Le Café Littéraire luxovien / Des lectures (12) | |||||||
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La
chèvre des marais, de Vincent
Bousrez
(éd. FC
culture et patrimoine 2024) La
chèvre est présente dans les chansons et les légendes
franc-comtoises. Vincent Bousrez qui s'est intéressé depuis son plus
jeune âge à l'histoire de la Franche-Comté, sa nature, sa
gastronomie, ses contes et légendes, son parler, nous donne ici à
lire, non plus un roman historique, comme l’étaient les deux tomes de
Les Loups des bois, ses
premiers livres, mais une fiction policière élaborée à partir de la
légende qui courait dans le pays du Saulnot: celle de la chèvre des
marais. Prenante
dès la première page qui d’emblée retient l’attention du lecteur
par le ton qu'emploie celui qu’on ne sait pas encore être le
capitaine de police Peureux chargé de l’enquête sur la mort d'une
jeune fille découverte la gorge tranchée dans les marais de Saulnot,
lequel narre à la première personne son vécu au présent et ses pensées
telles qu’elles lui viennent sans châtier son langage. Un langage qui
décoiffe, par sa vitalité, sa verve aux accents et au vocabulaire plus
ou moins argotique d’aujourd’hui, mêlé de termes typiquement
franc-comtois utilisés peut-être encore de nos jours par quelques
anciens des campagnes dont le lecteur devine le sens par le contexte. Ce
qui ne le rebute pas, le lecteur, bien au contraire tant le langage parlé
de ce capitaine anarchiste sur les bords, est fleuri, sans toutefois
tomber dans la vulgarité, qui ne perd pas de temps en longues
conjonctures psychologiques ou intellectuelles. «
On sort de la bicoque. Je regarde le ciel. Ça se peucit
dangereusement. Avec un peu de chance, une rabasse viendra écourter
notre visite en plein-air. En attendant, je fais contre mauvaise fortune
bon cœur et suis les deux intellos dans les ruines. Et qu’ici je suis
en train de retaper le mur ouest. Et que là je suis en train de trésir
de vieux outils, restés sous terre depuis des siècles et que je vous
montrerai à la fin de la visite. Et la Sémonin de s’esbaudir de
chaque pan de muret et du travail « incroyable » réalisé par le maître
des lieux. Tu parles! Un tas de cailloux! L’archéologue nous explique
les tenants et les aboutissants historiques de sa propriété. J’ai
beau m’en battre les roustons comme de ma première chemise, sa
passion me le rend encore un peu plus sympathique. Enfin le tour du
proprio s’achève. La prof est aux anges. » Le
capitaine Peureux en effet est assisté, contre son gré ce qui le fait
souvent pester, d’Alice Sémonin, professeur chercheuse en
anthropologie sociale qui fait sa thèse sur les racontottes, et qui de
suite voit une analogie entre ce meurtre et les légendes ancestrales,
certains protagonistes ayant tôt fait d’en accuser le fantôme de la
chèvre des marais… Bref,
c’est un roman policier de terroir, récréatif, qu’on lit d’une
traite, un excellent dérivatif aux ouvrages qui se veulent plus sérieux.
Bien mené et bien écrit dans ce style parlé qui ne manque pas
d’humour, l’auteur, par le biais de ses personnages y dénonce au
passage les problèmes de société, les travers et dérives politiques
d’aujourd’hui. Et si, comme il se doit le criminel est démasqué
arrêté et incarcéré, la fin reste ouverte qui, aux yeux du lecteur
appelle une suite que l’auteur envisage peut-être d’écrire? À
moins que le lecteur ne doive se contenter d’une explication
fantastique qui rejoint la légende?
Professeur
Unrat (L'Ange Bleu) de Heinrich Mann, Heinrich
Mann est un écrivain allemand né à Lübeck en 1871 et mort en 1950 à
Santa Monica en Californie. Il est le frère aîné de Thomas Mann (écrivain
allemand, né à Lübeck en 1875, qui fut prix Nobel de littérature en
1929) et l'oncle de Klaus Mann (écrivain allemand, naturalisé tchèque
puis américain, né le 18 novembre 1906 à Munich et mort le 21 mai
1949 à Cannes). Heinrich
Mann, outre ses romans et ses nouvelles, donne des essais, des pièces
de théâtre et des traductions. À l'avènement d'Hitler, en 1933, son
nom est sur la liste des écrivains interdits. Il se réfugie d'abord en
Thécoslovaquie, puis s'installe à Paris, pour enfin gagner les États-Unis
où il réside pendant toute la guerre à Santa Monica. Résumé :
Le
monde selon Garp, de John Irving
(éd. Seuil 1980– Le Point
1998) La
quatrième de couverture nous annonce : "Jenny Fields ne veut
pas d’homme dans sa vie, mais elle désire un enfant. Ainsi naît Garp.
Il grandit dans un collège où sa mère est infirmière. Puis ils décident
tous deux d’écrire, et Jenny devient une icône du féminisme. Garp,
heureux mari et père, vit pourtant dans la peur: dans un univers dominé
par les femmes, la violence des hommes n’est jamais loin… Un livre
culte à l’imagination débridée, facétieuse satire de notre monde." John
Irving, dans ce long roman foisonnant de 648 pages que le lecteur ne lâche
pas tant les péripéties, sont souvent hilarantes de l’avant conception
de Garp puis de sa vie et celle de son entourage et des siens, "prend
à bras le corps les problèmes de la violence, de la sexualité, de la
famille, de la libération des femmes et compose un livre hilarant sur
un monde fou" y ajoute l’édition du Point de 1998. Quelles
sont les nombreuses femmes qui jouent un rôle, plus ou moins important,
dans la vie de Garp ? —
D’abord Jenny, sa mère, "énergique et coriace elle avait
rarement besoin qu’on lui remonte le moral", et sera toujours
là pour le guider et le sortir des mauvaises passes. Elle écrira un
ouvrage à succès la propulsant icône du féministe malgré elle.
Devenue riche, elle ouvrira un hôpital pour accueillir des jeunes
femmes en détresse, et soigner des Ellen-jamesiennes. Sans
évoquer les personnages masculins, et sans dévoiler bien des phases du
roman, "partiellement autobiographique", nous confie aussi la
quatrième de couverture, voilà déjà de quoi en avoir un petit aperçu.
Les événements et même les drames qui s’y passent sont narrés
souvent de façon à les rendre drôles, ils sont cependant graves, mais
toujours surmontés grâce à l’énergie des personnages…
Connemara,
de Nicolas Mathieu (éd.
Actes Sud 2022 Christophe
et Hélène ont eu, dans leur adolescence un petit «crush». On les
retrouve à la quarantaine.
Fantastique
histoire d’amour, de Sophie Divry
(éd.
du Seuil 2024) Un
roman riche parce qu’il est à la fois une histoire d’amour, mais
aussi un thriller et un polar. Trois
« personnages » animent ce livre. On
vient de découvrir une victime: un ouvrier broyé par la machine. Beaucoup
de péripéties bien sûr. Mais aussi une occasion de montrer des
aspects de notre société: monde du journalisme, de la recherche, du
travail et d’étudier les relations humaines. Intéressant!
La
chute des géants, de Ken Follett
(éd.
