Le Café Littéraire / Les Petites fugues 2003 :
Sur le thème : L'écriture du temps, le temps de l'écriture
Rencontre avec Dominique Barbéris
Martine L. : Le lundi 24 novembre, le café
littéraire de Luxeuil a reçu Dominique Barbéris dans le cadre
des petites fugues. Tout au long de cette soirée, Dominique
Barbéris a su nous communiquer le plaisir de lire.
Quant à moi, j'avais été conquise par la justesse des descriptions, et surtout par l'émotion transmise à travers l'extrême précision du ressenti. En effet, tous les sens sont concernés : vue, ouïe, odorat, goût, toucher. Dominique Barbéris est, à mon sens, une véritable artiste, au même titre qu'un compositeur, ou un peintre. Elle utilise parfaitement sa grande connaissance de la langue française – elle enseigne la linguistique à Paris IV – et nous présente des oeuvres extrêmement raffinées, sculptées au plus près. Merci aux organisateurs qui nous ont permis de passer une excellente soirée.
Marie-Françoise : J'avais lu les quatre romans de Dominique Barbéris, en commençant par le dernier : Les kangourous. Déjà des similitudes me rapprochaient de son héroïne : " Avait-elle ressenti ce bref bonheur d'être choisie ? ", " Ça, plutôt que rien ! ". Puis, j'avais lu ses trois autres oeuvres en remontant dans le temps. J'avais découvert la petite fille du Temps des dieux, celle de L'heure exquise : " Plus jamais le bonheur ne serait aussi grand ". Là encore, par de nombreux aspects, cette petite fille me ressemblait : sa difficulté avec la nourriture : " Il fallait absorber le monde ", sa timidité, son effacement, son obéissance devant les dieux : "Rentrez! crient les voix des parents, les voix des dieux du monde, les voix de l'ordre", sa difficulté aussi à sortir d'elle-même, à se couler dans le monde, ses écorchures, au sens propre et figuré : "Peut-on saigner sans cicatrices ? ", sa difficulté relationnelle, sa crainte de l'étranger, de l'homme, en même temps que son attirance vers celui qu'on voudrait idéal. Et je découvre lors de cette rencontre du 24 novembre à Luxeuil, une femme élégante, blonde, à l'aise, sociable, un visage expressif et un corps harmonieux, vifs, minces, souples, une peau blanche sur des bras et des poignets fins, des mains étroites aux doigts déliés animées de gestes de danseuse – elle pratique la danse classique – pour exprimer la finesse, le ténu de certaines émotions et images, pour mimer la pluie qui tombe. La pluie de son pays natal nantais, la pluie qu'elle voudrait bien écrire… Attendant l'heure de la lecture, nous visitons basilique St Pierre de grés rose à moitié enterrée, les secrets qui se cachent derrière les portes dérobées de la sacristie, elle s'en amuse, pour un peu nous aurions pu jouer à la messe, comme la petite fille de son livre : "Corpouscristi, se disaient-ils, Amen", moment de connivence... mais elle a froid. Au café, pour se réchauffer, elle choisit un chocolat chaud, moi aussi. Elle ne pourrait écrire dans ce lieu-là, il y de la musique et trop de bruit, elle préfère écrire chez-elle, dans le silence. Elle est assise à mon côté au repas, elle parle en abondance, aisément. Elle répond aux questions avec simplicité et justesse, d'une voix mélodieuse, la même qui lira tout à l'heure de larges extraits de ses livres et nous enchantera. Elle semble chipoter avec sa fourchette pour manger le riz, le poisson, me fait penser à la petite fille de ses livres, mais termine son assiette. Il y a beaucoup d'elle dans la petite fille, et cette petite fille est devenue la femme des kangourous, la femme murée, la femme qui a peur, la femme désemparée, la femme qui va au devant de la mort inéluctable. Elle commença à écrire après la perte tragique d'un ami qui lui était très cher. C'est elle-même qu'elle met dans ses livres, qu'elle livre par images, par fragments, Dominique Barbéris ne s'en cache pas et avoue : " On écrit un peu comme on s'écorche".
