonnée et suit un atelier d'écriture. Mais cela, le lecteur ne le
saura qu'à la toute fin. Le
roman commence par une scène qui heurte, lorsqu’elle elle doit
supporter un client, puis un autre... Il y a Henri, dit Le Chinois
bien que noir, à cause de ses yeux bridés qui lui viennent de
sa mère. Il est bon pour elle et lui vient en aide lorsque c'est nécessaire
avec les mauvais clients ou si elle est malade... Après
leur crime, Ludovic, décide de fuir vers Paris. Bégonia suit, passive.
Ainsi que le Chinois. Mais en route, à Leucate, alors qu'ils se
reposent dans les dunes, ils rencontrent une jeune fugueuse, Marielle,
qui leur demande de la ramener chez elle. Bégonia
se prend d'affection pour Marielle dont elle partage la chambre et qui a
elle se confie un peu. Tout
va bien jusqu'au jour où, la canicule qui se prolonge exacerbant peut-être
les esprits, la situation se dégrade. Le père de Marielle la dispute
de plus en plus, et la mère ne dit rien... Non plus lorsque chez les
grands-parents de Marielle, sa mère lui demande d'aller jouer avec son
oncle dans sa chambre et que devant le renâclement de la gamine, son père
l’y oblige. Oncle par ailleurs taré congénital à cause de
l’alcoolisme de la grand-mère, demeuré mais pervers qui vit encore
chez les grands-parents de Marielle. Les parents ne voyant pas ou ne
voulant pas voir... et n'acceptant pas que Marielle refuse d'aller chez
ses grands-parents, ni pourquoi elle en a fugué plusieurs fois. C'est Bégonia,
la pute, qui comprendra la détresse de Marielle... Ce
roman est qualifié de noir. Bien sûr, il nous montre la dure condition
de prostituée, la détresse de l'adolescente et les méfaits de
l'alcoolisme.
Un
peu, beaucoup, à la folie, de Liane Moriarty
(éd. Albin
Michel 2018 - traduit de l'australien par Sabine Porte) Un
peu, beaucoup, à la folie, est un roman sur "la noirceur
qui rôde sous les vies ordinaires" (sic la quatrième
de couverture), l'usure du couple dans sa vie devenue routinière, entre
amitié et relations de voisinage, entre carrière musicale exigeante et
vie de famille à préserver, entre désir/ou pas, d'enfant et don
d'ovocytes. Au
fil des pages le lecteur sent le récit construit de manière à le
tenir en attente, ne distillant que peu à peu, par retours à un
crucial "jour du barbecue" entre voisins, les tenants
et les aboutissants d'un grave accident qui survint par inattention.
Accident qui heureusement fut sans suite, sauf à bouleverser et
culpabiliser les êtres, même si la responsabilité de chacun ce
jour-là n'entraînait pas de réelle culpabilité individuelle, faillir
mener un couple à la rupture... On y découvre des tics
comportementaux, tel celui difficile à gérer d'une mère accumulatrice,
ou le type du voisin revêche. Bref,
Un peu, beaucoup, à la folie, est aisé et pas désagréable à
lire, mais il est sans grand pathos, on devine d'avance qu'il finira
bien.
Les
saisons de la solitude, de Joseph Boyden,
traduit de l'anglais par Michel Lederer (éd.
Albin Michel 2009, collection terres d'Amérique)
Deux voix s'expriment tour à tour, l'une masculine, l'autre féminine,
dans laquelle l'auteur se glisse à merveille pour confier leurs drames
et conflits les plus secrets:
Ce roman montre les deux versants de la vie des Indiens d'Amérique
d'aujourd'hui:
Bref, ce roman prenant, saisissant, porté par la poésie brute de
Joseph Boyden et l'humanité de son regard, est d'une inestimable
authenticité. Il fut couronné par le plus grand prix littéraire
canadien, le Giller Prize, à l'automne 2008. Joseph
Boyden,
né en 1966, est un écrivain canadien de langue anglaise. Il a des
origines irlandaises, écossaises et a des ancêtres Cree.
Si
une nuit d'hiver un voyageur, d'Italo Calvino
(éd.
Gallimard folio 2015 dans la traduction de Martin Rueff) C'est
un curieux livre que nous propose ici Italo Calvino. Un livre ou
l'auteur s'adresse au Lecteur, que nous sommes et qu'il est lui-même.