Robert Laffont 2010) Le
roman retrace le lent cheminement de l’imbroglio diplomatique après
la dépêche d’Ems qui a servi de prétexte pour engager la guerre
franco-allemande de 1870. Ce,
depuis
le vécu et les aspirations profondément humaines de membres de cinq
familles des pays qui se retrouvèrent en guerre, involontairement pour
beaucoup: Anglais et Écossais, Américains, Allemands et Autrichiens,
Russes, Gallois. Cinq familles qui chacune aurait pu faire l'objet d'un
roman séparé, mais dont les personnages attachants, de toutes catégories
sociales et même de milieux diplomatiques,
vont se croiser, nouer des liens d’amour et d’amitié mais se
retrouveront face à face dans des camps opposés… malgré eux qui ne
voulaient pas la guerre et ont pour certains tout fait pour qu’elle
n’éclate pas, éviter les millions de morts engendrés. Nous
sommes aussi au début des mouvements féministes, les femmes parmi les
nombreux personnages retiennent particulièrement l’attention. Elles
sont modernes, libres et féministes, deux sont journalistes et se
battent pour que les femmes obtiennent le droit de vote, ne dépendent
plus du bon vouloir et des lois dictées par les hommes, soient libre de
se marier, ou pas, à leur guise, d’élever leur enfants, etc. Jeux
politiques, trahisons, amours contrariés, rivalités et intrigues
passionnent le lecteur et lui font découvrir les dessous de
l’Histoire, tout au long des 995 pages de cette véritable épopée
qui commence le 22 juin 1911 et se prolonge jusqu’aux mois de décembre
1923-janvier 1924.
Madelaine
avant l’aube, de Sandrine Collette
(éd. JCLattès
août 2024) On ne sait pas dans quel pays cela se passe, on ne sait pas à quelle époque cela se passe. On devine que c’était autrefois il y a très longtemps lorsqu’il y avait des paysans qui travaillaient la terre quasiment de leurs mains et des maîtres tout puissants à qui elle appartenait. C’est un pays où l’existence est dure pour ceux- là qui travaillent. Où le manger n’est jamais assuré, la terre étant avare et le climat, de long gel ou de trop de pluie, le plus souvent néfaste, la récolte est maigre quand il y a, et qu’il faut partager avec le maître. Le maître qui a tous les droits, sur les paysans de ses terres, leurs filles et leurs femmes… C’est un pays où les paysans sont habitués à leur sort parce que c’est ainsi depuis toujours. Et pour qui l’essentiel est de continuer à vivre, et pour ce, de travailler, de s’épauler en famille pour faire rendre à la terre âpre ce qu’elle peut… seul moyen de passer outre aux deuils, seul moyen de manger. C’est dans ce pays que Sandrine Collette fait évoluer son histoire. Une histoire dure avec des deuils et des drames. Une histoire haletante aussi, où apparaît Madelaine, fillette affamée sortie de la forêt et adoptée par une famille de ce pays reculé dit des Montées. Madelaine qui bouleversera leur vie. Madelaine la révoltée, la passionnée, la courageuse, qui n’accepte pas, elle, de se plier à ce sort injuste et se rebiffera. C’est
une histoire qui heurte notre quotidien de lecteurs nantis. De quoi
osons nous nous plaindre? Car ceux d’avant nous menaient autrefois
cette vie si dure, et il en existe de nos jours à nos portes et dans
bien des pays pauvres ou en guerre qui sont contraints de la mener
encore, cette vie de misère, pour continuer à vivre, pour être
encore… L’écriture en est très belle, vivante et narrée au temps présent, que l’autrice a longuement reprise, remaniée et retravaillée avant qu’elle ne soit éditée. Un roman qui met en avant les thèmes de la précarité de l’existence au lendemain jamais assuré, de l’injustice, de l’instinct de révolte, de l’instinct de survie et des liens familiaux garants de cette survie… du travail opiniâtre. Une
histoire qui nous fait réfléchir en nos temps d’incertitude, ou tout
peut basculer d’un jour à l’autre. Peut-être l’histoire romancée
de ses personnages éprouvés n’est-elle prétexte pour l’autrice
qu’à nous rappeler les duretés de la vie, et du devoir de vivre,
qu’on croit avoir gommées…
Des
saisons adolescentes, de Sébastien
Berlendis
(éd. Actes
Sud 2020) "C’est
un après-midi de mai dans un lycée de la périphérie lyonnaise. (…)
Je raconte l’histoire d’un garçon qui perd la mémoire. Bientôt il
ne pourra garder qu’un seul souvenir, dernier souvenir qu’il peut néanmoins
choisir. Je propose aux élèves de se mettre à la place du jeune garçon
et d’écrire sur leurs plus beaux papiers le souvenir qu’ils
souhaiteraient conserver." "Deux années passeront, un soir de novembre j’ouvrirai la boîte cartonnée qui contient l’ensemble des textes. Je les lirai une deuxième fois, je rappellerai certains élèves, il sera temps d’écrire à mon tour." Pour
écrire ses propres textes, Sébastien Berlendis s’est donc nourri des
idées de ses élèves, sans les leur voler puisqu’il les a rappelés
et les remercie en fin d’ouvrage en citant leurs noms.
D’ailleurs les élèves le lui avaient en quelque sorte demandé :
"Alors que ses camarades ont déjà quitté la salle, une élève
traîne, s’approche du bureau et me demande d’écrire également." De texte en texte, on trouve une écriture uniformisée à la première personne du présent, moulée dans le style de Sébastien Berlendis. Celle des élèves devait être bien moins travaillée, mais aurait peut-être par leurs variété et différence d'un élève à l'autre, intéressé le lecteur dans leur vérité première. Il faudrait pouvoir comparer leur premier jet avec ce que nous donne à lire ici Sébastien Berlendis. Des
textes qui finalement évoquent tous les
premiers émois, les premiers deuils, les vacances, des lieux qui
paraissaient uniques et enchanteurs, la découverte que le présent
devient passé, que l’écriture ou une photographie jaunie peut le
figer ou l’éterniser… Tous thèmes chers à Sébastien Berlendis et
qui rendent ses écrits emprunts de poétique nostalgie… Ce
travail sur les écrits des élèves fut sans doute enrichi de l’expérience
de leur professeur, écrivain mais également photographe, et peut être
parmi cet ensemble de textes s’y glisse-t-il un sien propre?
Mrs
Hemingway, de Naomi Wood
( éd. Quai
Voltaire / La Table Ronde 2017 – folio 2023) Connu
comme homme à femmes et alcoolique, c’est la découverte de la vie
privée de l’auteur célèbre connu pour : Pour qui sonne le glas,
et Le Vieil homme et la mer, à travers le vécu de
ses quatre épouses successives: Hadley Richardson, Pauline Pfeiffer
dite Fife, Martha Gellhorn et Mary Welsh qui lui restera dévouée
jusqu’à ce que, rattrapé par ses démons et ses noires pensées, il
se suicide. Ce roman de Naomi Wood nous donne un éclairage nouveau sur une autre œuvre posthume d'Hemingway, Le jardin d'Eden, qu'il serait bon de lire ou de relire dans la foulée, Michel Mohrt, le préfacier, y écrivait que ses détracteurs diraient que le romancier s'y parodiait lui-même...