Rencontre avec Michel Layaz
Marie-Françoise G., les 18 et 21 novembre 2003 : Michel Layaz, grand, blond, la quarantaine jeune, qu'on sent un peu tendu, rencontré deux fois : l'une à Champagney pour une lecture rencontre organisée par la bibliothèque, l'autre à Besançon, au musée du Temps, avec dix autres auteurs, pour la rencontre débat sur le thème : L'écriture du Temps, le temps de l'écriture, organisée par le Centre Régional du Livre de Franche-Comté. Lors des deux manifestations, il souligne que dans son dernier livre : Les larmes de ma mère, il élabore une langue qui prend en compte à la fois le regard de l'enfant et celui de l'enfant devenu adulte. À la question : Quelle est la part d'autobiographie dans votre livre ? Il répond qu'une fiction est faite de souvenirs "reconstitués", que le passé ne se remémore pas, qu'il se construit (que pour ce faire, il utilise des indices, des objets, qui sont porteurs, l'aident à élaborer son récit). L'idéal du roman selon lui : "Construire une fiction qui serait la réalité." L'univers romanesque devant mettre en place un monde vrai pour le lecteur, un monde imaginé plus vrai que la réalité (à la manière de Blaise Cendrars qui, dans La prose du transsibérien, relate d'une façon criante de vérité un voyage qu'après tout il n'a peut-être pas réellement effectué). En
préambule à son intervention à Champagney, il insiste sur le pouvoir
des mots : ceux des autres qui font souffrir, ceux de l'écriture qui est
exorcisme. Lorsqu'il
"vit" comme tout un chacun, il est insatisfait parce qu'il
n'écrit pas, lorsqu'il écrit, il est insatisfait parce qu'il ne
"vit" pas. En somme, lui dis-je, un écrivain quoi qu'il fasse, est mal ! Aussi lorsqu'il sent que l'écriture vient bien, il prend un plaisir presque pervers à cesser d'écrire pour faire durer ce temps de l'écriture. Quant à sa technique de travail, il reprend beaucoup ses textes, élague, accorde une grande importance au rythme. Il a déjà publié cinq livres, le sixième doit sortir en mars, il écrit le septième: La joyeuse complainte de l'idiot.
Martine M. : Nous avons reçu à la Médiathèque de Champagney, dans le cadre du festival littéraire itinérant " Les petites fugues ", organisé par le Centre régional du livre, Michel Layaz, écrivain suisse amoureux des mots, récemment primé pour son livre " Les larmes de ma mère ". Cette agréable rencontre, en présence d'un public attentif a été l'occasion de poser un certain nombre de questions à l'auteur dont celles-ci : ". Cette agréable rencontre, en présence d'un public attentif a été l'occasion de poser un certain nombre de questions à l'auteur dont celles-ci :"Les
larmes de ma mère" est un livre sur l'enfance. Le lecteur se pose
très vite la question du caractère autobiographique du récit. Que
pouvez-vous en dire ? Comment
en êtes-vous venu à écrire sur l'enfance ? Qu'est-ce
qui vous amène à écrire un livre ? Interrogé
sur son écriture qui rejoint souvent la poésie, Michel Layaz répond : De
quoi se nourrit votre écriture ? Comment
vous situez-vous dans la société comme écrivain ?
Rencontre avec Philippe Raulet Martine M. , le 27 novembre 2003 : En
roulant vers Pusey, où Philippe Raulet est invité pour une
lecture rencontre à la Bibliothèque, dans le cadre des petites fugues
organisées par le CRL, en ce soir de novembre où la pluie ne cesse de
tomber, je me demande ce qui pousse les écrivains à aller à l'encontre
des lecteurs !
