Le Café littéraire luxovien / les animaux... |
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On reconnaît le degré de civilisation d'un peuple à la manière dont il traite ses animaux. Gandhi Bien que je tienne pour démontré qu'on ne peut prouver qu'il y a une pensée chez les bêtes, je ne crois pas cependant qu'on puisse démontrer qu'il n'y en a pas, parce que l'esprit humain ne pénètre pas leur cœur. Descartes
Pourtant, au fond des bois, il est troublant le spectacle des bêtes. Comment être certain que la danse des moucherons dans le rayon du soir n'a pas une signification? Que savons-nous des pensées de l'ours? Et si le crustacé bénissait la fraîcheur de l'eau sans aucun moyen pour lui de nous le faire savoir et sans aucun espoir pour nous de la déceler? Et comment mesurer les émois des passereaux lorsqu'ils saluent l'aurore sur les plus hautes branches? Et pourquoi ces papillons dans la clarté du midi ne connaîtraient-ils pas l'intensité esthétique de leurs chorégraphies? «Le jeune oiseau n'a aucune représentation des œufs pour lesquels il construit un nid, ni la jeune araignée de la proie pour laquelle elle tisse une toile...» (Shopenhauer in Le Monde...). Mais qu'en sais-tu Arthur, d'où tiens-tu ta science en la matière, de quelle conversation avec quel oiseau t'es-tu pénétré pour avancer pareille certitude? Mes deux chiens se tiennent face au lac, clignant des yeux. Ils goûtent la paix du jour, leur bave est action de grâce. Ils sont conscients du bonheur de se reposer là, au sommet, après la longue grimpée. Heidegger tombe à l'eau et Shoppenhauer aussi. Plouf, la pensée. Je regrette qu'un philosophe héritier du vieil humanisme (onanisme de l'esprit) n'assiste pas à l'oraison silencieuse prononcée par deux chiots de cinq mois devant une faille de vingt-cinq millions d'années. Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie
La loi modernisant le statut juridique de l'animal dans le Code civil a été publiée au Journal officiel le 17 février 2015. L'animal est donc officiellement reconnu par le Code civil comme «un être vivant doué de sensibilité» et non plus comme un «bien meuble».
Aigle
Il (Antoine) sort la tête. Charles-Ferdinand Ramuz, Derborence
Chats
Mignon, il ne l'était sûrement pas. C'était même tout le contraire.
Son poil était sec et tout usé comme un vieux tapis, le bout de sa
queue était rompu selon un angle de soixante degrés, ses dents
étaient toutes jaunes, son œil droit, blessé trois ans auparavant,
n'arrêtait pas de suppurer, quant à sa vue, elle était pour ainsi
dire nulle. Je me demandais s'il pouvait encore distinguer une chaussure
de tennis d'une pomme de terre. Ses coussinets ressemblaient à des pois
chiches tout racornis, ses oreilles étaient définitivement infestées
par la vermine et, l'âge aidant, il pétait une bonne vingtaine de fois
par jour. C'était encore un beau jeune matou le jour où ma femme
l'avait trouvé sous le banc d'un jardin public, mais il avait dévalé
les dernières années soixante-dix en courant à la catastrophe. Comme
une boule de billard lâchée du haut d'une pente raide. Il n'avait pas
de nom, par-dessus le marché. D'ailleurs, j'aurais difficilement pu
dire si un tel anonymat ajoutait quelque chose à la tragédie de sa
vie. Haruki Murakami, La course au mouton sauvage
...comme je lui rendais toujours visite au crépuscule je lui parlais des chats du crépuscule que j'apercevais assis devant leur portail ou sur les piliers des portails, emplis du sentiment de satisfaction et d'orgueil du propriétaire. Car cette heure du crépuscule était l'heure des chats, celle où les gens étaient rentrés du travail et s'apprêtaient à souper, où les rues étaient désertes et tranquilles et où la dernière lumière s'attardait sur les tendres feuilles du printemps et le forsythia en boutons; juste avant que l'ombre se mette à tournoyer autour des haies obscurcies et que le vent froid de la nuit se lève de la mer; où les chats de toutes conditions et de toutes couleurs annonçaient la possession de leur territoire d'une façon qui n'était empreinte ni de menace ni de défi. Parfois, pas très souvent, ils faisaient leur toilette; parfois, aussi, ils somnolaient, mais le plus souvent ils étaient simplement assis dans des positions félines classiques, tout à leur contemplation, impénétrables chats des villes en harmonie avec la rue tranquille, avec la végétation et le ciel reflétant leurs yeux qu'envahissait lentement la lune. Janet Frame, La fille-bison
Je garde quelques traces de cette époque joyeuse: mon chat actuel peut trôner au milieu de la table et pointer son nez dans l'assiette de mes enfants sans que j'aie la moindre réaction. Cela peut surprendre. Mais après tout j'ai moi-même partagé assiette et lit avec eux pendant des années sans qu'il m'arrive aucun mal. Anny Duperey , Le voile noir
Oserai-je dire aussi, sans être impudique ou choquante, que je dois l'amorce de mon premier émoi physique, encore toute petite, à un chat couché entre mes jambes, ronronnant le nez au chaud ? Ce n'est pas une affaire. Anny Duperey , Le voile noir
J'ai su également que, si des rats couraient parfois dans la cave, ils n'étaient pas plus gros que les mulots des champs, contrairement aux affirmations de mon père qui les rangeait entre le cochonnet de Lorraine et le marcassin ardennais, et ça, Pitou me l'avait vite confirmé quand, les moustaches encore fumantes, il en avait rapporté un d'en bas et l'avait déposé, fier comme un matou de foire, la queue en panache et gigotante, aux pieds de maman qui, surprise en pleine vaisselle, avait poussé un tel cri, les bras en l'air, que la soupière de pur Limoges avait fait un double saut périlleux avant de toucher le sol de la cuisine dans un fracas de fracasserie. Guy Goffette, Une enfance lingère
Le silence fut déchiré par des bruits de lutte et d'air battu qui me
parvenaient du jardinet: le chat de l'épicière mangeait un oiseau.
