Le Café Littéraire / Femmes

 

      Rien ne remplace l'attachement, la délicatesse et le dévouement d'une femme; on est oublié de ses frères et de ses amis; on est méconnu de ses compagnons: on ne l'est jamais de sa mère, de sa sœur ou de sa femme. 

François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe

 

« Oh ! que de choses dans le sourire de la femme! N'y cherchez point la joie, le bonheur. Le sourire de la femme voile tant de souffrances intimes, tant d'inquiétudes, tant d'anxiétés poignantes! Jeune fille, épouse, mère, il faut toujours sourire, même lorsque le cœur se comprime, lorsque le sanglot étouffe… C'est ton rôle, ô femme! dans cette grande lutte qu'on appelle l'existence humaine! » 

Hugues-le-Loup, d'Erkmann-Chatrian

 

Il ne sait rien des femmes. Il ne sait pas qu'elles peuvent faire leur maison dans la main d'un homme, pour peu qu'elle soit tendue. Il ne sait pas qu'elles sont capables de marcher jusqu'au bout du monde pour un regard qui les fasse vivre. Il ne sait pas qu'elles savent attendre comme aucune bête ne le peut. Les épousées, les abandonnées attendent, les filles du bordel, les saintes attendent. Les hommes vont, les femmes attendent. Jusqu'au fond de l'espérance elles attendent. Jusqu'à la haine même. Et quand la haine vient aux femmes, que Dieu protège ceux qui les ont bafouées. 

Henri Gougaud, L'homme à la vie inexplicable

 

Les femmes sont comme des navires: des navires voguant sur des eaux dont les profondeurs leurs sont inconnues; des navires sur les mâts desquels d'étranges oiseaux sauvages des pensées errant d'île en île d'enchantement lointain se posent un instant puis s'envolent à jamais; des navires qui peuvent chevaucher sans dommage les plus furieuses et les plus tragiques tempêtes, des navires qu'un écueil caché, inconnu des cartes terrestres, peut faire sombrer corps et bien sans préavis et sans merci ! 

John Cowper Powys, Jugements réservés

 

      Les femmes sont semblables aux racines de l'arbre et les hommes aux branches feuillues. Elles sont obscures et nourricières, ils sont fiers et désordonnés. Elles savent les secrets humides de la terre, ils connaissent l'espace et la force du vent. Les unes sont profondes et les autres sont hauts. Ils ne peuvent donc ni s'entendre, ni se quitter sans dépérir. 

Henri Gougaud, Le rire de l'ange

 

Berg sourit, avec la conscience de sa supériorité sur une faible femme, car la sienne, toute charmante qu'elle put être, était, après tout, aussi faible que ses pareilles et aussi incapable de comprendre la valeur de l'homme, le véritable sens de « ein Mann zu sein» (être un homme). Elle souriait aussi, de son côté, et exactement pour les mêmes motifs, car elle se reconnaissait une supériorité incontestable sur ce bon et excellent mari, qui, comme la plupart des hommes, jugeait la vie tout de travers et s'attribuait imperturbablement une intelligence hors ligne, tandis qu'ils n'étaient tous que des sots et d'orgueilleux égoïstes.

Léon Tolstoï, La Guerre et la Paix - Tome II

 

Les femmes, affirma Poirot, sont merveilleuses; elles inventent et, par miracle, elles ont raison. En réalité, ce n'est pas tout à fait cela. Les femmes observent, sans s'en rendre compte, mille détails que leur subconscient coordonne. Elles appellent ensuite intuition le résultat de déductions qu'elles ignorent elles-mêmes. 

Agatha Christie, Le meurtre de Roger Ackroyd

 

Les hommes fonctionnent à peu près tous de manière identique. Nous avons beau paraître très différents et avoir des vies qui ne se ressemblent pas, ce sont les mêmes moteurs qui nous animent. Nous passons notre vie à gérer nos envies, au mieux nos devoirs, en fonction de nos moyens. Pour vous, les filles, c'est différent. Contrairement à nous, vous n'agissez jamais pour vous-mêmes. Votre vie n'est pas gouvernée par ce que vous voulez ou ce que vous pouvez, mais en fonction de ceux que vous aimez. Nous faisons toujours les choses dans un but, vous les accomplissez toujours pour quelqu'un.

Gilles Legardinier, Complètement cramé !