Les élèves qui ont reçu l'écrivain : Lundi 24 novembre 2003, nous avons rencontré l'écrivain Olivier Bleys dans le cadre des activités de français. Auparavant, nous avions lu des pages de son roman Pastel et des extraits de son carnet de voyage en Asie du Sud-est. Il a répondu à nos questions pendant un entretien qui a duré environ une heure et demie. L'entretien nous a beaucoup plu. L'écrivain Olivier Bleys est une personne assez simple qui connaît beaucoup de choses grâce à ses voyages et à ses recherches pour écrire ses livres. Il a clairement répondu à toutes les questions que nous avons posées. L'argent n'est pas un tabou pour lui. Il a aussi réussi à nous faire ressentir ce qu'il a vécu au cours de sa vie d'écrivain. Ce qui nous a le plus surpris, c'est le nombre de voyages qu'il a fait. Il a été en Chine, à Madagascar et a visité d'autres pays. Quand il part il vit au jour le jour, il ne sait pas où il passera la nuit. Il nous a précisé qu'en Chine il y a des cybercafés dans les moindres villages. Il nous a parlé de plusieurs prix littéraires, le prix Goncourt, le prix Nobel. Maintenant on sait qu'écrire un livre ce n'est pas si facile. Et en plus on ne gagne pas des tonnes d'argent. Olivier Bleys était sympathique, abordable, il ne s'est pas pris pour une vedette. L'entretien fut très intéressant à cause de sa gentillesse et de ses réponses claires. On aimerait bien rencontrer un autre écrivain ou un artiste aussi accessible.
Rencontre avec Hans Arnfrid Astel & Thorsten Becker
Marie-Françoise G., 7 novembre 2003 : Pour tenter de redonner le goût de l'étude de la langue allemande, c'est deux auteurs assez différents l'un de l'autre que recevaient les professeurs germanistes et les élèves du lycée Lumière de Luxeuil à l'occasion du festival de littérature contemporaine : Les petites fugues, organisé par le Centre Régional du Livre de Franche-Comté, au cours d'une rencontre-discussion ouverte au public habitué des bibliothèques et aux membres du Café Littéraire luxovien. Hans Arnfrid Astel, poète, né en 1933, vit actuellement à Sarrebrück. Parallèlement à son activité d'écriture, il était durant sa vie professionnelle animateur radio d'émissions littéraires, ce qui lui assurait sa subsistance, puisque de la poésie on ne vit pas. Dans ses poèmes, il essaie de mettre à jour ce qui ne peut se dire, ce qui est de l'ordre des sensations, par le biais des objets, des animaux, des choses... Il aurait aimé être violoniste. Thorsten Becker, fier à juste titre d'être l'auteur d'un des quatre romans annuels traduits de l'allemand que fait paraître Gallimard, est beaucoup plus jeune. Né à Frankfurt après guerre, il ne semble pas avoir dépassé le lourd héritage du passé qui concerne tout Allemand: "Die deutsche Vergangenheit". Cette souffrance, il la fait passer avec ironie dans ses romans. Et pour ce que nous avons pu voir du personnage, dans la vie, il est plein d'humour. Quel
conseil donne-t-il aux jeunes lycéens qui voudraient devenir
écrivains? Arnfrid Astel rétorque au contraire que lui ne peut écrire sur commande, qu'il ne le fait que si l'inspiration est là. Malheureusement, celle-ci vient souvent au mauvais moment ! Ainsi lorsque, homme de radio, il présentait ses émissions, ou maintenant en pleine prestation par exemple ! Rien d'étonnant donc, à ce que leurs idées ne soient pas tout à fait les mêmes sur l'Allemagne et la réunification, sur les échanges franco-allemands en matière de littérature, et qu'ils aient haussé le ton lorsque le sujet fut abordé. Avouant ensuite lorsqu'on leur a demandé s'ils polémiquaient par jeu, pour le spectacle, que tout ceci était du théâtre. Thorsten Becker d'ailleurs, aurait voulu être metteur en scène, il a, outre ses romans, écrit des pièces hélas non montées. Au final, une rencontre franco-allemande fort intéressante que l'on peut qualifier d'événement, avec des auteurs dont l'un Thorsten Becker parle et comprend bien le français, et l'autre Hans Arnfrid Astel qui, s'il le comprend un peu lorsqu'il est articulé lentement, ne le parle pas. Souhaitant tous deux que leur langue ne se perde pas comme elle semble en voie de le faire.
Adéla, 7 novembre 2003: Le thème du festival de
littérature contemporaine : Les Petites fugues organisé par le
CRLFC cette année 2003 est sur le thème du temps : L'Écriture du
Temps, le Temps de l'écriture.
Les élèves : Nous avons
apprécié les deux journées du 7 et du 18 novembre 2003 en compagnie des
écrivains: |
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