Lungomare,
de Sébastien
Berlendis
(éd.
Actes Sud 2024) En
Italie à Rocabianca, petite station balnéaire à quarante kilomètres
plus à l’est de San Remo, l’auteur, Sébastien Berlendis attend
Annabella. Ils passent leurs vacances entre l’hôtel Miramare, la
plage, les escapades et visites de lieux magnifiques des environs, en
lisant, écrivant, et lui, en photographiant paysages et personnages
croisés… En
parallèle lui revient à l’esprit la jeunesse de ses parents lors de
leur rencontre en 1971, à vingt ans, d’après les photos qu’il possède…
et des moments de son enfance avec eux… Mêlé au fait
qu’aujourd’hui sa mère souffre et répète « Quelque chose a été
raté »… alors que les photos attestent du contraire… D’une
écriture sobre qu’on savoure comme une friandise toute de pudeur et
de délicatesse, il décrit les paysages, les lieux italiens aux noms
chantants, les impressions de son vécu… Mais d’une écriture
empreinte d’une certaine mélancolie puisqu’on y sent le temps
passer… Celui de ses vacances présentes qui vont bien sûr se
terminer… Et celui d’un passé qui revient, celui évoqué par les
photos anciennes de ses parents, jeunes et heureux, traversant celui de
celles qu’il prend actuellement dans des lieux similaires, de même
son écriture qui tente de figer en images les lieux et le temps en un
éternel présent… Calque de sa jeunesse sur la leur?
Le
dernier Néandertalien, de Ludovic Slimack
(éd. Odile
Jacob 2023) En 2015, après vingt-cinq années de recherches archéologiques dans une petite grotte du Sud de la France, Ludovic Slimack se trouve confronté aux vestiges d'un corps. Des équipes scientifiques du monde entier se penchent sur cette découverte fondamentale. Ce corps pourrait bien être celui de l'un des derniers néanderlaliens, mais les résultats des analyses scientifiques les plus pointues déroutent les chercheurs. C'est toute la démarche de l'archéologue qui se doit d'être précautionneuse et prendre des pincettes avant d'affirmer toute conclusion en confrontant ses résultats à d'autres analyses les recoupant, ou non... à laquelle nous initie ici pas à pas Ludovic Slimack. Car pour être sûr qu'il s'agit bien d'un des derniers néandertaliens, il faut dater selon les méthodes différentes d'analyse moderne les dents, os, crâne ainsi que fragments et matériaux retrouvés dans cette grotte de la vallée du Rhône. Or les résultats de ces différentes analyses ne se recoupent pas. De plus, est-il sûr que ce néandertalien soit l'artisan ou le possesseur du silex pourtant trouvé à une trentaine de centimètres de sa main? Il peut avoir été placé là à une autre époque, on ne sait comment. Et quand je dis époque, cela peut se traduire en millénaires et dizaines de millénaires... L'auteur développe donc tout ce cheminement et les pensées qui le font passer de son intuition, de sa certitude archéologique primordiale, au doute, au questionnement, à imaginer diverses solutions possibles à vérifier, ainsi que ses échanges avec des chercheurs d'autres disciplines et d'autres lieux de fouille, afin de prouver que la créature découverte soit bien un homme de Néandertal qui aurait vécu bien après que l'on ait cru ceux-ci complètement disparus. Son cheminement est scientifique, mais aussi philosophique quant à la disparition complète d'une espèce de la planète sans qu'on sache les détails de cette disparition, le pourquoi ni le comment... L'auteur ne manque pas de mettre en parallèle cette disparition des néandertaliens qui se sont mis en retrait, ont cédé la place aux sapiens, avec les disparitions récentes de certaines civilisations devant de nouveaux venus plus aptes à évoluer. Au cerveau différent peut-être, aux modes de vie, aux façons de se regrouper pour s'en sortir, etc. Bref, d'espèces différentes capables d'actes abjects, ainsi peut-être qu'au paléolithique les Sapiens, qui ont éradiqué de la planète tous les autres humanoïdes... Cette grave et triste question philosophique et existentielle est évoquée par Ludovic Slimack de manière de plus en plus lyrique au fur et à mesure qu'il approche de la fin de son livre. Puisqu'il s'agit aussi dans son ouvrage de tenter d'appréhender comment ces civilisations, ces néandertaliens sont morts, petit à petit et sans bruit... il y pose la question: "Est-ce ainsi que les hommes meurent?", miroir de celle d'Aragon: "Est-ce ainsi que les hommes vivent?" L'on sait que Sapiens et Néandertal ont pu se mélanger et se sont métissés acquérant des gènes néandertaliens et ne retenant que les plus utiles d'entre eux. (De même d'ailleurs qu'avec les denisoviens, issus aussi de la même forme humaine ancestrale Homo heidelgergensis venue d'Afrique et répandue en Eurasie orientale, quand les néandertaliens se sont développés en Eurasie occidentale). Les paléogénéticiens estiment en 2024 que l'ensemble des génomes des eurasiens (=tout habitant de l'Eurasie, supercontinent formé par la réunion de l'Europe et de l'Asie) contient pas moins de 30% du génome néandertalien, ce qui est beaucoup. Alors, complètement disparu l'homme de Néandertal??? Bref, se lit avec intérêt cette enquête aux nombreux développements qui part de la démarche rigoureusement scientifique, passe au questionnement philosophique pour finir dans le quasi lyrisme... PS. Dans la foulée on pourra lire, de Silvana Condemi et François Savatier, "L'énigme Denisova" paru en 2024, sur la branche d'H. heidelgergensis qui peupla l'Eurasie orientale. L'écriture en est différente qui s'en tient strictement aux découvertes, recoupements et faits avérés, sans trop aborder les méandres de la démarche, de la pensée.
Dewey, de
Vicki Myron (avec
la collaboration de Bret Witter pour l'écriture) (éd. Jean-claude
Gawsewitch 2008) Dewey,
c'est le nom de l'inventeur d'un système de classification des livres
dans les bibliothèques. C'est aussi le nom donné au héros de ce
livre : un chat. Pourquoi? Mais, en parallèle à l'histoire de Dewey, qui vécut dix neuf années de 1988 à 2006, où forcément Vicki dévoile des pans de la sienne, c'est aussi l'histoire de la petite ville américaine typique de Spencer au nord-ouest de l'Iowa que nous apprend l'auteure. Sa situation géographique, son climat, ses origines historiques, les premiers colons qui s'installèrent dans cette ville qui n'existait que sur le papier, ses problèmes, sa crise agricole, l'incendie qui la ravagea, sa crise financière, etc. Comment la ville résista à tout et peu à peu se développa sur cette plaine où il fallait constamment être en mouvement, se moderniser et grandir. Et le rôle que, d'après Vicki, Dewey joua auprès de ses habitants, bonnes gens du Midwest, solides et travailleurs, fiers mais modestes. Bref,
ce récit, documentaire par certains côtés, sur l'Iowa, la vie des
chats, leur vieillissement inéluctable et le chagrin assuré puisque
l'on sait bien en adoptant un animal qu'il vivra bien moins longtemps
que soi... est surtout un livre sur le bonheur que procure un animal
domestique et réciproquement sur celui qu'on lui procure en lui
assurant une vie heureuse.