N'aurais-je donc jamais la paix? Quelques plumes me rappelleraient son
festin pendant des jours encore. Je haïssais ce chat depuis longtemps.
J'avais dès le deuxième jour de mon installation ici compris qu'il ne
fallait pas jeter dans le jardinet de miettes pour les oiseaux, pour ne
pas les attirer dans ce piège muré, cette prison. Anne Delaflotte Mehdevi, La relieuse du gué
J'ai toujours détesté mon chat. Entré par effraction dans mon intimité, il s'y ancrait sans vergogne, sûr de finir par me mettre devant le fait accompli. J'étais jaloux de le voir bénéficier d'égards simplement parce qu'il savait exactement quand s'allonger à proximité d'une main et transformer un pur réflexe en caresse attentionnée. Yasmina Khadra, Cousine K
Cheval
Le cheval regarde devant
lui, il a des yeux sans fond. La neige tombe d'abondance sur lui, fond sur
la chaude couverture mouillée qu'il a sur le dos. Tarjei Vesaas, La barque le soir
... il est persuadé, en effet, que si le cheval est aujourd'hui incontestablement herbivore, il n'en fut peut-être pas toujours ainsi. Plusieurs indices, dit-il, permettent de penser que le cheval est possiblement un ancien carnivore. Il y a, d'abord, les faits, l'anatomie: la plupart des herbivores sont des ruminants. Pas le cheval. Le cheval n'a qu'un estomac, les herbivores, en général, en ont plusieurs. La dentition du cheval, aussi. On observe chez certains sujets l'apparition d'une dent de loup -de nos jours atrophiée, mais nettement marquée chez eohippus, l'ancêtre d'equus. Il y a, ensuite, le comportement: le cheval est le seul herbivore à chercher une place pour se coucher en se tournant sur lui-même, comme le font tous les carnivores. À quoi s'ajoute, par exemple, que pour marquer son allégeance, un cheval cherche la bouche de celui auquel il se soumet, comme le petit carnivore qui réclame une régurgitation. Il y a, enfin, argument massue, les dernières découvertes permises par l'étude des codes génétiques. Dans l'arbre phylogénétique, le cheval n'est pas sur la branche qui donne les herbivores - mais sur celle qui donne les carnivores! Jean-Louis Gouraud, L'Afrique par monts et par chevaux
Ils furent grands les martyrs de la Retraite. On les creva sous les charges, on les écorcha vifs, on les bouffa tout crus, à même la carcasse ou bien en quartiers, braisés au bout d'un sabre. Pour les bâfrer, on ne prenait pas l'égard de se détourner des bêtes encore vivantes. A-t-on pensé à ce que peut ressentir un cheval devant le spectacle de la viande d'un congénère, ruisselante sur la broche? La perspective de se faire bouffer n'est-elle pas l'effroi absolu de l'Évolution? Sylvain Tesson, Berezina
La mort d'un cheval est un spectacle suprêmement douloureux car elle survient en silence. Le silence des bêtes est la double expression de leur dignité et de notre déshonneur. Nous autres, humains, faisons tant de vacarme... Sylvain Tesson, Berezina
Chiens Depuis que Salomon est entré dans ma vie, je me demande... si un chien est un individu en soi, ou seulement relativement à son maître? Quand je ne suis pas là, Salomon est-il un «chien» ou simplement une créature sauvage? Il n'a pas de nom ― même générique. Il est, tout simplement. Dès qu'il me voit ― m'entend ― me sent ― il redevient «Salomon, le cher compagnon de Konrad―. Ce qu'il serait dans une meute de chiens sauvages, je préfère ne pas l'imaginer. Joyce Carol Oates, Mudwoman
Pendant tout ce temps, le chien était resté à côté de lui, tantôt assis, tantôt allongé. Sa présence le réconfortait, l'animal l'épaulait dans son audace. Au premier étage Lise dormait. La maison était entièrement éteinte depuis longtemps à cause des moustiques. L'ordinateur constituait le seule source de lumière dans les environs, sur des milliers d'hectares à la ronde il n'y avait que ce petit écran à répandre sa luminosité. De cette scène lui apparut la nature du lien qui unit l'homme et le chien depuis la nuit des temps, là dans la nuit noire il comprit pourquoi l'un et l'autre s'étaient toujours conçus comme alliés, car si le chien n'avait pas été là près de lui, il n'aurait cessé de sursauter au moindre bruit, de s'alarmer au moindre bruissement lointain. Autour de lui s'étendaient à l'infini des hectares de bois sauvages, émettant toutes sortes de craquètements, de froissements, de bruits suspects derrière lesquels on imagine très vite quelque chose ou quelqu'un, sans le chien tous ces bruits-là l'auraient perturbé, Alpha était une vigilance par délégation, totalement attentif à l'environnement, en un mot il veillait sur lui. Serge Joncour, Chien-Loup
