Le Café Littéraire luxovien / Les Petites fugues 2013  
 

 

 

 

 

Rencontre avec Éric Vuillard    

Eric Vuillard à Luxeuil - Photo: Bernadette Larrière
Eric Vuillard et Pascaline Mangin, 
(directrice du CRLFC) à Luxeuil
Photo: Bernadette Larrière

 

Le Café Littéraire luxovien 
recevait l'écrivain
Éric Vuillard
pour une lecture rencontre
le 18 novembre 2013 à 20 h.
à la Bibliothèque Municipale 
de Luxeuil-les-Bains,
avec l'aide du CRLFC,  
dans le cadre des Petites fugues, festival de
littérature contemporaine itinérante en Franche-Comté

Marie-Françoise:

Éric Vuillard, auteur du roman Conquistadors, vécut un temps au Guatemala après avoir mené une adolescence vagabonde et tourmentée suivie d'études variées, dont un DEA d'histoire et civilisations, aussi c'est dans un décor d'extraits tirés de ce livre et de terres cuites d'inspiration précolombienne réalisées par les adhérents de l'Atelier poterie du CLEC/MJC de Luxeuil, que le Café littéraire luxovien le recevait.

Après avoir publié des ouvrages poétiques comme Bois vert et Tohu, «La poésie étant la forme qui correspondait le mieux à ma manière de vivre, la forme de l'itinérance par excellence », Éric Vuillard a eu besoin du récit dans lequel il voyait une forme de décision, aussi parce que le récit, le roman, la narration s'exposent de manière moins fragmentaire et plus longue. Et plus particulièrement l'Histoire parce que davantage liée à son tempérament.  L'Histoire semble la grande passion d'Éric Vuillard qui est intarissable sur ce sujet. «Elle est en mouvement, c'est nous qui la faisons», mais «Avec elle, on doit davantage rendre des comptes, il faut de la précision.»

Pour ses trois derniers livres, il a choisi des périodes bien particulières: La conquête sanglante du Pérou au XVIe siècle par Francisco Pizarre et la destruction de l'empire Inca dans Conquistadors; Le contexte de/et la première guerre mondiale dans La bataille d'Occident ; la conférence de Berlin de 1884 lorsque les puissances coloniales se partagent l'Afrique dans Congo. Des périodes choisies parce qu'elles ont fait «basculer l'ordre du monde», dit-il.

Son adolescence, bien qu'il n'en dévoile rien, n'est peut-être pas sans rapport avec le choix des personnages qu'il y met en lumière, tels Pizarre en Amérique du Sud ou Fiévez au Congo, pour ne citer que ceux-là… Des personnages qui pour lui ont un lien avec la poésie dans son itinérance: «Ils partent jeunes, plein de désirs, avides de nouveauté, de voyages, de découvertes, de richesses aussi… ». Ces personnages, il ne les choisit pas pour en faire l'éloge, mais pour tenter de comprendre le mal, l'inconcevable, la barbarie, en mettant en relation leur enfance de «bâtards et d'enfants punis» et leurs actes, les conquêtes, le passé avec notre présent. Dans Tohu, il disait déjà: «J'avance le passé dans la main droite et le futur dans la main gauche».

Sa langue est vivante, facile et agréable à lire, le ton en est tour à tour lyrique, baroque, caustique et percutant, car ce qui intéresse Éric Vuillard est de «dégriser» l'épopée, l'aura des personnages, de montrer toute la hiérarchie sociale, des responsables aux simples exécutants, sans se borner à un seul point de vue.

Ses livres, qui ont été primés, ne sont ni du domaine du roman historique, ni de celui de la science historique, «Je ne suis pas historien, je n'ai pas suivi un cursus d'Histoire», précise-t-il, «Je ne sais pas comment on consulte les archives, ni d'ailleurs où elles se trouvent ». Mais parce qu'il aime énormément lire, autant la poésie, que la philosophie, que l'histoire, ses récits sont agrémentés de nombreux détails qu'il puise dans les connaissances acquises au fil de ses lectures. Il dit écrire dans l'élan, n'aller chercher, si nécessaire, un renseignement qu'au moment où il écrit, mais rapidement, sans y perdre de temps, pour ne pas couper l'élan, de vérifier après. L'invention supplée parfois, comme pour décrire la fin inconnue, mais " statistiquement " probable de la vie de Fiévez, et l'imagination, sans doute, pour évoquer ce qui est de l'intime. Comme beaucoup d'écrivains il est nourri par des choses souterraines qui éclosent de temps à autre dans ses œuvres et avec lesquelles il tisse son récit. 

Eric Vuillard à Luxeuil - Photo: Bernadette Larrière
Eric Vuillard à Luxeuil - Photo:Bernadette Larrière

      Enfin, Éric Vuillard qui peaufine ses textes à voix haute lorsqu'il écrit et aime beaucoup la lecture publique, «On y entend ses textes comme jamais, on y entend quelque chose du public et de ses réactions, ça dit quelque chose sur le texte, c'est un moment assez privilégié », en a lu de très larges extraits au cours de la soirée. Des extraits qui ont intéressé, ravi et ému les personnes présentes.

