Le Café Littéraire luxovien/Lectures Prix Chronos Depuis sa création en 1996, le Prix Chronos s'attache à faire réfléchir les jurés, et en particulier les jeunes jurés, sur le parcours de vie et la valeur de tous les temps de la vie, les souvenirs, les relations entre les générations, la vieillesse et la mort, les secrets de famille ainsi que la transmission des savoirs. Le but est de mieux se connaître entre générations pour mieux vivre ensemble. Les lecteurs du Café littéraire luxovien et de la Bibliothèque municipale de Luxeuil participent à ce prix en lisant les ouvrages en lice dans la catégorie classes de 3ème et 4ème proposés aux élèves de la classe de 1ère ASSP (Accompagnement Services et Soins à la Personne) du Lycée Lumière de Luxeuil par leur professeur et documentaliste, élèves avec lesquels ils échangent lors de rencontres intergénérationnelles.
Prix Chronos 2023 À
l'occasion du Prix Chronos de littérature, possibilité de faire
partie du jury et rencontre intergénérationnelle entre lecteurs âgés
et adolescents du lycée Lumière de Luxeuil, autour de 3 des 4 romans proposés
cette année au prix dans
la catégorie classes de 3ème et 4ème : ― La vie en rose de Wil, de Susin NIELSEN (éd. Hélium 2021) ― Eden, fille de personne, de Marie COLOT (éd. Actes Sud junior 2021) et
de la reprise de :
► Lien vers le site du lycée Lumière relatant la rencontre intergénérationnelle avec texte et photo.
Djoliba,
la vengeance aux masques d'ivoire, de Gaël BORDET
(éd. Hélium / Actes Sud 2021) L'auteur,
Gaël Bordet, né en 1975, connaît bien le continent africain où il a
vécu ses dix premières années, d'abord en Côte d'Ivoire puis au Sénégal.
Il en a exploré la diversité des traits culturels, les contrastes, les
imaginaires et les formes d'expression artistiques les plus variées,
ainsi que la
pharmacopée traditionnelle de l'Afrique de l'Ouest dont était spécialiste
son grand-père. Il
situe ce roman qu'il irrigue de son cheminement, en 1327, au Royaume du
Mali ancien où coule le fleuve Djoliba (nom vernaculaire du
Niger). S'y
côtoient les superstitions, les croyances magiques ancestrales aux génies
des eaux, de la nature, de l'harmonie des deux mondes, etc., celles
apportées par les Egyptiens, celles musulmanes de leur roi des rois, le
mansa, et celles chrétiennes venues des pays du Grand-Nord. La
tradition orale y est de mise, qui ne doit pas être écrite, les signes
écrits étant considérés comme maléfiques, les secrets des génies
ne devant
pas être divulgués. C'est pour avoir enfreint cette loi, afin qu'ils soient
tracés sur parchemin, que le Djéli (maître de la parole du roi)
est retrouvé assassiné son visage recouvert d'un masque d'ivoire.
Vengeance des génies? Explication à laquelle n'adhère pas Chenouda, étranger égyptien
incrédule devant les mystères du monde invisible qui ne croit pas aux
génies. S'en suit une enquête mouvementée menée par plusieurs personnages: Le
jeune Tiamballé, fils de pêcheurs, boiteux de naissance qu'a pris
sous son aile l'érudit au savoir sans limite, Chenouda. Chenouda dont
la fille Sirine a pour mère une femme qu'il a rencontrée lors de ses
voyages en Carélie. La famille de celle-ci vivait à Venise et croyait
aux miracles et aux lieux touchés par la grâce plutôt qu'aux
croyances magiques. Le
roman ―
riche mais d'une lecture par moment fastidieuse pour le lecteur ―,
entre cérémonies et transes de guérison ou
d'initiations, illusions, rêves et hallucinations, découvertes
de personnages assassinés dont le visage est recouvert d'un masque
d'ivoire, et enquête menée, met en scène de nombreux personnages et
est truffé de noms de lieux, d'êtres réels ou génies divers,
d'objets ou autres entités... qu'un lexique explicite en fin d'ouvrage.
Lexique par ailleurs très instructif. Trois
personnages répondent au critère du prix Chronos pour leur rôle de
transmission : Chenouda l'étranger égyptien qui devient le maître de
Tiamballé; Tounkou, la vieille Reine-sorcière et guérisseuse; ainsi
que le vieil aveugle Wayé-l'Oublié (toujours présent pour aider avec
son âne...). Le jeune Tiamballé, narrateur de sa propre histoire, est destiné à devenir Djéli et à transmettre la tradition orale et le récit de cette enquête. Depuis son initiation et sa vision il est appelé "Porteur-des-paroles-nues". Sirine s'exprime aussi, mais seulement lorsqu'elle est renarde dans ses rêves ou ses hallucinations... qui se révèlent toujours prémonitoires.
La
vie en rose de Wil, de Susin NIELSEN (éd.