L'homme
qui voulait vivre sa vie, de Douglas Kennedy (éd.
Belfond 1998 - Pocket 2204) Je ne sais trop pourquoi la bibliothécaire m'a proposé ce livre lorsque je lui demandais des romans sur le thème des vacances, plaisants de préférence. Peut-être parce que le mot "vacances" implique une sorte d'évasion de la vie routinière. Peut-être aussi parce qu'il est souvent associé à "voyage". Il est en effet dans ce roman beaucoup question de voyage. Du moins, de longue errance sur les autoroutes des divers états d'Amérique du nord qui conduisent de New York City au Montana, Ben, le narrateur, photographe dans l'âme mais devenu, par suite des nécessités et des bonnes opportunités de sa vie, avocat envié dans un grand cabinet de Wall Street. Ben
nous conte comment, suite à ses déboires conjugaux et à une crise de
violence meurtrière, il a été amené brutalement à changer
d'identité, à quitter sa vie d'opulence aisée, à quitter la mort
dans l'âme ses deux enfants en bas âge, sans se dénoncer à la police
pour que ceux-ci le croient mort plutôt que d'avoir un père en prison,
un père meurtrier. Sans
abandonner la photographie, jamais. L'œil
derrière l'objectif permettant de séparer l'homme qu'il est du monde
qui l'environne... "Tant d'objets, tant de choses minutieusement réunies dans un lieu clos. C'était merveilleux, étonnant. Étonnant de constater que la vie n'est qu'une longue suite d'accumulations, la recherche permanente de moyens de combler l'espace, d'occuper le temps. Tout cela au nom du confort matériel, certes, mais surtout pour ne pas avoir à reconnaître qu'on ne fait que passer sur cette terre, qu'on la quittera bientôt sans autre bien que les habits dont sera vêtu notre cadavre. Amasser dans la seule intention de tromper le sort commun qu'est l'engloutissement à venir dans l'inconnu, de s'inventer un semblant de permanence, de croire à la solidité de ce que l'on a bâti. Mais, un jour ou l'autre, la porte claque derrière soi, quoi qu'on y fasse. et à ce moment, il faut tout abandonner." "«L'angoisse de la perte, tu ne sais absolument pas ce que c'est, hein?»... «Ça te conduit à penser que tout est fragile, que tout n'a qu'un temps. Tu finis par douter du bonheur, douter que cela puisse exister. Et chaque fois qu'il t'arrive quelque chose de bien dans ta vie, tu sais que ça ne restera pas, qu'on va te le reprendre à un moment ou à un autre...»" Même
si les lectrices féministes objecteront que dans ce véritable thriller
non dénué d'humour et qu'on ne lâche pas, le récit des dissensions
du couple Ben et de son épouse Beth, est fait uniquement du point de
vue du narrateur masculin, lequel la fait passer aux yeux du lecteur
pour une véritable mégère et lui donne tous les torts, sans
nuancer... Ben
est
sympathique aux yeux du lecteur lequel considère son crime comme
accidentel et involontaire et est ravi de suivre comment de
part sa profession le narrateur qui connaît toutes les ficelles
financières, administratives et judiciaires, saura en jouer et ne se
laissera pas sombrer... Finalement
ce roman amène à poser cette question: Qui d'entre nous,
lecteur,lectrice, n'a eu un jour, à un moment particulier de sa vie, le
désir de s'échapper, ne s'est dit: «En ce moment précis, si je
voulais, je continuerai ma route seul(e), pour un moment ou pour
toujours... J'en ai la possibilité matérielle, il suffirait
d'oser...» Certains passent à l'acte et d'autres pas...
L’île
des rêves, de Hino Keizo
(éd.
Kodanska au Japon 1985 - éd. Philippe Picquier 2012 traduction
Jean-Jacques Tschudin) Le
personnage principal se nomme Sakaï Shôzô et l’histoire se situe à
Tôkyô.
L’île des rêves n’est rien d’autre qu’un immense terrain vague
situé dans la Baie de
Tôkyô. Mr
Sakaï, employé dans une société de construction, est fasciné par
les
grandes tours, les gratte-ciel modernes et il assouvit sa passion de
l’architecture
en se promenant chaque dimanche dans les rues de Tôkyô. C’est
un roman très particulier mais fascinant qui s’interroge sur la portée
de notre
vie actuelle sur l’environnement. C’est aussi une réflexion sur la
ville et la place
de l’homme dans l’habitat urbain.
lecture par Marie-Françoise : À noter que les lecteurs qui apprécient l'atmosphère de réalité étrange virant au fantastique dans laquelle baignent certains romans d'Haruki Murakami, la retrouveront ici. Narré à la troisième personne, au présent, en phrases courtes, l'écriture est belle, envoûtante, teintée d'un rien de poésie. Ce
roman dit, ―
à cause de la densité sans cesse croissante de la population sur une
surface réduite ―, la course à l'urbanisation, à la
construction de cellules de béton, de gratte-ciels, et pour ce, à
l'occupation des eaux de la baie de Tokyo par des terre-pleins
artificiels obtenus par l'accumulation en strates alternées de terre et
des propres déchets de la ville... Paru
pour la première fois en 1985 au Japon, c'était donc un roman
précurseur sur la vie qui se perd et renaît des déchets... Un roman
qui met en évidence la place précaire de l'homme et ses multiples
états dans le cycle sans cesse renouvelé du vivant à l'inerte, de
l'inerte au vivant... Et la vision qu'il a, vertigineuse et terrifiante,
de cette beauté, de cette force qui le dépasse. Enfin,
le roman de Hino Keizo incite le lecteur à se documenter plus avant sur
l'origine de la ville de ToKyo qui comporte actuellement plus de 14
millions d'habitants.