En employant le "tu", donc de celui, lui ou nous, qui lit,
mais aussi parfois le "je", de celui qui écrit. En résumé, avec Si une nuit d'hiver un voyageur, Italo Calvino nous donne à lire une étude approfondie et très fouillée sur le désir de lire et la lecture, menée de façon quasi ludique et de petit thriller, par le biais des pérégrinations du Lecteur et de la Lectrice à la recherche de la suite d'un roman interrompu. Étude, pour nous, rendue attrayante par les lectures ponctuelles de romans dans le roman, elles-mêmes souvent porteuses de considérations sur la littérature.
L'amie
prodigieuse, d'Elena Ferrante
(traduit de
l'italien par Elsa Damien - éd. Gallimard tome1-2014/tome 2-2016/tome
3-2017/tome 4-2018) Pourquoi
parler ici d'un roman qui reçut déjà bien des éloges, fut tiré à
des millions d'exemplaires et traduit dans plus de 40 langues? Parce que
je ne saurais le qualifier autrement que de prodigieux et
d'époustouflant. De troublant! D'un
tempérament spécial, tantôt toute amicale et mielleuse, tantôt
hargneuse, Lila arrivait à ses fins, et disait: «C'est moi la
méchante, un pacte que nous avons fait depuis l'enfance» (depuis
que petite elle jeta la poupée d'Elena dans le soupirail de la cave de
leur vieil immeuble). Et aussi: «Il faut toujours que je fasse,
refasse, couvre, découvre, renforce, et puis tout à coup que je
défasse et que je casse.» Puis se lançait dans autre chose
qu'elle réussissait tout autant. C'est
une très longue saga parue en quatre volumes denses qui totalisent plus
de deux mille pages. Elle retrace la vie des deux héroïnes, des
membres de leur familles et des familles amies ou ennemies. La vie
d'Elena, linéaire et toute tendue vers son but: devenir un écrivain
remarqué et en vivre, elle reconnaît qu'elle a toujours eu de la chance, mais
elle a aussi pris les décisions qu'il fallait. Celle, imprévisible, de Lila
qui n'a rien à faire de la stabilité. Lila,
finalement disparaît sans plus donner signe de vie à l'âge de
soixante-six ans, comme évaporée après avoir effacé toutes ses
traces. C'est cette Lila prodigieuse qu'Elena a tenté de reconstituer
à partir de ses quelques souvenirs dans ces pages dont l'épilogue incite à
relire le prologue, et pourquoi pas poursuivre pour mettre au jour, ce qui
à la première lecture, nous
aurait échappé. Alors
qu'en tout début de lecture je me disais : ce n'est qu'un best-seller
qui fait penser à une de ces séries télévisées, à une de ces sagas
interminables à rebondissements sentimentaux distillées en petits
épisodes... ―
et il
en a été effectivement tourné une série télévisée ―,
j'ai malgré tout continué à lire, prise par cette histoire d'amitié
indéfectible et chahutée et me suis rendu compte qu'il s'agissait de
bien plus que cela, que s'y mêlait le sentiment d'effroi devant
l'impermanence des choses, puisque rien n'est jamais acquis ni
définitif et que plane l'anéantissement brusque de tout, comme le
Vésuve prêt à se réveiller dans l'horizon de Naples, où se passe le
roman et d'où a confirmé être originaire, Elena Ferrante. Ce
roman complet et riche aborde absolument tous les domaines de la vie,
des vies, sans cesse à reconstruire. C'est un roman à dimension
universelle où le lecteur à une page ou une autre reconnaît l'une ou
l'autre de ses propres constatations, expériences ou situations. Mais qui est réellement Elena Ferrante? Qui est celle qu'on se prend à croire que c'est en écrivant cette Amitié de plus de trente années, avec ses hauts et ses bas, ses moments d'amour et ses moments de haine jusqu'à arriver enfin à agir selon sa propre volonté et non plus inconsciemment sous l'influence de Lila, qu'elle prouve à elle-même qu'elle est véritablement au bout du compte/du conte... devenue prodigieusement écrivain. Mais écrivain qui, comme son héroïne Lila, qui faisait parfois au cours du roman l'expérience curieuse de la délimitation, veut rester dans l'ombre, disparaître aux yeux du lecteur. Comme si seuls devaient continuer d'exister aux yeux de celui-ci les personnages littéraires, narratrice comprise, sortis de sa plume et non celui ou celle qui tint véritablement cette plume?
