Le Café Littéraire / Passé, présent, futur : entre destinée et projet avec Guy Goffette. |
Cependant
qu'en l'école fraîchement repeinte Guy
Goffette, La vie promise
Si tu
viens pour rester, dit-elle, ne parle pas. Ne parle
pas encore. Écoute ce qui fut sur mes
os. Reste sans paroles : il n'y a rien le chien
crier son nom dans la nuit, la portière Guy
Goffette, La vie promise
… à
deux pas du jardin là où
ce qui n'a pas de regard s'étiole où donc étais-je, là-bas, si je n'ai pas dansé ? Guy Goffette, La vie promise
… et
protège tout un chœur de troènes d'une
tondeuse à gazon. On croit entendre comme si
déjà Ulysse, notre voisin et fermé l'horizon. Guy Goffette, La vie promise
C'est la
route qu'on n'a pas prise dans un
sac au fond de quelle chambre obscure de
montagne ou d'enfance et beaucoup … Guy Goffette, La vie promise
… du
papier : la vérité vraie et la vivante vie. Guy Goffette, La vie promise
(Rondissimo) S'il
tangue un peu par grands vents, ce deuxième Guy
Goffette, Un manteau de fortune
… du
monde, toi mon double mon … Guy
Goffette, Un manteau de fortune
J'ai mis
pour mon amour ma robe la plus blanche mais il
montait tout droit avec la tête ailleurs Guy
Goffette, Un manteau de fortune
Il y a tellement de choses que les enfants ne peuvent comprendre, sous peine de souffrir beaucoup, et qu'ils comprennent sans rien dire ; tellement de choses qu'il convient de préserver dans leur enveloppe de brouillard, de mystère et qu'ils enfouissent en eux, quitte à porter jusqu'au bout le poids écrasant du secret inviolé, et le désir de sa révélation. Guy Goffette, Verlaine d'ardoise et de pluie
Le sang est le chemin le plus sûr des fantômes ivrognes. Il court la nuit sans qu'on l'entende et fait chavirer les rêves. Il court avec la pluie dans les grands bois pleins de loups noirs. Il monte dans l'absinthe qui est verte comme les pâturages perdus et comme l'enfance qui se brise contre les murs des villes ; il pleure et cogne et cogne aux tempes du gisant qui frissonne. Guy Goffette, Verlaine d'ardoise et de pluie
Paul n'a jamais rien su de ses origines, de la noblesse bâtarde de sa race et qu'il pût descendre, par Dieu sait quel détour, de Guillaume le Conquérant, rien de moins ; qu'il avait eu des armes, un blason : de gueules à deux léopards d'argent l'un sur l'autre, armés de couronnes d'or. Qu'un Gilles de Verlaine ayant cheval et terres de seigneurie, s'était fait, au grand dam des siens et des manants, " grand marchand de beuffs et mouttons en touttes les foires et marchiéz " ; qu'un Jean Verlaine avait été roulier du chemin neuf ; que, partout et toujours, insoucieux de leur rang, plus férus de liberté que de titres, ils avaient tout perdu en chemin ; les Pierre, Jean, colla, André-Joseph, Henri de Verlaine, tous plus ou moins cultivateurs, maquignons, menteurs, tricheurs, illustres dans la magouille, l'escroquerie et le vagabondage ; tous, à qui mieux mieux, coquins fieffés et francs buveurs, prompts à la bagarre et rebelles aux lois. Guy Goffette, Verlaine d'ardoise et de pluie
Au
crépuscule, quelque chose d'interlope, quand la brume descend, le retient
plus longtemps dans le clos de tante Louise. C'est une traînée de gris qui
confond les prés et les toits, les rivières et les routes. C'est le ciel
comme une mare, et tous ses reflets qui vont dansant. Guy Goffette, Verlaine d'ardoise et de pluie
À
quarante et un ans, Verlaine est dans la force de l'âge. Rôdeur vanné à l'œil
fané, / tout plein d'un désir satané, il aime l'amour, mais dans l'oubli
charmant de toutes pudeurs et que le plaisir rie. La paillardise, c'est du
bonheur qui se déguste en apache, n'en déplaise aux bigotes. Alors, belle
rouquine, aime-moi donc mieux / que tous ces jeunes et ces vieux / qui ne
savent pas la manière, / moi qui suis dans ton mouvement, / moi qui connais
le boniment / et te voue une cour plénière! Guy Goffette, Verlaine d'ardoise et de pluie
Pour un peintre amoureux de la vie comme Bonnard, il n'y a rien qui sous-tende et fasse davantage exulter les couleurs que le noir, de même qu'un poète n'atteint sa parole la plus lumineuse que nourri de ténèbres. Guy Goffette, Elle, par bonheur, et toujours nue
Le
regard fixe, indifférent à son visiteur, il ne fait que marmonner : Marthe,
Marthe. Votre nom, Marthe, votre nom seulement, comme s'il vous avait perdue,
et Thadée croira pendant un moment qu'un malheur est effectivement arrivé.