Hélium 2021) Même
si du point de vue "intellectuel", le roman n'est pas
"instructif", le récit en est plaisant de Wil, garçon
gentil mais pas très sûr de lui et qui ne se plaît pas physiquement
non plus. Au
lycée, une brute beau gosse lui fait des misères. Heureusement Wil
s'est fait des amis: Sal, son voisin, vieux monsieur veuf de 85 ans;
Templeton, chien borgne court sur pattes avec une oreille en moins dont personne ne voulait et
que Will a adopté pour lui épargner
l'euthanasie au chenil; et Alex, un copain du lycée qui compose de la
musique. Mais
qui sont ses Mapas ? Ce sont ses deux mamans homosexuelles. Wil ayant été
conçu par l'insémination artificielle de l'une d'elles. Nous sommes au
XXIème siècle où être homo n'est plus une tare. L'homosexualité est
vécue ici en toute simplicité, comme une chose normale. Alex
d'ailleurs l'est également et est en couple avec Fabrizio, ―
dont
Wil est jaloux, ce dernier lui accaparant un peu
trop à son goût son ami Alex. Wil
narre comment Sal, Alex et Fabrizio
l'aideront à prendre confiance en lui, grâce à un programme de
développement personnel qu'ils lui feront suivre, suite à une d'une déception
amoureuse.
Il est en effet amoureux de sa correspondante française venue lors
d'un échange scolaire à Toronto au Canada où se passe le roman. Mais
celle-ci, surnommée Charlie, diminutif de Charlotte, si elle estime et
aime beaucoup Wil pour ses qualités intérieures, cela ne va pas au delà
d'une grande amitié. Wil
nous fait un récit plein d'humour et de dérision où il ne se ménage
pas. Ce qui en rend la lecture facile, en fait une agréable détente. Le
roman a tout de même son moment émouvant lorsque Wil perd son vieil
ami Sal, victime d'un infarctus; et qu'il parcourt la lettre que
celui-ci lui avait écrite, à lire post-mortem... Ce en quoi l'ouvrage
répond aux critères de la sélection au prix Chronos, transmission et
rapports intergénérationnels. Si Sal a aidé Wil à grandir,
l'échange fut réciproque, car le petit Wil par sa présence et son
insistance a aidé Sal à surmonter le décès d'Irma son épouse très
aimée. Au final Wil se retrouvera à partager sa peine et trouver consolation auprès de Mitzi, sa collègue de la sandwicherie qui elle aussi a perdu son ami: en l'occurrence, sa tortue Franklin.
Eden,
fille de personne, Marie COLOT
(éd. Actes Sud junior 2021 Ça a été une bonne surprise de le lire. Au début j'ai pensé que c'était une bluette... mais on aborde des sujets graves!
lecture
par Marie-Françoise : Des
trois romans série 3è-4è proposés par leur professeur en lecture aux
élèves du lycée Lumière de luxeuil à l'occasion du prix Chronos
2023, c'est mon préféré. Comme
pour les trois, on y suit le récit d'un jeune mal dans sa peau, que les
échanges avec un (ou des) adultes privilégiés, et des amis, fera évoluer.
Et réciproquement. L'écriture,
et donc la lecture, n'en est pas laborieuse comme me l'avait parue celle
de Djoliba,
la vendeance aux masques d'ivoire.
Le thème n'en est pas simpliste comme dans La
Vie en rose de Wil,
même si le récit de Wil est plaisant grâce à son humour et offre une
agréable détente. Ici,
on se sent d'emblée dans l'écriture d'un vrai écrivain. C'est une
oeuvre bouleversante qui, à mon sens, s'adresse aussi bien aux adultes
qu'aux lecteurs de la collection junior où elle est parue. Eden,
ado américaine, raconte à la première personne, et souvent avec rage,
son présent, avec des retours sur son passé douloureux qui nous éclairent
peu à peu. Je
ne ferai pas le résumé du récit d'Eden, parce qu'il faut absolument
le lire à mesure. Je dévoilerai juste que ces "abandons"
successifs l'ont profondément blessée. Le dernier surtout à la suite
de la noyade accidentelle d'Ashley, sa "petite soeur" d'alors,
dont on l'a dite, et dont elle s'est cru responsable. Je
ne dévoilerai pas non plus comment se passe sa vie au foyer de L'Amarrage
qui cherche à la faire réadopter par une énième famille avant sa
majorité, et pour cela il faut qu'elle se présente sous son bon jour
aux Knight, couple de la cinquantaine passée. Eden a seize ans et réclame
qu'on lui accorde son "autonomie". L'obtiendra-t-elle? Je ne dévoilerai
pas comment elle a créé des liens avec Clyde et Damon, amis auxquels
elle s'est s'attachée tout de même, mais qui partent eux aussi... Je
dirai tout de même son amour pour les animaux. Les vidéos d'eux
qu'elle aime regarder. Son job de bénévole au Vivier,
refuge où ils sont encagés en attendant de leur trouver à eux aussi
une famille d'accueil. Parce que cet amour-là sera le levier qui
l'aidera à ne plus se sentir seule, à enfin se confier, se débloquer... Enfin,
je citerai
simplement cet extrait : La porte [du bus] s'est refermée sur les mots que je n'avais pas prononcés. Derrière la vitre ruisselante, Damon m'a envoyé un baiser du bout des doigts. Et il a disparu de ma vue. Pas de ma vie. Il m'avait appris que les cicatrices qu'on s'obstine à cacher sont visibles à l'oeil nu, que plus on tait nos peines, plus elles prennent de la place, et qu'à force de reporter la vérité à plus tard, on se gâche le présent. J'en avais marre de ce gaspillage. De ces histoires qui ne restaient que des débuts. Si la fuite avait réussi à Clyde, mon challenge à moi, était ici.
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