Il n'y a pas mieux qu'un chien pour construire un homme. Si j'en avais eu un, dans mon enfance, il m'aurait peut-être conçu autrement. Mais la fatalité m'a imposé ce chat simulateur et bancal qui n'avait même pas la présence d'esprit d'être là quand mes doigts se diluaient dans le noir. Yasmina Khadra, Cousine K
Parfois je me demande pourquoi, de toute ma vie passée, il ne me reste justement que le chien. Je pense au chien, je pense à cette relation qui ne fut jamais explicite, toujours contradictoire, une erreur, une joie, un tourment. Ce chien est toujours là dans mes pensées, ce chien tait toujours là dans mon appartement. J'étais assis à la table, il était couché sous la table. Il était couché là, attente pressante tout entière dirigée vers moi, soumission sans bornes, et je me disais: Quelle corvée! Voilà ce que je me disais, non sans un sentiment de culpabilité. Surtout quand il me faisait comprendre qu'il était temps de bouger. Il s'étirait comme s'il mimait une révérence, de tout son long. Il baillait à s'en décrocher la mâchoire, sa langue tirée et légèrement retournée au bout laissait voir les taches noires sur le rose de son palais et de ses gencives. Il faisait tout ça avec insistance et de façon ostentatoire, en louchant vers moi un regard qui en disait long, comme quelqu'un qui vous lorgne par-dessus ses lunettes. Si je détournais les yeux, il se recouchait en grognant, roulé en boule. et je me disais: Il est grand temps que je le sorte. Et au moment même où je me le disais, avant même que je me lève, il était déjà sur ses pattes, sautant autour de moi en remuant la queue et en jappant, tout à sa joie. Paul Nizon, Chien
Ce petit être délicat, qui répondait au nom de Stakh, Stashek ou
Stashinka, était le chien le plus obéissant du monde vu qu'il était en
laine et rembourré de vieux chiffons. Il avait fidèlement suivi les
Klausner au cours de leur périple d'Odessa à Vilna et de Vilna à
Jérusalem. Pour rester en bonne santé, le pauvre animal avalait des
boules de naphtaline toutes les deux ou trois semaines. Chaque matin, il
subissait avec philosophie les salves du pulvérisateur de grand-père. De
temps à autre, l'été, on l'installait sur le rebord de la fenêtre
ouverte pour prendre l'air, le soleil et savourer la lumière. Amos Oz, Une histoire d'amour et de ténèbres
J'avais bien remarqué les
chiens, dit Barbin, cette lenteur qu'ils
avaient dans le grand chaud. Trop de chiens sans doute, au milieu des
rues sans trottoir. Les maisons aux ouvertures des fentes rares, il dit,
haut perchées, tranchant noir sur les tons ocre sombre de la pierre: à
pic du rocher un encombrement tassé de murs resserrés et qui
semblaient s'escalader l'un l'autre. et ces chiens qui dormaient au
soleil, partout: «C'est
un village abandonné. On vit là, on reconstruit. Aussi, on a des
chiens, on fait pension de chiens.» Raymond avait dit ça de lui-même
et Barbin ne lui avait rien demandé d'autre, avait-il précisé au
cinéaste. François Bon, Calvaire des chiens
Il regardait distraitement devant lui, et Jerry, par amitié, vint
flairer son mollet nu. Van Horn n'y prit point garde et continua à
fixer le lointain sans s'apercevoir de la présence de son chien. Jack London, Jerry dans l'île
Le chien est une sorte d'enfant définitif, plus docile et plus doux, un enfant qui se serait immobilisé à l'âge de raison, mais c'est de plus un enfant auquel on va survivre: accepter d'aimer un chien, c'est accepter d'aimer un être qui va, inéluctablement, vous être arraché Michel Houellebecq, La carte et le territoire
