Le Café Littéraire / Le Temps de la lecture, se mettre en décalage horaire avec Denis Grozdanovitch * |
Les poètes : ces êtres qui n'ont rien de mieux à faire à trois
heures et demie de l'après-midi que de noter leurs précieuses
émotions dans de petits carnets, tout en buvant du thé, la tête
perdue dans les nuages, et à qui les chats tiennent compagnie !... Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti
Et la même attente interminable, d'une patience infinie, reprenait son
cours. On eût dit qu'ils réussissaient à ralentir le flux des heures
jusqu'à un état limite de frêle équilibre : une minuscule flamme
d'attention maintenue à la pointe du présent !... Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti
Combien de fois n'ai-je pas ressenti, au tennis, non seulement au cours
des interminables entraînements (…) - nous renvoyant infatigablement
la balle de part et d'autre du filet pour perfectionner un geste - mais
aussi au long d'un match disputé ou les échanges n'en finissaient plus,
une sorte de légère transe hypnotique (…) Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti
Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti
Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti
Dans les moments de bonheur complet, l'effort d'écrire m'est proprement
impossible. J'aurais trop peur de rompre le fragile équilibre. Je me
laisse alors balancer par les vagues de la vie comme il y a quelques
instants encore, me baignant, je me laissais balancer avec délices par
les vagues de l'Adriatique qui, d'ailleurs, pendant que j'écris ces
lignes (ce à quoi je me suis résolu tout de même) tentent encore de
m'entraîner vers la bienheureuse somnolence sans pensées de leur litanie
répétitive. Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti Dans le silence pesant de l'après-midi surchauffée, avec le soleil immobile à l'aplomb de nos têtes et ce paysan aveyronnais solitaire dont la plupart des mots patois nous étaient incompréhensibles, la conversation n'allait pas fort… mais la sensation de glisser dans une faille du temps, profonde et envoûtante. Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti
Plus nous circulions rapidement et facilement d'un endroit à un autre,
moins nous éprouvions la joie de nous déplacer ; plus étrange encore :
à mesure que nous tentions de faciliter nos déplacements, cherchant à
en résorber les ultimes inconvénients, ces derniers semblaient au
contraire se multiplier d'eux-mêmes, nous entraînant dans un maelström
d'agitation fiévreuse... Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti
... cet ostracisme dont étaient frappés les sceptiques et les incrédules au dogme du futur triomphant, les obligeait vraisemblablement à se regrouper en une sorte de confrérie qui pourrait s'intituler, par exemple : " Les Compagnons de l'Inutile ", ou " Le Club des Amis du Temps Perdu ". Une confrérie de doux illuminés gentiment ridicules, inefficaces et désuets, qui continueraient à prendre le temps comme il se présente ou à vaquer à leurs occupations en toute insouciance, à cultiver des pratiques désormais insolites telles que le vague à l'âme, la flânerie, la lecture, ou encore l'art subtil et tactique de la promenade solitaire et sans but… Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti
Mélancolie dont la seule consolation, dans les intermittences de sa tâche, sera de jouer rétrospectivement des aspects les plus riants de cette existence que sa sensibilité exacerbée l'aura toujours empêché de savourer dans l'instant. Bonheur rétrospectif dont il (Marcel Proust) aménagera une fresque prodigieuse et inoubliable, mais dont il extraira, en revanche, une théorie métaphysico-philosophique plutôt douteuse. Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti
Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti
Seul, assis à une table près de la fenêtre qui ouvrait sur le parc, dans le haute salle aux murs tapissés de livres dont les reliures rouges et vertes, à tranches dorées, irradiaient faiblement dans la demi-pénombre, au long des heures qui s'égrenaient au carillon de la grosse horloge au-dessus de la porte d'entrée, je creusais avec une patience d'insecte mon petit tunnel dans l'épaisse couche de passé qui avait enseveli ce mort éloquent. Denis
Grozdanovitch, Rêveurs et nageurs, éd José Corti
Quel mystère insondable à vrai dire que celui qui lie ainsi deux êtres dans le provisoire si bref du temps infini ! Tous les amants enfouis dans les lointains du passé dont les tendres liens se sont volatilisés, dissous à jamais dans les marées éternelles du devenir ! Tous ces squelettes vides reposant dans la terre humide de cet automne présent, abandonnés à l'incommensurable oubli et dans l'exacte position où, cette nuit même, dans ce lit douillet, Judith et Denis - allongés côte à côte, tels les gisants des nefs des vieilles églises - glissent dans leur embarcation légère à la surface du Léthé !... Denis
Grozdanovitch, Rêveurs et nageurs, éd José Corti
Près d'un de hublots du gigantesque 747, je contemplais - rompue seulement parfois par le minuscule point plus sombre de ce qui ne pouvait être qu'un cargo solitaire - l'infinie monotonie des flots gris contre laquelle, à vrai dire, la cataclysmique puissance des énormes réacteurs semblait ne pas être en mesure de lutter. L'impression, en dépit des mille kilomètres à l'heure affichés sur l'écran de la petite télévision encastrés dans le dos du siège devant moi, demeurait celle d'être pris au piège d'un sortilège paralysant. Denis
Grozdanovitch, Rêveurs et nageurs, éd José Corti |
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