 

« Nu, chto. La femme m'a toujours intéressé. Depuis toujours, je précise. J'espère que tu ne vas pas mal interpréter mes paroles! Ce n'est pas du tout ce que tu crois, nu, je veux juste dire que la femme m'a toujours passionné. Non pas la question féminine! La femme en tant qu'être humain.» 
       Il se mît à rire avant d'expliquer: 
       « Nu, elle m'intéresse dans tous les sens du terme. J'ai passé ma vie à observer les femmes, même quand je n'étais qu'un petit tchoudak, un blanc-bec, nu, non, non, je ne les ai jamais regardées comme un paskoudniak, un voyou, non, je les respectais. Je les regardais et je m'initiais. Nu, et ce que j'ai appris, je voudrais t'en instruire aujourd'hui. Pour que tu saches. Alors fais bien attention à ce que je vais te dire maintenant: c'est comme ça.» 
       Il s'interrompit pour jeter un coup d'œil circulaire, comme pour vérifier que nous étions bien seuls, à l'abri des oreilles indiscrètes. 
       «La femme, reprit-il, nu, sur certains plans, elle est exactement comme nous. Pareille. Absolument. Mais sur d'autres points, elle est complètement différente. Pas du tout la même.» 
       Après un temps de réflexion
peut-être certaines images défilaient-elles dans sa mémoire un souvenir enfantin illumina ses traits et il conclut: 
       «Mais quoi? Sur quels plans la femme est-elle exactement comme nous et sur quels autres est-elle très différente
nu, j'y travaille encore», avait-il conclu en se levant. 
       Il avait quatre-vingt-treize ans et il a probablement continué à «travailler» cette question jusqu'à la fin de sa vie. Je planche sur le sujet moi aussi. 

Amos Oz, Une histoire d'amour et de ténèbres

 

Femmes de mon pays

       Femmes de mon pays, 
       Une même lumière durcit vos corps, 
       Une même ombre les repose, 
       Doucement élégiaques en vos métamorphoses, 
       Une même souffrance gerce vos lèvres, 
       Et vos yeux sont sertis par un unique orfèvre.

       Vous, Qui rassurez la montagne, 
       Qui faites croire à l'homme qu'il est homme, 
       À la cendre qu'elle est fertile, 
       Au paysage qu'il est immuable.

       Femmes de mon pays, 
       Vous, qui dans le chaos retrouvez le durable.

Nadia Tueni, extrait de: Liban, vingt poèmes pour un amour

 

Il raffolait des rôles de femmes tenus par des hommes et lorsque ces mêmes rôles étaient interprétés par des femmes, il les trouvait dénués d'intérêt. Pour lui, les femmes jouées par des hommes étaient plus féminines que les femmes elles-mêmes. Car seuls les hommes saisissaient l'essence féminine, alors que les femmes ne comprenaient rien aux femmes. Une femme dans un tel rôle n'en rendait que les apparences, tandis qu'un homme avait le pouvoir d'en rendre l'esprit.(...) 
       Il détestait le cinéma, en particulier les films d'Hollywood où les actrices prétendaient incarner la vraie femme alors qu'elles n'en montraient que l'aspect superficiel, à mille lieues de la profonde compréhension de l'âme féminine manifestée par les acteurs masculins dans l'opéra de Pékin. Il se disait parfois que s'il avait été acteur d'opéra, il aurait incarné la plus belle femme du monde. La beauté des femmes ne se trouvait absolument pas là où elles le croyaient mais justement dans ce qu'elles ne discernaient pas, dans ce qu'elles prenaient à tort pour de la laideur. La femme jouée par un acteur masculin n'était pas une femme au sens strict du terme, mais elle en montrait pourtant la face sublimée. Sur scène, chaque geste ou chaque pause, le moindre froncement de sourcil, le moindre sourire, étaient un véritable exposé sur la femme que l'on pouvait lire à livre ouvert. 

Wang Anyi, Le chant des regrets éternels

 

Plus l'âme est vide, moins elle fait contrepoids, et plus elle s'abaisse facilement sous la charge de la première influence qu'elle subit. Voilà pourquoi les enfants, les gens du commun, les femmes et les malades sont plus sujets que les autres* à être menés par le bout du nez. 
*
On voit combien Montaigne est de son temps...! Les gens du commun ("le vulgaire"), et "les femmes", sont pour lui des êtres inférieurs. 

Michel Eyquem de Montaigne, Les essais Livre I chapitre 26 C'est une sottise de faire dépendre le vrai et le faux de notre jugement (dans la traduction moderne de Guy de Pernon d'après le texte de l'édition de 1595)

 

Il est aussi ému par la manière, sanglante, implacable et absurde, avec laquelle, quatre siècles avant Jésus-Christ, Euripide décrit la terrible condition des femmes, réduites en esclavage par leurs maris, contraintes en même temps de séduire les hommes et d'élever seules leur progéniture, interdites de parole et de liberté, obligées de se sacrifier. 