Jours
brûlants à Key West, de Brigitte Kernel
(éd. Flammarion 2018) Si, par le biais de la presse à sensation, le lecteur français connaît de grands traits de la vie et peut-être du caractère de Françoise Sagan : Le succès fulgurant de son premier roman Bonjour tristesse écrit à 18 ans, sa naissance dans une famille très aisée, son goût pour la vitesse et les voitures de sport, son accident, son addiction aux drogues, au jeu, sa mélancolie, ses réflexions matures derrière son allure décontractée. "Elle voulait la sève de l'existence, la paix, les distractions, elle décidait sans réfléchir de réaliser ce dont elle avait subitement envie, déléguait tout souci d'intendance", peut-on lire dans le roman de Brigitte Kernel. Ce lecteur français connaît moins Tennessee Williams, l'auteur américain de Un tramway nommé Désir qui invita Françoise Sagan à séjourner chez lui au mois d'avril 1955 lors de sa tournée promotionnelle de Bonjour tristesse aux États-Unis. Ni Carson McCullers auteure de Le cœur est un chasseur solitaire, que Tennessee avait recueillie chez lui après un AVC qui l'avait laissée handicapée physiquement. Non plus que l'acteur Franck Merlo, à cette époque amant de Tennessee Williams qui y séjournait aussi. Brigitte Kernel nous fait découvrir par le biais de Jours brûlants à Key West, en exergue duquel elle précise "Cette histoire vraie que j'ai inventée", leur caractère dépressif et leurs problèmes existentiels, leur addiction à l'écriture qui les fait tenir, les relations qui ont pu être les leurs durant le séjour de vacances de deux semaines de Françoise Sagan lors de ce caniculaire mois d'avril dans la maison du 1431 Duncan Street à Key West, à la suite duquel Franck Merlo quitta Tennessee, ou l'inverse... Brigitte Kernel qui a lu leurs œuvres, visionné les films, s'est documentée sur eux, et s'inspire pour introduire certains événements dans son récit de phrases extraites de leurs romans qui s'appliquent à leur vie en ces jours qu'elle leur fait revivre. Mais la construction est particulière puisque l'auteure elle-même est personnage de ce livre qu'en fait elle rédige pour et en lieu de Franck Merlo qui lui confie ses ressentis sur Françoise Sagan, sur Tennessee Williams, sur Carso McCullers, leur découverte, leurs attirances, leur séduction, leur charme, leur détestation, leurs retrouvailles... et ce à quoi ils passèrent leurs journées durant ces quinze jours de grande chaleur et de présence de la très jeune Françoise Sagan. Brigitte
Kernel c'est "B.", sorte d'écrivain public, qui
recueille et couche sur le papier les confidences et souvenirs de
celui qui n'a pas le don de l'écriture. Ici donc, Franck Merlo. Ce, même s'il y a longtemps que tous les protagonistes
sont morts (Franck Merlo en 1963, Carson McCullers en 1967 et Tennessee
Williams en 1983) et
que Brigitte Kernel ait écrit ce roman probablement peu avant l'année de sa
parution, c'est à dire 2018. Bref,
c'est un habile, instructif, intéressant et beau récit, où alternent les échanges de
Franck et "B.", et la mise en forme des souvenirs rédigée
à partir de ses confidences.
Venise
était un piège, de Michèle Larrère J'ai
lu d'une traite, emportée par la verve jubilatoire des premières pages
qui démarrent sur des chapeaux de roues ce roman qui nous transporte de
Venise la Sérénissime italienne avec ses palais et œuvres d'art, ses
canaux, ses lagunes et ses brumes, ses miasmes, son climat à la
mauvaise saison, son carnaval et ses excès, sa vie trépidante envahie
de touristes, à la Venise verte et calme du marais poitevin où règnent
encore des idées désuètes et une morale conventionnelle. Nourries
et intéressantes sont les descriptions et les considérations
historiques et actuelles sur Venise, comme si l'auteure luxovienne Michèle
Larrère qui les décrit avec son franc parler, y avait vécu
longuement. Du moins s'est-elle énormément documentée avant d'écrire
ces pages qui nous en apprennent beaucoup sur cette ville et ses
dessous, ville vitrine et lieu de prédilection pour des voyages de
noces. Le
roman est qualifié par l'auteure de policier. Mais à part la
commissaire au caractère trempé surnommée Furiosa, son chef
hiérarchique de la sûreté nationale et l'inspecteur Pavani non loin
de la retraite qui sont largement présentés avec leurs qualités,
leurs défauts et leurs frustrations, de même qu'est largement narrée
l'histoire des personnes soupçonnées du double crime qui a eu lieu au
dernier jour du carnaval, les détours de l'enquête en elle-même sont
bien minces. Et le criminel, dévoilé à la fin, surgit un peu comme un
lapin du chapeau d'un prestidigitateur, ce qui ne se conforme pas
vraiment à la dixième règle énoncée par S.S. Van Dine concernant
les romans de ce genre. Il
n'empêche, Venise était un piège est un petit roman qui ne
manque pas de piquant, où tout est bien qui finit bien, une heureuse
distraction
La
femme à la fenêtre, de A.J.Finn
(éd. Les
Presses de la Cité 2018) Elle est psychologue pour enfants. Elle vit recluse avec son chat "Punch", dans sa maison de Harlem, seul lieu où elle se sente en sécurité après qu'un grave traumatisme (on en découvrira peu à peu le pourquoi et le comment au fil du roman) l'ai rendue agoraphobe. Elle
passe son temps à aider des gens à aller mieux sur un site en ligne
sous le pseudo "votrepsyenligne" ; à jouer aux échecs sur
Internet ; à se gaver d'anciens films en noir et blanc dont elle possède
quantité de DVD
; à boire du bon vin, du merlot, mais excessivement, ce qui ne
fait pas forcément bon ménage avec les divers médicaments bêtabloquants
qui lui sont prescrits et qu'elle ingurgite parfois à l'aveuglette,
bien que de part son métier elle en sache les possibles effets
secondaires néfastes, dont possiblement des hallucinations. Elle
occupe aussi son temps à observer ses divers voisins depuis ses fenêtres
à l'aide du "viseur de son Nikon D5500 équipé d'une
lentille Opteka qui ne rate pas grand chose", ce qui l'amène
à être témoin d'un crime: "Mais comment convaincre la police
quand on doute soi-même de sa propre raison", nous dit la quatrième
de couverture : "Le
locked-in syndrome, ou syndrome d'enfermement... Parmi les causes
possibles: crise cardiaque, lésion du tronc cérébral, sclérose en
plaque et même poison. En d'autres termes, il s'agit d'un état
neurologique et non psychologique. Pourtant, je me retrouve littéralement
enfermée derrière des portes verrouillées et des fenêtres closes, à
fuir la lumière ―
témoin impuissant de l'agression d'une femme de l'autre côté du parc.
Personne d'autre n'a remarqué quoi que ce soit, personne n'est au
courant. Je suis la seule à savoir. Moi, une femme bouffie par
l'alcool, séparée de sa famille, qui s'envoie son locataire. Un
monstre de foire pour les voisins. Une cinglée pour les flics. Un cas
à part pour son psychiatre. Une source de pitié pour sa kiné. Une
recluse. Certainement pas une héroïne, ni un limier. Elle,
c'est la narratrice, Anna Fox. Ses seuls contacts sont son psychiatre,
sa kiné, un locataire à qui elle loue son sous-sol depuis deux mois
pour n'être pas tout à fait seule dans sa grande maison, mais aussi et
surtout, Ed son époux et sa fille Olivia dont elle vit "séparée"
mais avec qui elle dialogue. Sans
vouloir résumer ce roman, ou plutôt ce thriller à suspens paru en
2018 qui nous tient en haleine au long de ses
521 pages et dont la renommée n'est plus à faire puisqu'il a été
traduit dans le monde entier et qu'en a été réalisé un film, je
dirai simplement qu'Anna Fox, mêle à son récit, très vivant, elle
s'exprime au présent, de nombreuses allusions à des situations de
films en similitude avec les siennes et met en écho à ses propres pensées
des répliques de héros de polars en noir et blanc à suspens pour la
plupart, qu'elle regarde "pour s'apaiser"... et connaît
par coeur pour les avoir vus, revus et les revoir encore. En
fait, dans ce roman, très hitchcockien, le premier A.J.Finn que l'on
devine grand cinéphile, l'auteur réalise le tour de force de nous
rappeler par le biais du personnage imaginaire d'Anna et de ses
angoisses et paniques, les films dont elle évoque les titres tout au
long , il n'y en a pas moins de 52,
une véritable anthologie, que le lecteur découvre à mesure
avec l'envie de les voir ou revoir. Pour n'en citer au hasard que
quelques-uns : Question style, on apprécie particulièrement les dialogues d'Anna avec les autres protagonistes du roman, où l'écriture intercalée à la ligne et sans tiret de ses pensées intérieures en décalage avec ce qu'elle prononce, permet au lecteur de détecter sa vivacité d'esprit et ses éventuels mensonges.