...quant à cette invraisemblable histoire de chien réincarné, et par l'attitude de ce même chien qui effectivement le précédait, s'assurant qu'il le suivait partout, l'emmenant bel et bien quelque part, c'était indéniable, mais où, rien ne disait après tout que cette histoire ait un quelconque sens, peut-être le clébard fuyait-il simplement devant lui, sans but précis, se retournant non pour s'assurer qu'il était suivi mais en espérant ne plus l'être, son grand âge et sa faible constitution lui interdisant de courir et filer à travers rues et ruelles encombrées de passants, marchands et touristes afin de semer son poursuivant. (...) Le chien s'était immobilisé devant une porte en vieux métal grisâtre, haletant, langue pendante et regard mouillé, Zhu Wenguang avait noté l'adresse, vérifié sur un plan, noté la présence dans cette même rue d'un night-club Asian Beauty fermé à cette heure, tapoté le crâne du chien en se demandant s'il fallait lui parler ou pas, le remercier ou pas, quelques barrières avaient chuté en lui, il était prêt à admettre qu'il s'agissait bel et bien de ce Vieux-Fang croisé voici vingt-cinq ans à Deyang sous une autre forme, mais il n'avait rien dit, avait simplement caressé la tête du chien, qui était parti s'allonger à l'ombre dans une sorte de petite cour à quelques mètres de là, sans paraître songer davantage à lui ni à quoi que ce soit d'autre, fermant les yeux et, avait jugé Wenguang, s'endormant en trente secondes environ. Christian Garcin, Des femmes disparaissent
Étourneaux Une bande d'étourneaux s'est alors posée dans l'érable et l'arbre a chanté un moment. Puis, tous ensemble, comme animés par un caprice commun, les oiseaux sont repartis en piaillant dessiner leurs folles arabesques dans le ciel. Signes fugaces tracés en l'air, dont nous ne pouvions plus rien voir ni l'une ni l'autre, mais que nous avions observés si souvent, nous demandant si l'un des oiseaux imposait sa danse à tous les autres ou s'ils ne faisaient qu'obéir en chœur aux silencieux ordres du vent. Carole Martinez, Du domaine des murmures
Loup La nature est semblable à un grand mécanisme d'horlogerie. Tout s'y engrène dans un ordre clair, chaque créature a sa place et sa fonction. Prenons l'exemple du loup: il appartient à l'ordre des carnivores, puis au sous-ordre des caniformes, puis à la famille des canidés, puis à la tribu Canini, puis au genre Canis et pour finir... à l'espèce loup. Son rôle de prédateur consiste à réguler les populations d'herbivores, pour que les cervidés, par exemple, ne se reproduisent pas trop. C'est ainsi que tous les animaux et les plantes forment un subtil équilibre: chacun a un sens et sert a quelque chose dans l'écosystème. Pour nous, les hommes, ce système censé s'embrasser d'un seul regard est sécurisant: originaire des steppes, notre espèce, dont les principaux organes des sens sont les yeux, a besoin d'avoir une bonne vue d'ensemble. Mais y voyons-nous si clair que cela? Peter Wohlleben, Le réseau secret de la nature
En 1882 le Parlement avait voté la destruction des loups. Par la loi du 3 août, la nation leur déclarait définitivement la guerre. Trente ans après, Fernand le maire avait toujours les bordereaux de primes dans son tiroir, à ce jour encore il était prêt à donner cent francs à quiconque tuerait une louve, la moitié pour un mâle ou des louveteaux. Depuis ces chasses à primes, la peur du loup dans les campagnes s'était calmée, mais il suffisait d'un rien pour qu'elle renaisse. Fernand le maire connaissait ses administrés, il voyait bien que ces fauves réveillaient en eux de vieux fantômes, ils faisaient revenir le souvenir des loups enragés qui attaquaient les enfants et les femmes il n'y a pas si longtemps, et si les meutes étaient soi-disant remontées du côté du Cantal sur le Cézallier, les lions eux étaient bien là, à cent vingt mètres en aplomb du village. Serge Joncour, Chien-Loup