Jérôme Garcin, Le dernier hiver du Cid (sur l'acteur Gérard Philipe)

 

Toute religion organisée, à quelques exceptions près, a pour pilier essentiel la sujétion, la répression et la négation de la femme dans le groupe. La femme doit accepter le rôle de présence éthérée, passive et maternelle, jamais celui de l'autorité et de l'indépendance, ou alors elle en paie les conséquences. Elle peut avoir les places d'honneur parmi les symboles, jamais dans la hiérarchie. La religion et la guerre sont affaires d'hommes. D'ailleurs, la femme finit par devenir la complice et l'exécutante de sa propre soumission. 

Carlos Ruiz Zafon, Le jeu de l'ange 
(T.II du Cimetière des livres oubliés)
 

 

Dans la tradition chinoise, la femme était tenue à trois obéissances principales: envers son père, envers son mari, envers son fils quand celui-ci avait l'âge d'homme et quatre morales : ne pas faire de dépenses inconsidérées, être travailleuse, ne pas chercher à séduire, être toujours prête à se sacrifier pour les autres. 

Chow Ching Lie, Le palanquin des larmes

 

Tout date du jour où l’homme découvrit son rôle dans la procréation, ce qui bouleversa le rapport des sexes et provoqua une mutation dans des sociétés souvent matriarcales jusque-là. Possédant déjà la force physique, indispensable pour survivre en ces temps anciens, les hommes s’emparèrent alors du pouvoir de procréer.

« La mère, dit Eschyle, ne saurait donner la vie. Elle n’est qu’un vase où le germe vivant du père se développe... C’est au père que sont dus le respect et l’amour des enfants. Qui tue sa mère n’est pas parricide.»

Effaçant des siècles de jalousie pour ce mystérieux pouvoir féminin, les mâles allaient pouvoir fonder, sur une erreur biologique, des sociétés où les femmes ne pourraient plus jamais revendiquer la première place.

Benoîte Groult, Ainsi soit-elle !

 

Mon égalité enfin conquise n’était en fait que l’alignement sur tes positions, l’adhésion à ton système, l’acceptation de ta loi, l’adoption pure et simple de ton «way of life».
       Pour être ton égale, il fallait me naturaliser mâle, m’assimiler à ta société, m’intégrer à ton monde.
       Il s’agissait d’emprunter ton instruction, ta
culture, de briguer tes places, tes privilèges.
       Fallait-il chanter victoire? L’égalité tant convoitée était en fait une belle victoire au masculin. La plus belle, peut-être.
       L’émancipation par l’égalité n’allait pas plus loin que l’accès aux valeurs en cours. Les tiennes.

Mariella Righini

 

                   Matisse 

Il faut enfin guérir d’être femme. Non pas d’être née femme, mais d’avoir été élevée femme dans un univers d’hommes, d’avoir vécu chaque étape et chaque acte de notre vie avec les yeux des hommes, selon les critères des hommes. Et ce n’est pas en continuant à lire les livres des hommes, à écouter ce qu’ils disent en notre nom ou pour notre bien depuis tant de siècles que nous pourrons guérir.

Benoîte Groult, Ainsi soit-elle !

 

 

      Notre référence demeure sans conteste le Malleus Maleficarum d'Institoris et Sprenger. (...)
       Nous apprécions notamment l'acuité des auteurs en ce qui concerne l'espèce femelle. Où d'autres se révèlent volontiers complaisants, coupable faiblesse face aux charmes fallacieux des femmes, ils en démontent la duplice essence par le seul truchement de la raison. La compréhension des choses spirituelles échappe à la gent tronquée, trop impatiente de compenser sa déficience native par une recherche effrénée des plaisirs charnels. Nous avons toujours été indifférents - qu'Il nous en garde! - à leurs appas étalés comme autant de marchandises à brader. Dieu a créé Ève à partir d'une côte d'Adam, os courbe et tordu. Il en résulte une nature imparfaite, même si le Très-Haut se réserve le sens de cette originelle imprudence. Le Malleus Maleficarum nous éclaire à ce propos d'un argument étymologique implacable: «femina» accouple «fe» et «minus», démontrant ainsi que la femme est armée d'une foi mineure à la nôtre.

Yannick Grannec, Les simples

 

Les femmes sont des êtres inférieurs parce qu’en se donnant, elles s’ouvrent. Leur infériorité est constitutionnelle, et vient de leur sexe, de leur « fissure », blessure qui jamais ne se cicatrisera.