Quand
sort la recluse, de Fred Vargas
(éd.
Flammarion 2017 et J'ai lu 2018) Excellent
roman policier dans lequel le lecteur retrouve les personnages qui
gravitent dans le sillage du commissaire Adamsberg, avec chacun son
trait de caractère particulier: ses divers inspecteurs et lieutenants,
son ami archéologue et évidemment le commandant Danglard qui ne sera
pas d'accord avec le fait de mener l'enquête non officielle sur
laquelle Adamsberg les oriente, ce qui, un temps, divisera la brigade. Cette
fois, ce qui préoccupe Adamsberg ce sont des morts apparemment
naturelles, mais statistiquement trop nombreuses, de vieux, survenues
suite à des morsures par araignée. Et pas par n'importe laquelle, par
celle dite "recluse". Le
roman est sous-tendu par cette idée de réclusion que l'auteur explore
sous toutes ses formes: celle de l'araignée qui se cache et dont le
venin est mortel à forte dose ; celle de la femme qui à l'instar des
recluses du moyen âge s'est volontairement faite enfermer dans un
pigeonnier ; celle, contrainte, des séquestrées ; enfin, celle
d'emprisonnement infligée par le législateur. Le
roman est sous-tendu également par l'idée de l'éjection: celle du
venin de l'araignée ; celle du sperme par éjaculation du violeur. Car
s'il y eut déjà il y a plus de cinquante ans dans cette histoire, des
"mordus" par venin de recluse, il y eut aussi d'anciennes séquestrées
et violées, qui à présent se vengent des sévices subis à l'époque
de leur jeunesse et dont ils/elles ont gardé traumatismes et séquelles. Est
donc menée, bien sûr à partir des "bulles gazeuses"
ou "proto-pensées" du commissaire Adamsberg, une enquête
prenante débouchant parfois sur de fausses pistes, des rebondissements
sur les méfaits, anciens et récents, qui sont mis au jour, pour découvrir
la, le ou les auteurs de ces meurtres presque parfaits par venin de
recluses. Bref,
ce roman, bien écrit, est aussi très instructif de par son côté
documentaire sans qu'il y paraisse, puisqu'il nous apprend, en même
temps que leur façon de vivre, qu'existaient autrefois (et peut-être
encore aujourd'hui), des recluses. *NB. Paru en 2017, soit avant les confinements pour causes du Covid19, cette sorte de réclusion par souci sanitaire ou par mise en quarantaine, qui n'aurait d'ailleurs pas été nécessaire dans le déroulement de ce roman, n'y est pas évoquée.
Vivre
vite, de Brigitte Giraud
(éd. Flammarion 2022) L'auteur tente vingt ans après, de faire un dernier point sur cet accident de moto qui a pris la vie de son jeune époux dont elle n'a jamais su la véritable cause. Au
fil des pages, elle va dresser une liste très longue de «Si» comme
une litanie, qui l'a obsédée pendant des années. Beaucoup
de questions s'imposent : Un
auteur psychothérapeute et auteur de l'ouvrage: Prendre en main son
destin, transformer ses faiblesses en sagesse, nous éclaire sur ce
qu'est selon lui «la destinée» et comment nos choix influent ou non,
dessus. lire
une deuxième note de lecture sur : Vivre vite
La
recluse du Destel, de Martine Alix Coppier
(éd. Presses
de la Cité, collection Terres de France 2014) D'une
écriture maîtrisée pour un roman du terroir, c'est un récit facile
à lire, moral et "presque" sage, qui se termine dans l'émotion. Mêlée
d'accent provençaux, cette fiction qui se passe en effet en Provence
est inspirée d'une ermite mystérieuse ayant réellement vécu
autrefois dans ses contrées reculées mais dont on ne savait rien et
dont parlaient les anciens aux veillées. Nous
sommes au début du XVIIIème
siècle, dans la Varoise, à la Ciotat et à Marseille. Il y est
question d'amour, de fautes d'une jeune femme recluse volontaire pour
les expier dans une grotte reculée de la région où coule le Destel,
non loin de la Sainte-Baume, où, selon la tradition, Marie Madeleine,
arrivée en Gaule après avoir quitté la Béthanie pour faire pénitence
d'avoir été prostituée, s'était elle-même retirée. Le
récit, émaillé de nombreux termes et expressions du vocabulaire
provençal, est surtout prétexte à évoquer les paysages et la nature,
l'Histoire, les légendes, les croyances et les us, les lieux, les
constructions, les Bastides des riches, les bouges des pauvres, leurs vêtements
et nourriture, leurs métiers ―
dans
le textile, on est au pays des mûriers et du ver à soie; dans la
marine, la Méditerranée est proche; dans le travail du bois; de la
terre...―
,
tels ils étaient à cette époque dans ces contrées bucoliques l'été,
hostiles l'hiver pour une ermite. Est
narrée, bien sûr, par retour de mémoire, le scandale qui a amené l'héroïne,
Marie Laugier, à se reclure et à vivre misérablement des produits de
la nature sauvage et d'aumônes, et son histoire tragique, s'abandonnant
aux aléas du hasard et à son destin. L'intérêt
de ce roman, qui a une petite allure d'écomusée n'est pas à négliger
car l'auteure, Martine Alix Coppier, ―
diplômée
des Beaux-Arts et des Monuments Historiques
et qui a également enseigné ―,
aime recueillir la mémoire des anciens et de leurs coutumes pour les
nouvelles générations et s'est spécialisée dans l'écriture de
romans historiques, de biographies et de romans du terroir. Elle s'est
assurément largement documentée sur le passé provençal et fait donc
par le biais de ce roman, de plus en plus prenant au fil des pages, où
les enseignements ethnologiques arrivent tout naturellement au détour
des phrases sans guère importuner le lecteur, œuvre
de transmission.
Face
aux ombres, de Catherine Enjolet (éd.
Phébus 2014) Sur
Ariane Lavnir pèse une lourde hérédité qu'elle ne soupçonnait pas
ayant été confiée à droite et à gauche par sa mère qui ne s'est
plus occupée d'elle dès le décès de son père. Mère qui ensuite a
bien vite disparu de sa vie. Aussi ne sait-elle absolument rien de qui
que ce soit de sa famille. Elle n'a gardé que quelques souvenirs de sa
mère qui aimait chanter du temps de son enfance où on ne lui avait
rien dit.
Comme
dans un film de Noël, d'Elliot P.Lewis Nous avions déjà remarqué cet auteur en lisant The Zephyr song - du lait et des cookies. Dans ce nouvel ouvrage de 115 pages, à nouveau publié à compte d'auteur, mais sans les restrictions évoquées dans le précédent, on retrouve les mêmes qualités d'écriture et cette façon d'avancer dans le récit qui ne lasse pas. Cette
fois c'est un seul des personnages, Jill, qui s'exprime au présent. Un
jeune, toujours, d'à peu près dix-sept ans, puisque, décidément
l'auteur semble s'attacher à cette période charnière de la vie où
les jeunes se cherchent. C'est un récit de jeunes, qui ressemble à ces séries télé faites pour eux, légères et sans grands drames, plus léger donc que Du lait et des cookies, période et magie de Noël oblige. Agréable et facile à lire, sans qu'on se prenne la tête, on y suit les méandres des pensées de Jill, qui lui, se la prend, la tête, et se fait des films, imaginant différentes façons de se déclarer, de faire le premier pas...