Les loups, ils ne les voient que de loin: prudents, ceux-ci ne l'approchent pas. Antoine dénombre trois mâles de grande taille au pelage gris. Leurs hurlements accompagnent les coups de vent, perce les nappes de brouillard. Dans les villages on doit se signer. Plus que leur présence physique, on craint leurs mystérieux pouvoirs. Ils hantent les légendes que l'on conte à la veillée, les souvenirs transmis par les ancêtres peuplés de meutes qui attaquent des voitures de poste, dévorent postillons et chevaux, guettent aux fenêtres des maisons les nuits sans lune. Le tueur de loup est fêté, invité dans les fermes. On lui offre une douzaine d'œuf, un poulet; le gouverneur octroie même une prime, pas grand-chose mais de quoi acheter une paire de sabots, un pantalon de bonne toile, de chaudes bandes molletières. Bon an, mal an, on abat une cinquantaine de loups en Gévaudan, de vieilles bêtes surtout. Les jeunes, les puissants, c'est le seigneur qui les occit avec ses chiens, ses valets, ses liqueurs et rabatteurs. Catherine Hermary-Vieille : La Bête
Jusqu'au début du XXe siècle, la peur du loup est attestée partout (parfois dans des régions où il n'est plus présent depuis longtemps!) et s'accompagne de multiples légendes, conseils et pratiques rituelles. Beaucoup concernent la rencontre avec un loup. Celle-ci ne présente pas les mêmes significations selon les heures de la journée ou les mois de l'année. Mieux vaut rencontrer un loup le matin ― ce qui ne provoque qu'une extinction de voix ― que le soir ― ce qui paralyse le corps et rend particulièrement vulnérable. Mieux vaut aussi le rencontrer en été qu'en hiver. La rencontre la plus inquiétante se situe aux approches de Noël, à la tombée de la nuit, à l'orée du bois ou bien dans un cimetière (...). Du solstice d'hiver jusqu'à l'Épiphanie, le loup est particulièrement menaçant. Michel Pastoureau, Le loup/Une histoire culturelle
En fait, une seule culture à respecté le loup, et encore dans la mythologie seulement car sur ses terres aussi, il était chassé impitoyablement pour sa fourrure. Les pays celtes et les contrées scandinaves, aux nuits infinies d'hiver, aux ciels d'une pureté cristalline dans la rhapsodie blanche du Nord lui ont attribué, dans leurs légendes, le symbole de la lumière. Là où d'autres le font hurler sous la lune, le loup y incarne le soleil. Au cœur de ces grands espaces saisis, dans leur aveuglante vérité, par le froid, dans cet autre éden, ce paradis préadamique où ne fleurit aucun mensonge ni imposture, dans ce Grand Nord qui n'admet aucun relâchement, interdit toute langueur sauf en l'amour, le loup est la vie, plus mordante que le gel. La vie, dans une acuité énorme. Hélène Grimaud, Variations sauvages
―
Tu te souviens? De ce conte? De l'histoire de ce monsieur Seguin et de
sa pauvre petite chèvre? Fred Vargas, Un peu plus loin sur la droite
En fin de compte de ces loups on en avait besoin, ne serait-ce que pour entretenir la peur, et ça c'était bien le signe que ça n'en serait jamais fini des loups, et si par chance un jour il n'y avait plus de guerre, en supposant de faire cet énorme effort d'imagination, des loups il en faudrait toujours, quitte à en réinventer ou à les faire revenir, car l'homme porte en lui le besoin de se savoir des ennemis et d'identifier ses peurs, ne serait-ce que pour fédérer les troupes. Serge Joncour, Chien-Loup
En Cévennes, la question du loup est permanente. Il n'y a pas si longtemps, deux ont été retrouvés cloués sur une porte à une centaine de kilomètres d'ici, c'est pourquoi je suis toujours prudent sur les informations que je reçois et que je donne. Je sais qu'il y a les pour, les contre et que suivant cette position, les gens choisissent ou pas de vous aider. Le récit des loups noirs est typique de l'histoire singulière que les Cévennes entretiennent avec le loup. Le Gévaudan est à une quinzaine de kilomètres d'ici, les Cévennes sont le décor du conte de La Chèvre de monsieur Seguin, et Prokoviev écrit Pierre et le loup lors d'un voyage en terre cévenole. C'est aussi dans le parc du Mercantour que le chien sauvage a choisi de revenir début 1990. Antoine Nochy, La bête qui mangeait le monde
Il
est clair que le mouvement naturel du loup n'est pas de se tourner vers
le mouton. Sa logique reste avant tout de s'attaquer à un gros cerf
dont la viande gorgée d'acides aminés et de protéines lui permettra
de devenir loup, cet être défini par trois mots par mon maître et ami
Douglas Smith: social, travel and kill. Le social venant en
première ligne et comprenant les papouilles, la bagarre, le contact.
Être un loup revient à être en interaction permanente avec sa meute.