Octavio Paz, Le Labyrinthe de la solitude

 

Aurez-vous bien senti la tristesse de notre vie. Aurez-vous bien compris le crime d'éveiller des âmes qui dorment et puis de les briser si elles s'envolent, l'infamie de réduire des femmes à la passivité des choses… Dites-le, vous, que nos existences sont comme enlisées dans du sable, et pareilles à de lentes agonies… Oh! dites-le! Que ma mort serve au moins à mes sœurs musulmanes! J'aurais tant voulu leur faire du bien quand je vivais!… J'avais caressé ce rêve autrefois, de tenter de les réveiller toutes… Oh! non, dormez, dormez, pauvres âmes. Ne vous avisez jamais que vous avez des ailes!… Mais celles-là qui déjà ont pris leur essor, qui ont entrevu d'autres horizons que celui du harem, oh ! André, je vous les confie ; parlez d'elles et parlez pour elles.

Pierre Loti, Les désenchantées

 

      Elles ont compris, depuis que Noé les fit monter sur l’arche, que le mâle n’était qu’un accessoire, acceptable un seul jour, pour un accouplement. Il ne sert qu’à « ça », et pour « ça », se goberge, rugit ou se pavane, fier de ce mince atout.(...) La mante religieuse dévore son époux. Sensible et raisonnable, elle ne peut supporter de l’avoir dans les pattes après l’accouplement. Si la femme acceptait de faire comme l’insecte, il n’y aurait sur terre plus de coiffeurs, de ministres, de militaires et de maîtres des forges, encore moins de banquiers. La terre serait ronde, il n’y aurait plus de guerres...

José Luis de Villalonga, Femmes

 

      Ah! Plût aux dieux que vous autres, Mesdames qui rendez une âpre justice et condamnez la cause masculine, fussiez à l’égal de Sophie demeurées occluses! Si seulement chacune d’entre vous fermait boutique définitivement. Ne dépendrait-il pas de vous d’en finir avec la conception, l’enfantement? Le moment ne serait-il pas venu d’arrêter le trafic, d’échapper aux filles et aux fils, de ne plus rien porter à terme et de permettre à l’humanité une sortie pensive? J’ai devant moi des statistiques portant espoir. Du mariage à deux enfants, au mariage à un, au mariage à zéro. Exit l’histoire. Plus de croissance. Après une relative sénescence: l’extinction silencieuse, sans glas. La nature vous en saurait gré. Notre planète pourrait renaître.

Günther Grass, Le Turbot

 

 

      Mais il ne sut jamais d’où cela provenait. Je n’étais pas seule à me percer le ventre. Que de misères de femmes derrière les persiennes closes... et même, jusqu’au jour d’aujourd’hui, que de solitudes rêches autour d’un sang qui coule avec un peu de vie... O cette mort affrontée au coeur même de sa chair... que de misères de femmes...

Patrick Chamoiseau, Texaco

 

 

                   Matisse

      La femme est un objet, alternativement précieux ou empoisonné, toujours différent. En la convertissant en objet, en être à part et en la soumettant à toutes les déformations que son intérêt, sa vanité, son angoisse et même son amour lui dictent, l’homme la convertit en instrument. Moyen de connaissance et de plaisir, moyen de dépasser la vie, la femme est une idole, une déesse, une mère, une sorcière ou une muse, mais elle ne peut jamais être elle-même.

Octavio Paz, Le Labyrinthe de la solitude

 

      « ...les braves filles savent parfois joliment jouer du piano et se lancent dans la poterie ou les métiers d’art, l’architecture intérieure convient à leur talent de décoratrices; elles peuvent sans peine, dès qu’elles souffrent, aiment ou fraternisent avec la schizophrénie ophélienne, à grand renfort de sang, de secrétion vaginale ou d’encre splénétique, écrire des vers émouvants, mélancoliques ventouses. Le Messie de Händel, l’Impératif catégorique, la cathédrale de Strasbourg, le Faust de Goethe, le Penseur de Rodin et le Guernica de Picasso, tout cela, les sommets de l’art leurs sont interdits.»

Günther Grass, Le Turbot

 

      Quand sera brisé l’infini servage de la femme, l’homme, abominable jusqu’ici lui ayant donné son congé, quand elle vivra pour elle et par elle... elle sera poète, elle aussi...

Arthur Rimbaud

 

Faut attendre que ça se passe. Il faut attendre que des générations entières d’hommes disparaissent...

Marguerite Duras et Xavière Gauthier, Les Parleuses

 

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