L'ordre
et le chaos, de Maud Tabachnik (éd.
Albin Michel 2014) Paru dans la collection "Spécial suspense", c'est un road movie un peu particulier puisque le lecteur s'y prend de sympathie à la fois pour l'auteur des crimes et pour les enquêteurs. Ce, parce que la tueuse, Merryl, la quarantaine narre elle même son histoire à la première personne. Elle a mené jusque là avec sa mère sévère et claustratrice une vie d'obéissance, sans attrait et sans beaucoup de distractions, sans se mêler aux futilités inutiles du monde et travaillant dans la même société que qu'elle. Au décès de sa mère, si soudain qu'il pourrait être suspect, Merryl, désormais libre, réalise enfin son rêve: prendre la route à bord d'un camping-car. Malheureusement, le hasard la met en face de la brutalité des hommes. Et c'est pour en soustraire une fillette qu'elle effectuera son premier crime. Elle en commettra d'autres, toujours le hasard la mettant devant une situation qui la révulse, où elle se sent le devoir de tuer sans se sentir coupable et se sentant en légitime défense. Et le lecteur la comprend, l'excuse et souhaite qu'elle s'en sorte. Car évidemment ses crimes finiront par être reliés entre eux, d'autant que malgré sa prudence, elle commettra une faute... Elle sera recherchée dans toute l'Angleterre où se passe ce récit, même si au départ, devant la brutalité des crimes, on ne croyait pas qu'ils soient l'œuvre d'une femme. Même si, seule en camping car, voyageant dans des coins perdus en dehors de la saison touristique. En face, l'inspecteur Milland, ancien excellent policier de Scotland Yard, dégradé et muté à Chester, ― la ville à ses yeux la plus ennuyeuse du comté de Cheshire ― , suite à une soi-disant bavure au cours de laquelle a été tué son ami et coéquipier, abandonné par suite par son épouse qui a demandé le divorce, ce qui l'a plongé dans la déprime. Bref, il n'est plus motivé par son boulot. Chargé de l'enquête dans ce commissariat d'habitude tranquille où les policiers n'ont pas l'habitude de faire du zèle, il choisit pour le seconder un jeunot fraîchement arrivé qui se révélera efficace. Et le lecteur de souhaiter que ces deux-là aboutissent dans leur enquête, dont le récit alterne à la troisième personne, à partir de la page 66, avec les chapitres où s'exprime la tueuse. Le tout au présent, ce qui rend le récit très vivant. Et même si ce n'est pas de la grande littérature, le lecteur se laisse vite emporter par l'intrigue et d'une égale sympathie pour les deux clans... Il
semble au lecteur, qu'arrivée à ce point du récit, l'auteure se soit
trouvée dans une impasse. Car dès lors, comment faire avancer le
roman? La tueuse doit être arrêtée, bien sûr, mais elle est sympathique
au lecteur qui souhaite qu'elle s'en sorte. De même il faudrait que les
policiers, dont Milland, qui a repris goût à la vie et à son métier,
soient couronnés de succès, comme dans tout roman policier qui se
respecte. Le titre, L'ordre et le chaos, s'explique peut-être par ce début de roman logique et bien huilé où Merryl a un comportement apparemment raisonné, puis que survient tout d'un coup de façon totalement imprévisible ce basculement dans la folie et le chaos, même si l'on sentait que Merryl n'était pas psychologiquement bien nette dès le départ... Et cette fin, décevante pour le lecteur, bouclée en une trentaine de pages d'un roman qui en comporte 309.
La
fête de l'insignifiance, de Milan Kundera
(éd.
Gallimard 2014) Écrire un roman où aucun mot ne serait sérieux, c'est ce qu'a voulu faire ici Milan Kundera. Est-ce à dire pour cela que ce roman est insignifiant? Non, car si sa trame en elle-même semble l'être, il est prétexte, par les réflexions philosophiques des personnages agrémentées d'une dose de non-sérieux, à mettre en lumière les problèmes les plus sérieux de la réalité de notre monde. Il
y a Alain qui se questionne sur le sexe des anges, sur le nombril et
l'arbre d'Ève, cette généalogie issue de la toute première femme,
celle sans nombril, à l'origine de l'humanité... Il y a dans la société les excusards et les accusateurs. Gagnera qui réussira à rendre l'autre coupable. Perdra qui avouera sa faute. Lors d'une bousculade involontaire par exemple: qui va engueuler l'autre? Qui va s'excuser? Il y a les blagues et l'époque d'après blagues, le retour à la nostalgie. Il
y a la
question des droits de l'homme: Et
enfin et surtout, il y a l'insignifiance qui donne son titre au
roman: lecture par Marie-Claude Holder : Roman
dans le monde d'aujourd'hui à Paris, dans les beaux quartiers. Milieu
aisé de la culture, d'artistes, de créateurs, de comédiens, d'auteurs
de théâtre, etc. Troisième
partie Cinquième
partie p90 L'arbre
d'Eve p101 La
chute des anges «Une
utopie assassinée», après laquelle il n'y en aura plus aucune autre?
L'Identité,
de Milan Kundera (éd.
Gallimard 1998) Chantal et Jean-Marc s'aiment et doivent se retrouver dans une ville normande trouvée par hasard dans un guide. Mais des circonstances fortuites feront qu'ils ne s'y rejoindront pas tout de suite. Jean-Marc
rencontre F., ancien ami volontairement perdu de vue, parce que
Jean-Marc qui lui en voulait de ne pas l'avoir soutenu autrefois ce qui
lui avait valu de perdre son poste. F. lors de cette rencontre lui
rappelle qu'à l'époque Jean-Marc n'aimait pas, chez les filles, les
sécrétions, le clignement perpétuel des paupières qui irrigue
l'oeil, comme si le Créateur avait bâclé son travail. Jean-Marc ne
s'en souvient absolument pas et se rend compte que les amis ne sont là
que pour être le miroir de soi-même en vous rappelant des souvenirs.
Or, lui, Jean-Marc, n'en a rien à faire. F. lui donne aussi des
nouvelles de sa santé, lui raconte son récent coma au cours duquel il
était resté lucide, mais comme en rêve. Il entendait les médecins
qui disaient à côté de lui inconscient qu'il allait mourir. F. lui
confie: «Je n'ai jamais eu peur de mourir. Maintenant si. Je ne peux
pas me débarrasser de l'idée qu'après la mort on reste vivant.
Qu'être mort, c'est vivre un cauchemar infini.» C'est alors qu'ils vivront tous deux un cauchemar. Jean-Marc arrive devant une maison dont la porte est close pour lui. Il sait Chantal à l'intérieur au milieu d'une partouze. Chantal devant ses propres visions est prise de peur panique. Elle se réveille dans les bras de Jean-Marc qui crie «Chantal! Chantal! Chantal!» Et
l'auteur qui narrait ce récit de se poser ces questions : Et le lecteur, de rester perplexe entre l'insignifiance et la puissance des rêves et de l'irréel dans nos vies.