Grâce à la nourriture carnée, Canis lupus a dix jours pour
vivre tranquillement, se développer et interagir avec ses
congénères. Antoine Nochy, La bête qui mangeait le monde
Les loups sont officiellement de retour depuis 1993. Nous nous en sommes félicités pour des raisons légitimes. Oui, car le loup raconte une résilience des paysages, mais il représente aussi un danger et une souffrance pour les élevages. Dans le paysage souhaitable que nous avons aujourd'hui, un paysage où le loup peut très bien vivre du gibier, nous pouvons agir autrement et produire une autre situation qui aura le paradoxe d'allier une agriculture dynamique à une vie sauvage dynamique. Les quelques anicroches du concept nature-culture existent bel et bien, mais elles ne sont pas une fatalité pour autant. Le paradoxe de notre modernité se situe le long de cette ligne de direction fragile et mouvante et dont le loup n'est qu'un symptôme. Antoine Nochy, La bête qui mangeait le monde
Quand le maître pointe le doigt vers la lune, dit un proverbe zen, le disciple avisé regarde la lune, le disciple bas de plafond regarde le doigt, et moi je me comporte en disciple avisé, je regarde ce que me désigne Santa Claus, et ce qu'il me désigne c'est un loup. Un vrai loup, gris et blanc, très beau, tranquillement assis le cul dans la neige, les pattes avant tendues, entre le bord du lac gelé et la lisière des sapins blancs. À une vingtaine de mètres de nous, je dirais. J'ai compris ce que Santa Claus n'a pas eu besoin de me dire: non seulement qu'il faut se taire mais qu'il faut continuer à faire ce que nous faisons parce que ça intéresse le loup. Alors nous continuons, sur notre ponton, un mouvement se transformant en un autre, sans couture, sans accroc, sans à-coup, sans geste parasite. Ça coule. C'est fluide. De toute ma vie, je n'ai jamais fait ni ne ferai jamais plus la forme de tai-chi comme nous l'avons fait ce matin-là : un fil paisiblement dévidé, qui apprivoisait le loup. (...) Je ne sais pas ce que ça a duré, enfin si, je le sais un peu, car la forme nous servait de sablier: peut-être quatre, cinq minutes. Au bout de ces quatre, cinq minutes, le loup s'est soulevé sur ses pattes arrière et, sans hâte, il est retourné vers la forêt, entre les sapins qui l'ont aussitôt avalé. Emmanuel Carrère, Yoga
Dunbar l'examina avec plus d'intérêt que la veille. C'était bien le même loup, avec ses deux bottes blanches sur les pattes antérieures. Il était grand et vigoureux, mais quelque chose en lui donnait à Dunbar l'impression qu'il n'était plus de la première jeunesse. Sa fourrure était mal soignée, et le lieutenant crut apercevoir une ligne irrégulière le long du museau, vraisemblablement une vieille cicatrice. Il y avait en lui une méfiance qui indiquait l'âge. Il semblait tout observer sans bouger un muscle. Sagesse fut le mot qui vint à l'esprit du lieutenant. La sagesse était ce qu'on acquérait après avoir survécu de nombreuses années, et ce vieux basané aux yeux alertes avait vécu plus que sa part. Michael Blake, Danse avec les loups
Croc-Blanc n'en demeura pas moins incapable de se livrer à des transports d'affection. Il se laissait faire sans regimber par les enfants, mais à contrecœur, et supportait leurs caprices comme on supporte une opération douloureuse. Et quand il n'en pouvait plus, il se levait pour s'éloigner d'une démarche résolue. À la longue, il finit toutefois par s'attacher à ces enfants, mais sans pour autant se montrer beaucoup plus expansif. Il ne cherchait pas à s'approcher d'eux. Seulement, au lieu de prendre le large dès qu'il les voyait, il les attendait et les laissait venir à lui. Plus tard, on put même déceler une lueur de contentement dans son regard quand les enfants se dirigeaient vers lui, et une sorte de regret dans son attitude quand ils l'abandonnaient pour d'autres distractions. Jack London, Croc-Blanc
Moutons «Tu
étais bien en biologie à l'université, non? demanda-t-il. Haruki Murakami, La course au mouton sauvage
Insectes (...) la ville était vide et abandonnée comme l'est une ruche dévastée qui a perdu sa reine. De loin elle fait encore illusion, mais de près il n'est plus possible de s'y méprendre : ce n'est pas ainsi quand les abeilles volent dans leur demeure, on n'y trouve plus ni le parfum, ni le bruit habituels. Le coup frappé par l'éleveur ne provoque plus le tumulte instantané et général de milliers de petits êtres qui se replient d'un air menaçant pour faire jaillir leur aiguillon, agitant avec colère leurs ailes, et remplissant l'air de ce murmure qui accuse la vie et le travail. Quelques faibles bourdonnements, perdus dans les recoins de la ruche, se font seuls entendre. On n'aspire plus par l'ouverture, ni la senteur embaumée et pénétrante du miel, ni les tièdes effluves des richesses accumulées ! Plus de sentinelles vigilantes, prêtes à donner l'éveil en sonnant de la trompe et à se sacrifier pour la défense de la communauté. Plus d'occupations paisibles et régulières se trahissant par un susurrement continu, mais un désordre partiel, bruyant et effaré ! Plus d'abeilles laborieuses partant à vide pour butiner dans les champs et en rapporter leur doux fardeau. Seuls, des