Le
modèle oublié, de Pierre Perrin
(éd.
Robert Laffont 2019) Chacun connaît le nom de Gustave Courbet, dont en cette année 2019 est fêté le bicentenaire de la naissance, depuis que son tableau, L'origine du monde, fit scandale. Chacun a entendu parler aussi d'un autre de ses tableaux célèbres Un enterrement à Ornans. Ornans, petite ville franc-comtoise dont le peintre est originaire. Chacun sait qu'il vécut au dix neuvième siècle, et sait peut-être aussi qu'il fit de la politique. La biographie, qualifiée de roman, que nous présente Le modèle oublié, ― que Pierre Perrin fait partir de la rencontre de Gustave et de Virginie ―, nous dévoile, par le biais de l'évocation des toiles du peintre au fur et à mesure de leur création et de son ascension, ce que l'auteur a découvert de Virginie Binet, dieppoise qui fut un des modèles du peintre, vécut avec lui une dizaine d'années et lui donna un fils. Il nous fait découvrir la personnalité de Courbet issu d'un milieu paysan, qui voua sa vie à la peinture, voulait se démarquer des artistes de l'époque. Ses rapports avec ses contemporains: Baudelaire, Flaubert, Proudhon, Champfleury, Gautier ou Victor Hugo... Le départ de Virginie, la douleur qu'il en ressentit et exprima dans certaines toiles. Ce qu'il advint d'elle et de leur fils Émile, qu'il ne reconnut pas, que pourtant il aimait et glissa dans quelques-unes de ses œuvres. L'emprise de ses trois sœurs qu'il rejoignait de longs mois durant à Ornans où il se plaisait ― sans Virginie qu'il cachait à sa famille. Ornans, où il peignait et où, grâce à la vente de ses oeuvres, il agrandissait son patrimoine terrien. Quelles sont les parts de vérité, d'interprétation et d'imagination dans cette présentation, puisque la correspondance amoureuse de Courbet a été détruite ? Pierre Perrin dans un précédent récit, Une mère, Le cri retenu (Le Cherche Midi éditeur 2001), écrivait: «D'une existence, il ne demeure presque rien. Magicien sans illusion, on fait parler les restes, quelques bribes de phrases éventées, des lettres, des photos. On ne peut rien certifier de sa recréation.» Il incorpore dans Le modèle oublié, faits et conversations réelles tirées de la très large documentation qu'il a consultée (dont il indique la bibliographie en fin d'ouvrage), et met son style très personnel et savoureux, à l'avenant du langage de l'époque. Toujours dans Une mère, il écrivait encore: «Une œuvre est un trompe l'œil; pour l'émotion suscitée, un souffle. L'artiste à la terrible volonté creuse sa tombe comme chacun. Qu'il s'en détourne ou la dévisage, ou croie la reculer, il s'enterre vivant.» N'est-ca pas ce que réalise Courbet, quand il peint L'Homme blessé? Ne fait-il pas encore de même en fin de vie? Si ce roman offre un tableau peu flatteur du peintre, c'est que le plus grand amour de Courbet fut son art, la peinture, et sans doute aussi la richesse et la renommée qu'elle lui apportait. Courbet qui, enflant de plus en plus, mourut d'hydropisie. Enfin, ce roman offre au lecteur un intéressant cheminement à travers les belles peintures de Courbet qu'il permet de découvrir ou redécouvrir, à condition de les aller visualiser dans un ouvrage spécialisé ou sur le net. Aussi regrette-t-on, qu'hormis la très belle couverture qui présente la partie centrale de la toile, L'Atelier du peintre, elles ne soient pas reproduites en encart dans l'ouvrage même.
Sur
la couverture, en dessous du titre, on peu lire "roman".
Mais il s'agit d'une biographie contée sous un angle particulier, celui
de la course à pied. Biographie donc, de la carrière sportive du
célèbre champion tchécoslovaque Émile Zatopek. Biographie limitée
dans le temps puisqu'elle va de l'invasion de la Moravie en 1939
par les Allemands à celle de la Tchécoslovaquie par les Russes en
1968, alors que le célèbre coureur est né en 1922 et décédé fin
2000.
