Le Café Littéraire luxovien / Métamorphoses |
Métamorphose
est une diction grecque vulgairement signifiant transformation, Les
juifs mêmes ont eu aussi leurs métamorphoses. Si Niobé fut changée en
marbre, Edith, femme de Loth fut changée en statue de sel (…) Le bourg
où habitaient Baucis et Philémon en Phrygie est changé en lac ; la
même chose arrive à Sodome. Les filles d’Anius changeaient l’eau en
huile ; nous avons dans l’Écriture une métaphore à peu près
semblable. … sous la chrysalide de douleurs
et de tendresse qui rend invisibles à l’amant les pires métamorphoses
de l’être aimé, le visage a eu le temps de vieillir et de changer. Non
non, cela vient de vous, de l’intérieur de vous.
(…) À
force de me pencher sur ce combat intérieur, j’en arrivai à conclure
que l’individu n’est pas formé d’un seul mais bien de deux êtres… Il
y a en tout homme un cochon qui sommeille. Quand
je suis au lit, j’ai la silhouette d’un gros coléoptère, d’une
lucane ou d’un hanneton, je crois… (…) Puis je m’arrange pour
faire croire qu’il s’agit d’un sommeil hivernal et je presse mes
petites pattes contre mon abdomen renflé. Et je sussure un petit nombre
de mots, ce sont mes instructions à mon corps triste, qui est immobile
tout près de moi et penché. J’ai bientôt fini, il s’incline, il
part rapidement, il exécutera tout pour le mieux tandis que je me repose.
et a voulu
Ovide ainsi intituler son livre contenant quinze volumes, parce qu’en
celui-ci il transforme les uns en arbres, les autres en pierres, les
autres en bêtes, et les autres en autres formes.
Clément
Marot, Traductions IX.
Voltaire, Dictionnaire philosophique.
Marcel
Proust, À la recherche du temps perdu.
Je
me suis approchée de la porte,
j’ai bousculé tout le monde, mon corps
d’être humain essayait de l’arracher de mon corps de cochon, essayait
de redresser ses muscles (…) c’était épuisant de lutter ainsi contre
soi-même.
Marie
Darrieusecq, Truismes.
R.L.
Stevenson, Dr Jekyll et M. Hyde.
Vieil
adage
populaire.
Franz
Kafka, Préparatifs de noce à la campagne.
Peu
de choses sont plus difficiles à imaginer que la métamorphose en
quelques mois d'un paysage froid, engourdi de neige, inanimé et si
intrinsèquement silencieux, en un site vert, luxuriant et chaud,
vibrant de toutes sortes de vies, depuis les oiseaux qui volent et
chantent dans les arbres jusqu'aux nuées d'insectes en suspens çà et
là. Rien dans le paysage hivernal n'annonce le parfum de bruyère et de
mousse chauffées au soleil, les arbres gorgés de sève et les lacs libérés
qui le rempliront à la belle saison. Rien non plus n'annonce le
sentiment de liberté qui peut s'emparer de nous quand les seules taches
blanches qui restent à voir sont celles des nuages qui glissent dans le
bleu du ciel et le bleu du fleuve d'une brillance absolue, coulant
lentement vers la mer, uniquement interrompue çà et là par les
rochers, les rapides et les baigneurs. Mais çe n'est pas encore là, ça
n'existe pas, pour le moment tout est blancheur et silence, et s'il est
rompu, c'est par le souffle d'un vent glacial ou le cri d'un corbeau
solitaire. Mais ça vient... ça approche... Un soir de mars, la neige
se transforme en pluie et les congères s'affaissent. Un matin d'avril,
les bourgeons apparaissent aux arbres et l'herbe jaunie prend un reflet
vert. Les jonquilles, les anémones des bois et les hépatiques sortent
de terre. Et puis tout à coup, dans les pentes, l'air chaud vibre entre
les arbres. Sur les coteaux ensoleillés, les feuilles éclosent et les
cerisiers fleurissent çà et là. Quand on a seize ans, tout cela
impressionne, tout cela laisse des traces car c'est le premier printemps
qu'on vit vraiment comme un printemps, dans toute sa sensualité, et en
même temps le dernier, en comparaison tous les autres printemps à
venir seront plus pâles. Et si en plus on est amoureux, alors là... il
ne reste qu'à supporter. Supporter toute la joie, toute la beauté,
tout l'avenir qu'il y a en toute chose. Karl
Ove Kausgaard,
La mort d'un père
|
Haut
de page / Retour
à la liste / Bibliographie
sur ce thème |