Le Café
Littéraire luxovien/
L'oisiveté, la paresse |
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Depuis qu'il avait appris par Rafik que dans certains pays des hommes se levaient à 4 heures du matin pour aller travailler dans les mines, Serag avait essayé d'en faire autant. Il avait découvert dans une armoire un réveille-matin hors d'usage, et l'avait réparé avec l'intention de s'en servir. (...) Le premier jour, la sonnerie du réveil faillit provoquer un esclandre (...). Serag n'était pas habitué à cette rupture violente du sommeil; il avait laissé le réveil sonner interminablement. Il se croyait en plein cauchemar. Ce jour-là, il se sentit des aptitudes pour une activité étonnante. Mais quelques instants plus tard, ne sachant que faire, il se rendormit. Albert Cossery, Les Fainéants de la vallée fertile.
C'est l'histoire d'une maladie d'âme que Gontcharoff est le premier à diagnostiquer. Lermontoff a décrit le Sturm und Drang russe dans Un héros de notre temps, Pouchkine dans Eugène Onéguine, Tourgueneff dans Roudine. Mais, dépouillant son héros du costume romantique, Gontcharoff découvre le cancer qui dévore l'être et en fait un éternel infirme: paresse, inertie profonde, congénitale, impossibilité de transmuer le rêve en réalité, de s'arracher au plus attrayant mirage. C'est la grande apathie russe – "l'Oblomovstchina". Hélène Iswolsky, Préface à Oblomov (de Gontcharov).
BOSWELL
: L'oisiveté engendre l'ennui.
L'oisiveté
(...) ne consiste pas à ne rien faire, mais à faire beaucoup de ce qui
n'est pas reconnu dans les formulaires dogmatiques de la classe
dirigeante. Robert-Louis Stevenson, Apologie des oisifs.
Ainsi dans tout ce temps de mon enfance que l'on n'appréhendait pas tant pour moi que celui de la jeunesse où j'entrai depuis, je n'avais point d'affection pour l'étude des lettres humaines, et avais une aversion étrange de la sévérité avec laquelle on me pressait de m'y appliquer. Mais on ne s'arrêtait pas à mon inclination et à ma mollesse, et l'on me pressait toujours: de sorte que l'on me faisait du bien sans que néanmoins je fisse bien, puisque l'éloignement que j'avais de tout travail m'eût empêché de rien apprendre si l'on ne m'y eût contraint, et que nul ne fait bien une action, quoique bonne, s'il ne la fait volontairement. Saint Augustin, Confessions.
Dans
ses Nuits de Paris, Restif de La Bretonne invective cette engeance
d'inactifs, apparemment plus nombreuse à son époque qu'à la nôtre et
qu'il nomme les " tueurs de temps ". Il décrit longuement ce
qu'il considère comme une déchéance et leur prescrit le travail en tant
que roboratif, en tant qu'antidote à ce qu'il croit être leur mal de
vivre. Cela dit, Restif, qui avait, soulignons-le, pas mal de raisons de
prêcher la morale conventionnelle afin de faire oublier sa conduite
libertine, n'aurait certainement pas pu imaginer, au temps de la
Révolution française à laquelle il assista en spectateur et qu'il nous
a décrite, que viendrait jamais une époque semblable à la nôtre; une
époque où, comme le dit excellemment Julien Gracq (quelque part dans ses
Lettrines), il y aurait tant de bras et de volontés tendus vers le
bouleversement et la transformation du monde, et si peu de regards pour sa
simple contemplation, qu'on en arriverait à décréter quelque chose
comme " l'éminente dignité des paresseux ". Denis
Grozdanovitch, Petit traité de désinvolture, éd José Corti
Si
déracinant de son coeur le vice qui la domine et avilit sa nature, la
classe ouvrière se levait dans sa force terrible, non pour réclamer les Droits
de l'homme, qui ne sont que les droits de l'exploitation capitaliste,
non pour réclamer le Droit au travail qui n'est que le droit à la
misère, mais pour forger une loi d'airain, défendant à tout homme de
travailler plus de trois heures par jour, la Terre, la vieille Terre,
frémissant d'allégresse, sentirait bondir en elle un nouvel univers...
Mais comment demander à un prolétariat corrompu par la morale
capitaliste une résolution virile? Paul Lafargue, Le Droit à la paresse.
Ô
charme du néant follement attifé Marcel Proust, Contre Sainte-Beuve (Chapitre: Sainte Beuve et Baudelaire)
Que
c'est embêtant d'écrire! Jules Renard, L'Ecornifleur.
Je crois bien que je suis en ce moment comme Marcel Proust (1871-1722) qui faisait de l'art et des fumigations, allongé dans la pénombre de sa chambre aux murs capitonnés de liège en cherchant vainement à retrouver son souffle, mais moi aucun éditeur n'attend pour vite l'imprimer mon petit poème qui n'est pas encore écrit et cela, qu'on le veuille ou non, creuse quand même entre nous un écart considérable, surtout côté moral des troupes. J'en viens à penser qu'il est plutôt benêt de vouloir consoler à tout prix l'âme en peine d'un hypothétique lecteur de décembre quand on est soi-même soumis aux tribulations de l'enfer, en pleine fournaise de juillet, et que plus subtil serait d'arrêter là illico et d'aller fatiguer une fillette de rosé sous la charmille, – peinard! Pierre Autin-Grenier, Je ne suis pas un héros.
Je
rappelais à moi cet après-midi, pendant un brin de sieste, toute la
beauté du monde. En dépit de ses cruautés, de ses souffrances et de l'imperfection
humaine. Et malgré la douleur de ne pouvoir jamais ! l'embrasser
tout entière. L'infini bonheur d'être assis sous un arbre et de laisser
les yeux s'emplir, inlassablement, de cette beauté, Francois-René
Daillie, Le Ciel sur la colline.
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