Voici un plaisant petit ouvrage présenté sous forme de journal d'un tour de France. Il se lit facilement et sans ennui même par un lecteur non assidu des retransmissions du spectacle de cette épreuve cycliste tant l'écriture en est frivole et chatoyante, d'un auteur à l'aise dans tous les registres (voir autres lectures) et qui se plaît ici à jouer avec les sons, ce qui donne une saveur particulière au texte. Larizza y parle bien sûr de cette compétition, de ses des étapes, qu'il attend avec fièvre. Des coureurs, aux noms connus ou moins du tour de 2001 qu'il suit en direct, jour après jour à la télévision, et d'autres plus anciens, des difficultés qu'ils affrontent. Il y mêle quelques considérations autres, parle de ses occupations personnelles, pendant et en dehors des étapes, ses soirées, ses restaus, ses nuits, etc. Il ironise sur sa fatigue, sur son effort à écrire ce journal — qui, dit-il, ne sera pas lu — vautré sur son canapé rouge, tandis qu'il décrit les coureurs à la peine, les coureurs qui transpirent... — lui aussi transpire, il fait chaud nous sommes en juillet,— ou qui sont transis et bleuis par la pluie froide les jours de particulièrement mauvais temps. Il donne son avis sur le dopage. Évoque les moments graves de ce tour, des tours passés, les abandons, les accidents, les morts. Mais vite, son ton redevient léger, car de la vie, Larizza ne veut prendre que le bon côté. Il
décrit peu du paysage et des villes traversées. Des villes d'arrivée,
sauf à savoir ce que les coureurs y font: se nourrir, se reposer.
S'étend un peu sur sa ville natale, Thionville, et sur celle de
Strasbourg où il vit. Strasbourg, ville d'étape le 13 juillet, où il peut l'aller regarder passer au rond-point d'Entzheim.
Et voir quoi ? La caravane, avec sa Cicciolie chérie qui récolte des objets publicitaires, et,
en à peine quelques secondes trop rapides,
le passage du peloton à toute allure: Une amourette s'y devine tout au long, avec sa douce amie Cicciolie, délaissée durant les trois semaines où Larizza est rivé à l'écran, mais patiente et qui saura se venger une fois le tour terminé. Je ne vous en dit pas plus à ce sujet, quand vous aurez le livre entre les mains, vous le saurez.
La
vérité sur l'Affaire Harry Quebert L'écriture
comme un combat. L'écriture comme la boxe avec ses techniques, sa
discipline, ses exigences d'entraînement, de perfectionnement, afin de
se surpasser pour se vaincre soi-même et produire un bon livre
qu'aimeront les lecteurs. L'écriture aussi comme la course, par tous
temps, qu'il fasse froid, pleuve ou vente, exigeant la persévérance
pour arriver au bout. Voilà
le thème de ce roman où le grand écrivain, Harry Quebert, conseille
et se confie au jeune Marcus Goldman tout au long d'une enquête à
moult rebondissements. Enquête non dénuée de sentiments, "chagrin
d'amour et chagrin de livre", avec des allers retours dans le
temps, après que le corps de Nola, jeune fille de 15 ans aimant et aimée
d'Harry, disparue trente ans auparavant, ait été retrouvé enterré
dans la propriété de ce dernier; présumé donc coupable, ce qui brise
sa carrière d'écrivain. Enquête menée par la police, bien sûr, mais
aussi sur place par Marcus qui ne croit pas en la culpabilité de son
ami et maître en écriture, Harry Quebert, lequel l'a aussi initié à
la boxe, pour lui apprendre à savoir tomber, à oser et à quitter les
chemins de la facilité. Enquête narrée par Marcus qui, sous contrat
et pressé par son éditeur, veut réhabiliter son ami et décide d'en
écrire un roman. Dans lequel entrent les voix des différents
protagonistes qui donnent lieu à plusieurs interprétations des faits,
et donc induisent différents coupables, avec la possibilité qu'a l'écrivain
d'écrire plusieurs versions, de là les successifs rebondissements,
jusqu'à ce qu'il trouve le vrai coupable. Car
l'écrivain ne connaît pas d'avance la fin de son roman. Mais celle-ci
peut tout aussi bien être celle que, lui, souhaite, puisque l'on est
dans la fiction, et il parvient alors au "paradis des écrivains"... Bref,
La vérité sur l'Affaire Harry Quebert, est un roman passionnant
de 860 pages, présenté de manière très originale, où l'on assiste
à l'écriture d'un roman dans le roman, en 31 chapitres numérotés à
rebours, comme autant de conseils distillés à l'écrivain novice,
contenus dans trois parties allant de "La maladie des écrivains"
au "Paradis des écrivains" en passant par "La
guérison des écrivains", précédées d'un prologue et
suivies d'un épilogue. L'auteur,
Joël Dicker, écrivain suisse romand né à Genève en 1985, situe son
roman dans l'Amérique des années 2008 avec retours sur l'année 1975 où
il était répréhensible pour un homme de trente deux ans d'être
amoureux d'une gamine de quinze ans. Ce roman fut plusieurs fois primé et adapté sous le même titre en série télévisée par Jean-Jacques Annaud. Dans l'édition de 2018 Joël Dicker lui consacre une postface agrémentée de photos couleur prises lors du tournage du film.