 

Eric Vuillard à Luxeuil - © Photo: Marie-Françoise Godey
Eric Vuillard
en compagnie d'Anne Buisson
(
Responsable de la BM de Luxeuil), au Café Littéraire luxovien
Photo: Marie-Françoise Godey

 

Eric Vuillard et Frank Morzuch au Café littéraire luxovien © Photo: Marie-Françoise Godey

Eric Vuillard, est par ailleurs cinéaste et réalisateur d'un court métrage: L'homme qui marche. Le voici en compagnie de Frank Morzuch, de l'Association "Carte Blanche" pour qui la marche est l'un des beaux arts, venu le rencontrer au Café littéraire luxovien.
Photo: Marie-Françoise Godey

 

Marie :

La rencontre se termina par un moment de convivialité avec le public et de plus d'intimité avec chacun lors de la dédicace de ses œuvres par l'auteur. Une demande le surprit sans doute:
     Il n'y a plus de survivants de la guerre de quatorze, il reste très peu de pupilles de la nation dont le père mourut au front. Pour l'une d'elle, née en janvier 14, décédée en mars 2012, qui à deux ans près, aurait été centenaire, dont le père disparut au champ d'honneur, comme on dit, alors qu'elle avait 7 mois, le 30 août à Voulpaix, après la bataille de Guise du 29, dont Éric Vuillard ne parle pas dans La bataille d'Occident, mais qui est considérée comme avoir eu un grand rôle dans la réussite de la bataille de la Marne en ralentissant l'armée allemande, même si le général Lanzerac, le 30 août décrocha avec la cinquième armée à partir de dix heures du matin. Pour cette fille d'un père tué comme un lapin en uniforme de parade par l'armée allemande, au tout début, laissant une veuve et trois enfants en bas âge, dont l'absence, cruellement, pesa jusqu'à ses derniers jours, fut demandée une dédicace. Une dédicace pour une défunte qui ne lira jamais son livre, mais qui lui aurait permis, comme il me l'a permis, de suivre au pas à pas dans ses dernières semaines, son père, mon grand-père… dans l'émotion. 
     Après un temps de réflexion,
Éric Vuillard inscrivit quelques mots, puis me tendit le livre, me les fit lire, ému, courts et simples ils disaient tout… C'est tout ce qu'il pouvait faire.

 


 

 

Temps fort des Petites fugues à Charcenne 


Le 22 novembre 2013 à 19h30, à Charcenne (Haute-Saône) 
Mathieu Larnaudie, Isabel Ascencio et
Éric Vuillard
ont lu leurs textes dans l'espace scénique de La Bulle (structure gonflable), 
accompagnés par la violoniste Estelle Koluda. 
Lectures suivies d'entretiens des auteurs avec l'animatrice Annie Abriel.

 

 

Éric Vuillard
au temps fort des 
Petites fugues
 
sous La Bulle (structure gonflable) 
à Charcenne (Haute-Saône)
le 22 novembre 2013

Eric Vuillard à Charcenne© Photo: Marie-Françoise Godey
Eric Vuillard à Charcennes
Photo: MFG
 

       On retient de la lecture d' extraits de Congo l'émotion ressentie par le public lors de certains passages que la violoniste, également flûtiste, a remarquablement rendue dans ses interventions. Et de ses réponses aux questions d'Annie Abriel sur La bataille d'Occident, l'ouverture que donne la fin de ce livre: 
      "Aux commencements, il y a un lit où sont enchaînés l'un à l'autre un homme et une femme. Et puis des enfants grouillent autour du lit, de tout petits enfants qui ont soif et faim. Alors, on fait avec des orties de la soupe, avec du feu un théâtre, avec de la neige Dieu.
      C'est tout ce qu'on sait faire
.". 
      Un "tout" qui peut être négatif, s'il constate une incapacité, synonyme de "que cela", ou positif, puisque ce couple engendre et permet la renaissance.

Estelle Koluda à Charcenne© Photo: Marie-Françoise Godey
Estelle Koluda à Charcenne
Photo: MFG

 

 

Mathieu Larnaudie
au temps fort des 
Petites fugues
 
sous La Bulle (structure gonflable) 
à Charcenne (Haute-Saône)
le 22 novembre 2013

Mathieu Larnaudie à Charcenne© Photo: Marie-Françoise Godey
Mathieu Larnaudie à Charcenne
Photo: MFG
 

      On retient de sa lecture d'un long extrait de Acharnement, et de ses réponses aux questions d'Annie Abriel, la part immense qu'occupe le langage dans cet œuvre, sous trois formes: la logorrhée de Müller, ancien speech- writer viré d'un ministre, narrateur misanthrope retiré à la campagne qui décrit scrupuleusement tout ce qu'il vit; le silence de Marceau son jardinier; et le langage des suicidés qui se jettent régulièrement du haut du viaduc qui domine son jardin. Ce pour désigner une espèce d'impasse du langage politique et de ceux qui nous gouvernent avec l'espoir qu'il puisse s'ouvrir et change un peu. Mathieu Larnaudie est codirecteur de la revue L'Inculte qui se positionne contre la posture de l'expert, de l'académisme.

 

 

Isabel Ascencio à Charcenne© Photo: Marie-Françoise Godey
Isabel Ascencio à Charcenne
Photo: MFG

Isabel Ascencio
au temps fort des 
Petites fugues
 
sous La Bulle (structure gonflable) 
à Charcenne (Haute-Saône)
le 22 novembre 2013

 

       Vêtue à la garçonne, on retient de sa lecture rapide et expressive d'un long extrait de Drama Queen et de ses réponses aux questions d'Annie Abriel, les ruptures de langues, les frottements, les agacements d'adolescentes qui se cherchent, avec la tentation de la transgression et de l'extrême, qui peuvent mener au drame, mais qui restent pourtant en deçà de l'amour.

 

 

 

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