Rencontre
avec Christelle Ravey
Le
Café Littéraire luxovien
recevait l'écrivain
Christelle Ravey
le 24 novembre 2008 à 20 h.
pour une Lecture-rencontre,
à la Bibliothèque Municipale
de Luxeuil-les-Bains,
avec l'aide du CRLFC,
dans le cadre du Festival littéraire itinérant:
Les
Petites fugues.
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Christelle Ravey à Luxeuil -
Photo: Jean-Luc Molle
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Par
Marie-Françoise:
C'est
une très jeune femme, brune aux cheveux à peine longs,
fraîche et souriante, pleine de vivacité et d'enthousiasme,
même d'émerveillement, que nous avons découvert en la
personne de Christelle Ravey à l'occasion des Petites fugues de
2008.
Christelle Ravey fuguait en effet, peut-être pas à l'instar
des personnages de son dernier roman qui porte le titre d'Amours en fugue
(sorti en 2008, aux toutes jeunes
-elles aussi- éditions de la Boucle),
et qui vient
d'obtenir le Prix Marcel Aymé 2008, puisque sa fugue était organisée et programmée par le Centre Régional
du Livre de Franche-Comté qui propose chaque novembre,
depuis sept ans déjà, des rencontres dans toute la région
avec des auteurs contemporains.
Christelle Ravey fuguait donc, délaissant pour un temps le
roman qu'elle est en train d'écrire et dont elle nous a confié
que l'action se situera en Hollande, pour s'en venir répondre
en toute simplicité à nos questions, nous
confier la genèse de ses livres, à nous, lecteurs admiratifs
de sa précoce maturité et de la juste vision de tous les âges
de la vie qui ressort de ses textes. |
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Christelle Ravey explique : "Quand j'étais gamine je me demandais déjà
comment ce serait quand j'aurais quatre vingt dix ans. Et
j'essayais déjà d'imaginer tous les âges de la vie. Du coup,
j'ai l'impression à la fois d'avoir un petit peu tous les âges
et de n'avoir jamais atteint ni mes dix ans, ni mes vingt ans.
Une espèce de chronologie complètement déconstruite."
Mais aussi : "Quand j'écris j'essaie de vivre les choses
comme quand on joue du théâtre. C'est-à-dire d'essayer de me
concentrer, de plonger à l'intérieur d'un personnage, de
m'imaginer son univers, ses rencontres, ses pensées. Et une
fois que je suis vraiment dans le personnage, commencer à
écrire."
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Christelle
Ravey à Luxeuil - Photo Jean-Luc
Molle
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Pour
Christelle Ravey, écrire semble être un jeu. Un jeu qui peu
prendre pour point de départ un prénom inconnu qui lui vient
tout d'un coup à l'esprit un matin au réveil, tel "Louba",
qui la rend "euphorique" et, se révélant être
russe, la pousse à se documenter et à apprendre cette langue
pour les besoins de son futur roman dont le personnage portera
ce prénom. Ou, lorsque, brodant un tapis grec, elle décide
d'écrire une histoire rien qu'à partir du titre que ce travail
d'aiguille lui inspire, inventant un mot au besoin : "Le
tapisseau byzantin", puis, l'un de ses cheveux s'étant
pris dans ses points, s'en servant comme départ pour mener ses
personnages dans une quête des origines. Celles du fameux tapisseau,
l'objet, mais aussi
celles, familiales, de personnages, qu'elle imagine issus
d'émigrés de Constantinople.
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Christelle Ravey à Luxeuil - Photo:
M-F Godey |
Cela
donne " un roman policier sans police ". Écrit par
morceaux, n'ayant cette année-là guère de temps pour le faire
d'une manière suivie. Morceaux qu'ensuite elle assembla, comme
un puzzle.
Pièces de puzzle que l'on trouvait d'ailleurs déjà
entre les mains des personnages de " De couleur…mauve
" (éd. Ancre et Encre, puis éd. de la Boucle)… Et Dieu
sait si ses personnages sont nombreux !
" Moi, j'aime bien
les morceaux " dit-elle. La voilà revenue au jeu : "
Il y a tout un équilibre à trouver, pour moi c'est comme un
jeu. C'est le plaisir de naviguer entre l'imaginaire, quelque
chose de concret, entre ce que je décide de mettre et ce qui au
contraire va me surprendre. " |
Un
jeu auquel elle prend un véritable plaisir, mais un jeu très
prenant. Et un véritable et sérieux travail de documentation
dans lequel elle se donne à fond. Tant en lectures, qu'en
voyages, qu'en rencontres. C'est pourquoi elle a ses périodes,
ses phases, comme Picasso avait les siennes pour les couleurs
déclare-t-elle.
Ainsi sa période Méditerranée donna "Fanny" un roman de 500 pages qui n'a pas pu paraître à cause
de sa longueur, et "Le tapisseau byzantin" (paru en
2005 aux éditions Ancre et Encre). La période russe: "Étrennes de Russie"
(à paraître en février
2009) "C'était pour moi un roman très lourd, j'ai passé
quatre ans à l'écrire. Amours en fugue,
a été une année d'écriture plus légère, sans recherche
historique, puisque c'était uniquement une trame contemporaine,
dans laquelle j'ai eu plaisir à réinvestir plein de petits
échos de la Russie."