Comme le titre l'indique, voici un roman qui devrait intéresser les lectrices friandes de romans érotiques. Sans vulgarité ni obscénités il permet aux autres d'aborder la littérature de ce genre sans les heurter. Des
femmes analphabètes indiennes habitant Londres se sont inscrites à un
cours d'écriture. Pas pour apprendre la calligraphie, mais pour passer
d'agréables moments à raconter leurs histoires afin qu'elles soient
transcrites sur papier. De tous âges et de différents milieux et
quartiers de Londres, que leurs époux soient décédés ou qu'ils les
aient quittées, leur mariage pour la plupart avait été arrangé.
Elles font part dans cet atelier d'écriture de ce qu'elles auraient
voulu vivre en amour, de leurs fantasmes. Imprimés en italique, bon nombre des récits érotiques très imagés et pimentés de ces femmes, ponctuent le roman. Lequel est traité avec humour mais y plane tout au long l'ombre des dangers courus à enfreindre la "moralité", et l'énigme à résoudre du prétendu suicide d'une jeune fille sikh qui s'était rebellée après avoir accepté un mariage arrangé. PS. Enfin, par certains aspects Le club des veuves qui aimaient la littérature érotique de Balli Kaur Jaswal peut se rapprocher de Quand le destin s'emmêle, d'Anna Jansson et de La bibliothèque des cœurs cabossés, de Katarine Biwald.
Le roman se passe au début de l'année 1963. Ignatius J. Reily, célibataire, vit dans un quartier pauvre de la Nouvelle Orléans, avec, et aux crochets de sa mère qui ne pense qu'à lui. Elle s'est saignée pour qu'il fasse des études qu'il a prolongées le plus longtemps possible réussissant ses examens avec mention. Études en littérature médiévale qui n'ont pourtant débouché sur aucun travail. Il n'en a pas cherché. Ses plus grandes préoccupations sont de manger, il devient de plus en plus obèse; d'aller au cinéma voir de mauvais films afin de se rendre compte de ce qu'il y a à y déplorer; de rester enfermé dans sa chambre sale et désordonnée, où il interdit à sa mère d'entrer, où il noircit de ses idées sur la société contemporaine qu'il abhorre, nombre de petits cahiers qu'il laisse traîner sur le plancher; de lire et de répondre aux lettres de Myrna, «péronnelle» à ses yeux, qu'il a connue à la fac et avec qui il a eu une relation platonique. Anarchiste, elle voudrait l'entraîner dans toutes sortes d'actions militantes à même de l'amener au sexe. Paresseux, menteur, hypochondriaque, atteint de troubles physiques et digestifs, «son anneau pylorique se ferme...» dès qu'il est contrarié. Ignatius est peut-être plus intelligent que psychopathe ayant le génie de se donner les moyens d'en faire le moins possible. C'est ce que finit par penser le lecteur lorsqu'il se rend compte qu'ayant, par la force des choses et pour aider sa mère, dû accepter de travailler, il berne allègrement ses employeurs qui finissent par le renvoyer. Ce qu'il entreprend pour tenter de rendre la société conforme à sa «conception du monde» tournant mal, comme si «dame Fortune» s'ingéniait à lui être néfaste. Si au cours du roman Ignatius reste campé sur ses positions, les personnages qui l'entourent, eux aussi très hauts en couleur, évoluent. Dont sa mère, arthritique et alcoolique au début du roman, qui finit par se rebeller et vouloir que son fils parte afin de vivre enfin pour elle-même… De quelques 475 pages d'un caractère serré, ce roman, tout d'ironie et d'humour noir, est à lire. Jamais le récit ne faiblit, que le lecteur français savoure à travers sa remarquable traduction de l'anglais par Jean-Pierre Carasso... qui restitue le langage tantôt érudit d'Ignatius, tantôt populaire des différents personnages, hommes ou femmes de différents milieux, dont le noir Jonas, avec nombre jeux de mots dus à l'orthographe purement phonétique utilisée. Car dans ce roman John Kennedy Toole présente tous les archétypes de l'Amérique contemporaine: les marlous, les beatniks, les rockers, le flic, les vieux chrétiens fondamentalistes, la voisine acariâtre, l'activiste anarcho-névrosée, les vendeurs de hot-dogs, etc. Enfin,
puisque en préface du livre le destin de l'auteur John
Kennedy Toole est signalé, ―
auteur
dont la mère à fait
publier le roman après qu'il se soit suicidé parce qu'il se croyait un auteur raté,
puisque refusé par
les éditeurs ―,
le lecteur se prend à imaginer qu'il ressemblait, peut-être?, par certains aspects à Ignatius...