La
nuit de l'oracle, de Paul Auster (éd.
Actes Sud 2003) Le narrateur, Sidney Orr, écrivain qui a été victime d'un collapsus, est de retour chez lui après un long séjour à l'hôpital. Convalescent, toujours aussi amoureux de sa femme Grace, il revient peu à peu à la vie et lors d'une promenade dans son quartier découvre une nouvelle papeterie au charme irrésistible tenue par un Chinois. Il y achète, ainsi que le matériel nécessaire pour se remettre à l'écriture, un étrange carnet bleu, made in Portugal, qui l'attire. Rentré chez lui, il commence le même soir à écrire dans ce carnet, comme dans un état second, comme si une histoire lui était dictée. Celle d'un directeur littéraire d'une grande maison d'édition new-yorkaise qui vient d'échapper miraculeusement à la mort après qu'une gargouille tombée d'un toit ait failli l'écraser dans sa chute. La trame de départ de son récit, il la raconte aussi, c'est l'histoire de Flitcraft lue dans le Faucon maltais. Celle d'un homme, "mari, père, homme dont les affaires marchent bien et qui n'a à se plaindre de rien", qui échappe à la chute malencontreuse d'une poutre, et suite à cela, se rendant compte que "des événements fortuits nous guettent à chaque jour de notre vie, et [que] ces vies peuvent nous être ôtées à tout moment ― sans la moindre raison", en arrive "à la conclusion qu'il n'a pas le choix, se soumet à cette force destructrice", sort de sa propre vie et disparaît... Mise en abîme dans le récit, qui lui-même en comportera un troisième... Dans un style simple en apparence, Sidney, qui parle de ses propres péripéties et de sa vie conjugale, s'exprime à la première personne. Mais il y mêle, à la troisième personne, des bifurcations, des histoires qui s'entrecroisent on l'a dit, qu'il invente à mesure qu'il écrit dans son carnet bleu le récit des agissements de Nick Bowen, c'est le nom de son personnage. S'y imbrique également l'histoire d'un manuscrit retrouvé que son personnage, Nick, parti brusquement lui aussi après la chute de la gargouille, est en train de lire. C'est un "Bref roman portant un titre suggestif, La Nuit de l'oracle, attribué à une romancière en vogue dans les années vingt et trente, décédée depuis plus de vingt ans." Ce manuscrit a été écrit par Sylvia Maxwell, la grand-mère de Rosa. Laquelle Rosa l'a confié à l'agent littéraire de la maison d'édition où travaille Nick. Rosa de qui Nick est tombé amoureux au premier regard... Mais ce carnet bleu dans lequel Sidney, notre narrateur du départ, écrit, a une puissance magique, quelque peu maléfique, et le mènera à l'impasse... Et le lecteur de se demander comment diable il se sortira de cette impasse... Dans
son roman, Paul Auster mêle amour, hasard, coïncidences troublantes,
notion de temps et de destinée. Y sont exprimées des idées
philosophiques sur le présent, le passé, l'avenir. L'auteur y confère
aux choses simples de l'existence, un réalisme magique. Et
la troublante idée de la possibilité qu'ont les événements imaginés
par un écrivain de survenir dans le futur :
Les
désenchantées, de Pierre Loti Émouvant
roman sur la condition des femmes de la haute société des harems de
Turquie au tout début des années 1900 lorsque, ayant bénéficié d'une
culture intellectuelle, elles restent cependant contraintes de ne vivre
qu'entre femmes, sans avoir le droit de sortir après la tombée du
jour. Sans avoir le droit de montrer leur visage aux hommes autres que
les eunuques chargés de les surveiller ou de leur époux qui leur est
imposé. Sans pouvoir avec lui discuter. Alors qu'après leurs lectures
d'œuvres
occidentales, elles aspirent à l'amour et au choix, à être libres de
prendre leur envol, à s'exprimer, elles sont obligées de mener une vie
de recluses, même si c'est dans le luxe. Ce
roman est aussi magnifique qui révèle la beauté de la Turquie, de ses
paysages, ses villes, Istanbul, Constantinople, le Bosphore, la mer de
Marmara, l'atmosphère orientale qui a charmé Pierre Loti lors de ses
voyages et qu'il décrit si bien. Il y donne aussi un aperçu de la vie
que les étrangers y mènent alors. L'étranger
du roman, c'est André Lhéry, écrivain renommé qui, ayant accepté un
poste de diplomate à l'ambassade de l'ancienne Constantinople, revient
pour deux ans dans ces lieux auxquels il est sentimentalement attaché.
Il s'y lie d'amitié avec trois jeunes musulmanes très cultivées, après
que l'une d'elles ayant lu ses romans, ait osé prendre contact avec lui
par lettre. Leurs
rencontres à haut risque seront toujours, bien sûr, clandestines et
voilées, qui permettront au lecteur occidental de connaître la vie de
ces femmes des harems d'orient, dont l'auteur se fait ici la voix en déplorant
par ailleurs les changements dus au progrès d'une Turquie qui
s'occidentalise vivant les dernières heures de l'Empire ottoman. "Aurez-vous
bien senti la tristesse de notre vie. Aurez-vous bien compris le crime
d’éveiller des âmes qui dorment et puis de les briser si elles
s’envolent, l’infamie de réduire des femmes à la passivité des
choses… Dites-le, vous, que nos existences sont comme enlisées dans
du sable, et pareilles à de lentes agonies… Oh! dites-le! Que ma
mort serve au moins à mes sœurs musulmanes ! J’aurais tant voulu
leur faire du bien quand je vivais!… J’avais caressé ce rêve
autrefois, de tenter de les réveiller toutes… Oh ! non, dormez,
dormez, pauvres âmes. Ne vous avisez jamais que vous avez des ailes!… Mais celles-là qui déjà ont pris leur essor, qui ont entrevu
d’autres horizons que celui du harem, oh! André, je vous les
confie; parlez d’elles et parlez pour elles." Dans son roman, Pierre Loti souhaitait pour les femmes d'Orient un changement de ces coutumes traditionnelles basées sur la religion, et nul doute qu'il eut lieu. Mais le cri de détresse de ses héroïnes est redevenu actuel avec l'émergence de l'islam politique dans les années 1970, lorsque la condition des femmes s'est dégradée dans plusieurs pays comme en Iran ou au Soudan, avec le cas limite de l'Afghanistan sous les talibans. L'auteur,
Louis-Marie-Julien Viaud, connu sous le nom de Pierre Loti, est né en
janvier 1850 à Rochefort et mort le 10 juin 1923 à Hendaye. C'était
un officier de marine français. Il bourlingua sur les océans, du
Bosphore à Tahiti en passant par Valparaiso ou la mer de Chine. Ses récits
de perpétuel voyageur connurent une audience populaire de son vivant déjà
et enchantèrent plusieurs générations de lecteurs. Il fut membre de
l'Académie française. Et si dans l'avant propos de Les Désenchantées,
il présente son récit comme entièrement imaginé, on sait qu'il s'est
nourri de ses innombrables voyages pour écrire et qu'une grande partie
de son oeuvre est d'inspiration autobiographique...
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