Quant à la période dans laquelle est plongée actuellement
Christelle, on l'a déjà deviné, elle est hollandaise. "Je désirais depuis longtemps écrire sur les marchands de la
Hanse. Sans savoir pourquoi, ayant en tête les brumes de la mer
du nord, les gros cargos et le port de Hambourg…" Son
projet s'est un peu décalé au fil du temps et des rencontres.
Du héros dont elle avait déjà imaginé l'histoire, elle eut
la troublante surprise de rencontrer la réplique en un jeune
Hollandais qui vécut la même chose.
"Dans ces moments-là, j'ai l'impression étrange
d'écrire avec une forme de prémonition. Ou bien après de
croiser sur ma route des gens qui vont remplir le roman de tous
les éléments dont j'ai besoin." C'est dire que ses phases d'écriture la prennent toute entière au point qu'à
son histoire personnelle se mêle, si
l'on peut dire, celle de ses personnages.
Des personnages qu'elle aime, à part de rares exceptions, et
pour lesquels elle éprouve de la tendresse. "Ils
deviennent une fois le livre terminé depuis longtemps comme des
amis que je n'aurais pas vu depuis longtemps, mais ils existent." Un longtemps tout à fait relatif puisque Christelle
Ravey est jeune. Mais depuis qu'elle a su tenir un stylo, elle a
voulu écrire… voir ses textes imprimés… par elle d'abord,
à la machine, qu'elle demandait chaque Noël.
Enfin dans son jeu d'écriture, elle n'oublie pas notre rôle de
lecteur: "Entre ce que j'ai dans la tête et ce que
j'écris il y a déjà un stade énorme, entre ce qui est écrit
et ce que vous vous lisez il y a à nouveau un imaginaire qui se
met en marche..." Encore un jeu ? On l'aura
deviné ses livres sont sérieux et plaisants à la fois,
exempts de pessimisme et de morbidité, même si la fin
peut-être surprenante, comme dans "De couleur... mauve"... |
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Rencontre
avec Didier Daeninckx
La
médiathèque de Champagney
recevait l'écrivain Didier
Daeninckx
le 19 novembre 2008 à 20h30,
avec l'aide du CRLFC,
dans
le cadre du Festival littéraire itinérant:
Les Petites fugues
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Par
Adélà
Coïncidence? Les Petites fugues amenaient Didier Daeninckx,
l'auteur engagé qui ancre les intrigues de ses romans noirs
dans la réalité sociale et politique, l'auteur de "Meurtres
pour mémoire", de "Cannibale" et du
"Retour d'Ataï", etc..., face au Musée
de la Négritude à Champagney. Champagney, qui fut la première
et la seule commune de France à demander dans ses cahiers de
doléance, juste avant la révolution française de 1789,
l'abolition de l'esclavage. |
Didier Daeninckx à Champagney -
Photo MFG |
Didier Daeninickx venait en habitué des rencontres avec les
lecteurs. Il n'a en effet jamais hésité, dès ses
débuts dans l'écriture, à présenter ses écrits, à
discuter, ce, même jusqu'en Nouvelle Calédonie. Très
simplement. Malgré sa notoriété présente, il
continue à vivre dans la "banlieue rouge"
parisienne, un choix.
Il dévoilait la
genèse de ses oeuvres. Ainsi celle de son tout premier ouvrage:
"Meurtres pour mémoire" écrit en 1983, (avant
que n'eut lieu le procès de Maurice Papon), après
qu'enfant (il est né en 1949) il fut marqué par la mort d'une
de ses voisines dans la manifestation du 17 octobre 1961.
"Je ne fais
pas un travail pédagogique", "Je
ne sais pas si j'écris pour mémoire, mais je sais que j'écris
contre l'oubli", il insistait sur "la
densité de passé qu'il y a dans le présent pour chacun des
personnages". Puis lâchait cette phrase à méditer:
"J'ai l'impression que ceux qui vivent dans le présent
permanent sont les nouveaux barbares".
Didier Daeninckx
a la conviction que la "littérature peut faire bouger
les consciences, les éveiller" et considère qu'
"il y a un aspect ferment dans l'écriture".
Ainsi, le livre
"Cannibale" et sa suite, "Le Retour d'Ataï"
(qui évoque la révolte kanak de 1848), ont-ils contribué à
débloquer la situation sur la réflexion sur le forum colonial
"les os humains", constate-t-il.
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Didier Daeninckx à Champagney -
Photo AJA
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Cette rencontre fut
également pour Didier Daeninckx
l'occasion de conter quelques anecdotes, de dévoiler sa façon
de travailler. Il s'immerge dans le milieu de ses futurs romans,
rencontre, se documente beaucoup, sans guère prendre de notes. Tout
est dans sa tête. Même lorsqu'il lit quelques cinquante à
soixante-dix ouvrages en prévision de son futur bouquin.
Travail énorme pour
le lecteur que nous sommes, mais pas pour lui,
"lire ces livres n'est pas du travail".
Ainsi le matin de cette rencontre à Champagney, il
s'était levé à cinq heures pour lire un ouvrage sur les
arméniens.
"Je fais ça
à temps complet" dit-il.
Avant de terminer la
rencontre, puisqu'il est de tradition qu'à ces Petites fugues
l'auteur lise lui-même à haute voix de ses textes, par la lecture
de l'une de ses nouvelles
: "La psychanalyse du frigidaire". Une nouvelle
du quotidien, pleine d'humour, noir évidemment, Didier
Daeninckx oblige.. |
Didier Daeninckx à Champagney -
Photo AJA
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