Va savoir!
L'auteur
met en scène la famille Tuvache composée des deux parents, Mishima (prénom
en allusion à l'auteur japonais suicidé par sepuko) et Lucrèce
(allusion à la célèbre empoisonneuse Lucrèce Borgia) et de leurs
trois enfants qu'ils ont appelé Vincent (à cause du peintre Van Gogh)
Marilyn (à cause de Marilyn Monroe) et Alan. Leur caractère est en
adéquation avec leur prénom, sauf celui d'Alan, le dernier né qui, au
grand dam de ses parents, est un enfant anormal, puisqu'hilare de
naissance, il voit toujours le bon côté des choses.
Blonde,
de Joyce Carol Oates (éd.
Stock 2000) Ce
livre m'a beaucoup intéressée par l'écriture et les portraits très
bien dessinés, de Marilyn bien sûr, mais aussi de sa maman et de ses
différents maris etc. par la description de l'Amérique des années
1950 à 1960 ainsi que des endroits où elle a vécu. Le dédoublement
de sa personnalité se découvre au fur et à mesure de la lecture:
petite fille confiante et spontanée qui devient un sexe symbole avec
son corps parfait, transcendé par ses succès au cinéma mais qui rêve
de maternité etc. et évolue vers une fin tragique...
Avec ce beau titre emprunté à un vers de Jules Supervielle issu du recueil Oublieuse mémoire, Jean-Paul Goux nous amène à nous interroger avec Vivien, le narrateur, sur ces sourdes contrées qui constituent la mémoire lequel en cite quelques passages à un moment de son récit. Il s'agit ici du souvenir d'un vécu totalement perdu, ou peut-être inconsciemment occulté, ou d'une rêverie qui a pris l'apparence du réel, comme porte à le penser la phrase de Blanchot que l'auteur met en exergue de son livre: "Ce qui ne fut peut-être pas, ne fut peut-être que rêvé, mais, comme tel, n'en eut pas moins lieu." Vivien est donc celui qui écrit ces lignes pour les donner plus tard à lire à Julie, sa compagne architecte. Julie, dont il craint que l'esprit s'égare, dont il veut croire qu'elle ne fait qu'une crise passagère, qu'une "fugue" de la mémoire dans des souvenirs imaginaires ou rêvés, puisqu'il ne se rappelle pas qu'elle lui en ait jamais parlé auparavant, alors qu'elle-même affirme l'avoir fait très souvent. Alors en lui naît la peur: "...cette peur inconnue, que je n'ai pas nourrie moi-même, cette peur qui me vient du dehors, qui ne dépend pas de moi, qui tient à celle que j'aime quand celle que j'aime s'efface en ma présence, pourrait bientôt s'effacer tout entière, disparaître pour jamais..." Il lui écrit ces pages, ces traces de ce qui arrive où il note ses propres pensées et ce qu'elle raconte de si inconnu pour lui, après l'énervement de celle-ci lorsqu'il lui affirme qu'elle ne lui en a jamais parlé et qu'il ne croit pas que cela puisse donc être vrai. Pour éviter de réentendre la voix dure qu'elle eut alors et qui lui semble être celle d'une autre Julie que peu à peu elle devient, pour éviter qu'elle s'éloigne, qu'ils finissent par être sourds l'un à l'autre, ne plus s'entendre, il décide de l'écouter sans la contredire. L'emmène sur l'un de ses anciens chantiers, qu'elle dit ne pas connaître. D'un autre bâtiment qu'elle-même a rénové autrefois, elle prétend que ce n'est pas son travail, mais celui d'un dénommé Simon, qu'elle affirme avoir connu dès le lycée et dont Vivien ne se souvient pas qu'elle lui en ait jamais parlé... Ce Simon et quelques-uns des noms de lieux évoqués, les lecteurs de Jean-Paul Goux les reconnaissent. C'est le Simon des Hautes