frelons pillards se glissent dans la ruche et en sortent le corps enduit de miel. Au lieu des grappes noires d'abeilles chargées de miel, accrochées l'une à l'autre par les pattes et traînant en bourdonnant le résidu de la cire, l'éleveur ne voit plus maintenant dans la partie inférieure de la ruche que des abeilles engourdies, à moitié mortes, errant, sans savoir ce qu'elles font, de côté et d'autre sur ses minces parois. Au lieu d'une surface unie, soigneusement balayée par leurs ailes en éventail, et aux fentes proprement calfeutrées, çà et là gisent des miettes de cire, d'informes débris, de pauvres bestioles expirantes, dont les pattes frémissent encore, et des cadavres restés sans sépulture. La partie supérieure présente le même aspect de destruction : les cellules, construites avec un art si raffiné, ont perdu leur virginité première ; tout est abandonné, brisé, souillé. Les frelons voleurs parcourent avec défiance les travaux abandonnés, et les tristes habitantes du logis, desséchées, flasques, vieillies, se traînent lentement, sans force et sans désirs, n'ayant plus qu'une étincelle de vie, tandis que des mouches, des bourdons et des papillons viennent voleter et se heurter contre la ruche ravagée. Parfois on en aperçoit deux dans un coin, qui, fidèles à leurs anciennes habitudes, nettoient une cellule et s'emploient instinctivement à la débarrasser d'une abeille morte, pendant qu'à côté deux autres se querellent paresseusement ou s'entr'aident dans leur faiblesse. Ici quelques survivantes, ayant trouvé une victime, l'entourent, se jettent sur elle et l'étouffent ; là une abeille affaiblie s'envole lentement, légère comme un duvet, pour retomber bientôt sur un monceau de cadavres desséchés… et, au lieu des cercles noirs formés de milliers d'abeilles tassées, pressées dos à dos, surveillant les mystères de l'éclosion, on ne voit plus que des ouvrières épuisées, et de pauvres mortes qui semblent garder encore dans leur dernier sommeil le sanctuaire profané et violé. C'est le royaume de la mort et de la décomposition !… Le peu qui vit encore monte, grimpe, essaye de voler, se pose sur la main de l'éleveur, et n'a même plus la force de le piquer en mourant. Refermant alors la porte de la ruche, il la marque d'un signe, la brise et en retire les derniers rayons. Léon Tolstoï, La Guerre et la Paix - Tome III
L'atmosphère, subrepticement, s'exacerbe. Seule conserve sa patience la chenille qui, sur la mousse au pied du mûrier, continue son chemin. Ramper, c'est son destin. Elle n'aurait jamais osée de changer sa façon d'avancer. Même si le ciel s'effondrait devant elle, elle n'imprimerait aucune accélération à sa marche, stupéfiante de dignité majestueuse. François Cheng, L'éternité n'est pas de trop Mushi-no-ne : à l'automne, suzumushi (une variété de grillons), matsumushi (une variété de criquets) et Kosovo (criquet commun) se mettent à chanter. Ce chant d'insectes touche une corde sensible au cœur des Japonais. Ils y perçoivent un mélange de tristesse et de solitude car leurs crissements évoquent tout à la fois la fin d'un été brûlant, l'arrivée d'un hiver rigoureux, la courte durée de vie de ces insectes et, par association, la mutation de la vie. An
English Dictionary of Japanese Culture, de Bâtes Hoffer et Nobuyuki
Honna
Les lombrics me fascinaient. J'avais lu dans un manuel de biologie, un extrait de L'origine des espèces sans doute, qu'ils labouraient le sol depuis le commencement du monde. Par leurs forages et sillons souterrains, dont les traces étaient aussi insoupçonnées que les ourlets de roches au fond des mers, ils étaient un peu comme des penseurs ou des écrivains qui, par tâtonnements, digressions ou raccourcis, chamboulent et fertilisent les terreaux latents de l'imaginaire. Patrick Autréaux, Soigner
Bêtes sauvages Et, avant de regagner l'Europe, j'avais résolu de passer par un des
Parcs royaux du Kenya, ces réserves où des lois d'une rigueur extrême
protègent les bêtes sauvages dans toutes les formes de leur vie. Joseph Kessel, Le lion
La lune était haut dans le ciel quand nous atteignîmes, au centre de Parc Royal, une immense plage circulaire, brillante et lisse, qui avait été autrefois recouverte par les eaux d'un lac. La clarté nocturne faisait courir à sa surface un scintillement d'ondes argentées. Et dans ce mirage lunaire, qui s'étendait jusqu'à la muraille du Kilimandjaro, on voyait jouer les troupeaux sauvages attirés par la liberté de l'espace, la fraîcheur de l'air et l'éclat du ciel. Les bêtes les plus lourdes et les plus puissantes, gnous, girafes et buffles, se déplaçaient calmement le long du cirque enchanté. Mais les zèbres, les gazelles de Grant, les impalas, les bushbucks, se mêlaient au milieu du lac desséché dans une ronde sans fin, ni pesanteur, ni matière. Ces silhouettes désincarnées et inscrites sur l'argent de la nuit ainsi qu'à l'encre de Chine, glissaient à la surface d'un liquide astral, filaient, s'élançaient, se cabraient, s'élevaient, s'envolaient avec une légèreté, une vitesse, une aisance et une grâce que leurs mouvements, même les plus nobles et les plus charmants, ne connaissaient pas dans les heures du jour. C'était, imprégnée, menée par le clair de lune, une danse folle et sacrée. Joseph Kessel, Le lion
