Pierrette
Fleutiaux à Luxeuil
Photo: Bernadette Larrière
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Le Café
Littéraire luxovien
recevait l'écrivaine
Pierrette Fleutiaux
le 26 novembre 2010 à 20 h.
pour une Lecture-rencontre,
à la Bibliothèque Municipale
de Luxeuil-les-Bains,
avec l'aide du CRLFC,
dans le cadre des Petites
fugues,
littérature itinérante en Franche-Comté. |
Bernadette
L.:
Nous avons passé une excellente soirée avec madame Fleutiaux. J'ai
commencé La saison de mon contentement et je me régale, c'est
très bien écrit et son analyse de la condition de la femme est très
vraie et en même temps il y a beaucoup d'humour.
Marie-françoise
:
Pierrette Fleutiaux, s’installait, souriante et à l’aise, en
costume anthracite de coupe masculine, pull gris foncé sur chemisier
aux teintes bleu ciel, note féminine avec son collier d’or torsadé
qui rappelait celui que dans son livre,
Des phrases courtes,
ma chérie,
elle
offrait à sa mère en maison de retraite.
Mais
c’est son dernier ouvrage, Bonjour, Anne, que
présenta Pierrette Fleutiaux, en illustrant ses propos par la lecture
de quelques passages. Anne, c’est Anne Philipe, l’épouse du comédien
Gérard Philipe. Pierrette Fleutiaux l’a connue durant un certain
nombre d’années après de décès de Gérard, c’est autour
d’eux qu’il fut d’abord longuement échangé pour répondre à
l’attente des lecteurs présents. Anne, qui fut sa première éditrice
mais aussi son amie, était également écrivaine.
Pierrette
Fleutiaux tient beaucoup à ce «e» de «écrivaine». Au cours de la
soirée elle employa le terme plusieurs fois, toujours au féminin.
C’est qu’à Pierrette, sa mère inculqua ―
elle l'écrit dans Des
phrases courtes et le décline dans le sujet de tous ses livres:
«Surtout, ne pas dépendre d’un homme». Aussi Pierrette
Fleutiaux de refuser que les femmes s’apitoient sur leur sort,
s’enlisent, s’enfoncent, se laissent dominer par la gente
masculine. De reprocher fortement à Flaubert son Emma, mais pas à
Tolstoï son Anna Karénine. Elle a apprécié en 2007 qu’une femme
arrive en position d’être choisie pour être à la tête de l’état,
ce fut pour elle le sujet d’un ouvrage: La saison de mon
contentement.
Pourtant,
elle confia avoir toujours eu besoin d’une personne bienveillante
qui l’encourage, sans toutefois la materner. Anne fut pour elle
cette personne au début de son aventure littéraire. On lui
fit remarquer que cela se ressentait dans ses ouvrages, car si, dans Bonjour,
Anne, l’auteur s’adresse à Anne, dans d’autres livres le
narrateur ou la narratrice s’adresse souvent à un personnage situé en
dehors du roman, à qui il se confie, qu’il prend à témoin ou à
qui il demande conseil et aide, ou même auprès duquel (comme dans Les
amants imparfaits auprès de Natacha «Natacha
existe
vraiment signala Pierrette Fleutiaux,
c'est une écrivaine originaire de l'Ile Maurice, Natacha
Appanah . J'apprécie beaucoup ses livres, c'est en pensant à elle
que s'encourage mon personnage, le jeune homme qui essaie de remettre
sa vie en ordre»),
il cherche la justification de
son travail d’écrivain. L’énigmatique «Madame» de Nous
sommes éternels en est la preuve la plus flagrante. Cette «Madame»,
dont on ne sait trop si elle est l’auteur du roman, une écrivaine
ou une librettiste de ballet ou d’opéra.
Étrange comme adviennent les choses,
ajouta-t-elle à ce sujet, quelques vingt ans après la parution de Nous
sommes éternels, un livret d’opéra sur ce livre est sur le
point de paraître.
Lui
fut signalé que le
thème du lien entre le frère et la sœur, que l'on trouve dans Nous sommes éternels,
revient dans d'autres ouvrages comme Les Amants imparfaits…
Parce qu’il est ancré dans l’enfance et
que ce qui est ancré dans l’enfance est très fort, rappela
Pierrette Fleutiaux. Un passage de Des phrases courtes en témoigne: «Peut-être retrouvons-nous une
situation très ancienne, la grande sœur responsable, le petit frère
confiant. Nous sommes différents en tout, si nous n’étions frère
et sœur nous ne nous serions jamais rencontrés, mais le lien établi
dès le jour de sa naissance noué et sans cesse renoué par notre mère,
ne peut se rompre. Nous n’avons pas de querelles, ne pouvons en
avoir». Mais sur ce sujet elle resta discrète et poursuivit:
«Il
n’y a pas, dans mes livres, que rapports entre frères et sœurs, que
mère et vieillesse. J’ai vécu
longtemps à New-york, j’ai également voyagé, à l’île de Pâques
en particulier. Cette île énigmatique avec ses grandes statues de
pierre m’a beaucoup impressionnée. La Pérouse, grand explorateur du
XVIIIème la relate dans ses Voyages autour du monde, je l'apprécie
beaucoup. J’ai écrit sur cette île. Des ouvrages pour la jeunesse,
mais aussi un roman intitulé:
L’expédition.
De tous mes
livres, c’est mon préféré, mais, hélas, celui qui fut le moins
bien reçu par le public, alors que
Des phrases courtes, ma chérie
fut un succès, parce que le thème abordé touche de très près les
lecteurs.»
Dans
plusieurs livres, fit remarquer une lectrice perspicace, peut-être dans tous, il
faudrait lire les quelques 23 publiés pour vérifier, on retrouve
l’image du «voile». Voile de cellophane qui entoure la mère dans Des
phrases courtes, voile de Tirésia dans Nous sommes éternels,
brumes et limbes de la mémoire dans Bonjour, Anne. Un voile
pour la part de mystère, de secret à préserver? interrogea la
lectrice. Mais cela semble n'être pas délibéré, ni procédé
d'auteur, car, étonnamment, Pierrette Fleutiaux avoua n’en avoir pas pris
conscience elle-même. Et sur ce sujet non plus ne répondit pas
vraiment. Sauf à dire que ce voile permet de progresser dans le
roman. Car le narrateur doit sans cesse le repousser pour parvenir à
plus de lumière, à lui-même.
On
retrouve cette attitude d’effort, de dépassement, à l’image
d’Anne Philipe qui ne s’appesantissait pas sur le passé et, malgré
Gérard et sa célébrité, a su rester elle-même, et même
influencer Gérard dans sa carrière de comédien.
Quant à ce qui a amené Pierrette à
l'écriture, on ne put le savoir. Sans doute s'est elle sentie de tout
temps écrivain-né sans avoir à se poser la question. Elle confia
qu'au collège, lors des heures de couture, activité qu'elle
abhorrait, devant son manque d'intérêt et sa dissipation, on finit
par l'envoyer lire. Ensuite elle eût l'idée, tandis que les autres
cousaient, de leur narrer à haute voix le résultat de ses lectures,
et le faisait très bien. Elle avait donc déjà le goût de conter
qui nous vaut tant de romans et de livres que nous apprécions.
Pierrette Fleutiaux
et Marion Vallée à Luxeuil
Photo: Bernadette Larrière