falaises, celui de L'embardée... ce fils et petit fils d'architecte, architecte lui-même. Le biais de l'architecture permettant à Jean-Paul Goux de rendre sensible dans l'espace l'expérience du temps*, de longues pages sont consacrées à de minutieuses descriptions architecturales très visuelles d'immeubles, — ici ceux des anciens chantiers de Julie: maisons, château, ancien monastère, maison forte... qu'elle a rénovés —, en termes justes et techniques et d'une précision telle que si le lecteur prenait la peine de les dessiner, ces bâtiments, il y parviendrait. Ces lieux où s'articulent l'espace et le temps*, Julie dans son moment de détestation d'elle-même et de son travail dit les avoir seulement rapetassés. Alors qu'en fait elle les a "ranimés", fait "renaître, revivre..." ce qui a permis de les "réveiller et les réinventer pour les rendre habitables". De même Vivien dans ses notes, mêlées de la préoccupation pour le rêve et la rêverie agissante* dans la construction du souvenir, reprend* la teneur de leurs conversations. Le lecteur reconnaît aussi dans Sourdes contrées, l'intérêt de l'auteur pour les jardins, clos, et les escaliers, que l'on retrouve présents dans bien des chantiers de Julie et plus précisément l'escalier en forme de vis: "Une spirale, un ressort qui est est tendu d'abord, écrasé si tu veux, avec ses fins anneaux qui semblent seulement empilés les uns sur les autres, mais lorsqu'il se détend, voici que les anneaux deviennent des spires et qu'apparaît le lien qui les unit d'un bout à l'autre - un fil continu qui s'enroule autour d'un axe immatériel, invisible et qui tient ensemble le commencement et la fin, enchaîne le plus lointain et le plus proche, relie ses éléments distants par cette spirale que nous sommes dans le temps." Cette ample prose poétique teintée de mélancolie caractéristique des œuvres de Jean-Paul Goux retient le lecteur attentif de page en page, lequel lecteur s'inquiète, de page en page, de l'issue du récit de Vivien... *Lire, ou relire, le compte rendu de la rencontre avec Jean-Paul Goux au Café littéraire luxovien où il s'attachait à expliquer bien des termes qu'il emploie dans ce présent ouvrage.
Mon âge /L'averse/Les
séances/Corps/Un homme aborde une femme,
de Fabienne Jacob Dans des contextes légèrement différents, de livre en livre Fabienne Jacob décline ses mêmes thèmes de prédilection: les mots et le ressenti. Elle nous dévoile l'intériorité du narrateur. Plutôt de la narratrice, sauf dans L'averse. Ce qu'il ressent, ses allers et retours de pensées vers l'enfance, les confidences d'autres femmes. Brosse des portraits, des sortes de "vies minuscules", qu'elle relie par un fil rouge. Dans Un homme aborde une femme, c'est la narratrice qui est plaquée par un homme. Dans Les séances ce sont deux sœurs dont l'une est devenue photographe et l'autre, qui fut adoptée, guérisseuse à l'écoute de femmes qui lui racontent leur histoire, leurs problèmes, à l'attente desquelles elle répond par une phrase sibylline. Dans Corps, c'est une esthéticienne à laquelle se confient des femmes qui n'aiment pas leur corps... Dans L'averse, c'est Tahar mourant et les souvenirs de sa vie qui affluent dans ses derniers moments. Dans une écriture sobre et belle, elle met en scène des situations profondément humaines où tout un chacun, chacune, à un moment donné peut se reconnaître.
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