Dans la réserve, il m'est plusieurs fois arrivé de voir des
iguanes ―
de grands lézards ou des sauriens ―,
alors qu'ils se chauffaient au soleil sur une pierre plate dans le lit
d'un fleuve ou d'une rivière. Leur forme n'est guère belle, mais on ne
saurait imaginer rien de plus joli que leurs couleurs. Elles brillent et
étincellent comme un tas de pierres précieuses, ou comme un morceau de
verre d'un vitrail ancien. Ils s'enfuient quand on s'approche d'eux, et
l'on croirait voir sur les pierres derrière eux un faisceau lumineux de
bleu ciel, de vert et de rouge vif, comme si toutes les couleurs du
spectre flottaient un instant dans l'air, telle la queue d'une comète. Karen Blixen, La ferme africaine
Lulu était une jeune antilope bushbuck, qui est peut-être la plus
belle de toutes les espèces d'antilopes d'Afrique. Elles sont un peu plus
grandes qu'un daim. Elles vivent dans les bois, elles sont farouches et
timides, si bien qu'on ne les voit pas aussi souvent que les antilopes des
plaines. Mais il y avait beaucoup de bushbuck dans les Ngong Hills et dans
les terres alentour, et si l'on campait dans la montagne pour chasser, on
en apercevait parfois une bonne douzaine, à l'aube ou au coucher du
soleil, quand elles sortaient à l'orée du bois. Sous les rayons du
soleil, leurs robes étincelaient d'un rouge cuivré. Le mâle a des
cornes finement élancées.(...) Karen Blixen, La ferme africaine
Mais je revoyais surtout mes gazelles : j'ai élevé des gazelles à Juby. Nous avons tous, là-bas, élevé des gazelles. Nous les enfermions dans une maison de treillage, en plein air, car il faut aux gazelles l'eau courante des vents, et rien, autant qu'elles, n'est fragile. Capturées jeunes, elles vivent cependant et broutent dans votre main. elles se laissent caresser, et plongent leur museau humide dans le creux de la paume. et on les croit apprivoisées. On croit les avoir abritées du chagrin inconnu qui éteint sans bruit les gazelles et leur fait la mort la plus tendre... Mais vient le jour où vous les retrouvez, pesant de leur petite cornes, contre l'enclos, dans la direction du désert. Elles sont aimantées. Elles ne savent pas qu'elles vous fuient. Le lait que vous leur apportez, elles viennent le boire. Elles se laissent encore caresser, elles enfoncent plus tendrement encore leur museau dans votre paume... Mais à peine les lâchez-vous, vous découvrez qu'après un semblant de galop heureux, elles sont ramenées contre le treillage. et si vous n'intervenez plus, elles demeurent là, n'essayant même pas de lutter contre la barrière, mais pesant simplement contre elle, la nuque basse, de leur petites cornes, jusqu'à mourir. Est-ce la saison des amours, ou le simple besoin d'un grand galop à perdre haleine? Elles l'ignorent. Leurs yeux ne s'étaient pas ouverts encore, quand on vous les a capturées. Elles ignorent tout de la liberté dans les sables, comme de l'odeur du mâle. Mais vous êtes bien plus intelligents qu'elles. Ce qu'elles cherchent vous le savez, c'est l'étendue qui les accomplira. Elles veulent devenir gazelles et danser leur danse. À cent trente kilomètre à l'heure, elles veulent connaître la fuite rectiligne, coupée de brusques jaillissements, conne si, çà et là, des flammes s'échappaient du sable. Peu importent les chacals, si la vérité des gazelles est de goûter la peur, qui les contraints seule à se surpasser et tire d'elles les plus hautes voltiges! Qu'importe le lion si la vérité des gazelles est d'être ouvertes d'un coup de griffe dans le soleil! Vous les regardez et vous songez: les voilà prises de nostalgie. La nostalgie, c'est le désir d'on ne sait quoi... Il existe, l'objet du désir, mais il n'est point de mots pour le dire". Saint Exupéry, Terre des hommes
Au dos de sa lettre d'engagement, Raphaël a inscrit une phrase trouvée
un jour dans un livre du professeur Roger Heim: «La destruction
volontaire d'une girafe ou d'un cagou de Nouvelle-Calédonie, dans la
mesure où elle compromet la survivance même de telles espèces, est,
sur le plan philosophique et scientifique, aussi grave peut-être que le
meurtre d'un homme, et aussi irréparable que la lacération d'un
tableau de Raphaël. Elle tarit à tout jamais un morceau du passé.» Dominique Lapierre, chapitre Qu'importe, bel éléphant d'Afrique, si mon sang arrose ta terre, dans Mille soleil (Laffont 1997)
Animaux et vie Et en quoi une vie a-t-elle besoin d'être justifiée? La totalité des animaux, l'écrasante majorité des hommes vivent sans jamais éprouver le moindre besoin de justification. Ils vivent parce qu'ils vivent et voilà tout, c'est comme ça qu'ils raisonnent; ensuite je suppose qu'ils meurent parce qu'ils meurent, et que ceci, à leurs yeux, termine l'analyse. Michel Houellebecq, Soumission
« Qu'est-ce qu'il y avait comme tombes, dans ce cimetière
d'animaux!
Hein, papa?" (...)
Stephen King, Simetierre
―
Vous avez déjà tué des animaux ? demanda-t-elle. Je dis que non. Magda Szabó, La porte
Sur la nappe en toile cirée, entre les tasses: des
chasseurs, des chiens, un cerf. Anne Bourrel, Gran Madam's
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