Alors que vous dormiez dans la chambre à côté, dormiez enfin après une
nuit terrible où Pierre, à votre chevet, vous avait tenu la main. Guy Goffette, Elle, par bonheur, et toujours nue
On ne
sait pas ce qu'on peint, ce qu'on écrit. On n'en connaît pas le secret
d'avance. On se fie aux couleurs, aux lignes, aux mots, mais ce qu'on veut
faire reste caché. Ce n'est que bien plus tard que le sens tout à coup
apparaît. Guy Goffette, Elle, par bonheur, et toujours nue
Car il est dans l'ordre des rêves que l'homme sauve la femme, on ne sait trop de quel danger. Peut-être de la bête qui dort en lui. Peut-être du vide qui le menace et du temps qui lui pèse comme les générations. Peut-être plus simplement, d'elle-même, du mensonge de la beauté, de son carcan. Afin que, disposant de son corps dans l'étreinte, elle puisse sauver l'homme de la mélancolie et de la mort et lui rendre avec la mer le sel inépuisable de l'amour. Guy Goffette, Elle, par bonheur, et toujours nue
Pour
moi, les soirs d'enfance à la campagne ont souvent ressemblé à des couchers
de soleil sur de la neige, des couchers tristes et brutaux qui consistaient
non seulement à jeter en plein hiver un corps tiède dans des draps glacés,
mais encore à souffrir en guise de dessert, de bonsoir, de câlin maternel ou
de lecture, une de ces expressions chères à mon père, et qu'il m'appliquait
comme une gifle : " Allez, ouste, le cul dans la soie ! " Guy Goffette, Une enfance lingère
À force
de me pencher sur l'eau, ce qui devait arriver arriva : je tombai dans le
bassin. Le froid me saisit d'autant plus fort que la chaleur extérieure
était caniculaire. Guy Goffette, Une enfance lingère
Au vrai, c'est à confesse que le goût du péché m'est venu. L'annoncer comme ça, crûment, me fait un drôle d'effet, parce qu'il faut toujours - maman ne cessait de le rappeler à Simon - avoir un dégoût sincère du mal qu'on fait et que j'ai l'air, moi, de m'en réjouir comme d'une bonne blague. Guy Goffette, Une enfance lingère
Une seule fois, j'avais plongé mes mains de gosse dans le large tiroir de la commode où ma mère rangeait ses bas. Rangeait n'est pas le terme qui convient pour le désordre qui régnait là-dedans, mais c'est le premier qui me vient et c'est le seul du reste que ma mère employait pour désigner son activité journalière : elle rangeait, rangeait, rangeait du matin au soir, et moi, naturellement, je ne pouvais être que celui qui dérangeait. C'est d'ailleurs ainsi que je me sentais à la maison la plupart du temps : quelqu'un qui dérange. Passons. Guy Goffette, Une enfance lingère
Il y a belle lurette de cela hélas, et rien n'a changé : les si sont des bouteilles où la mer n'entre jamais, et comme le bleu monte au ciel, le vert à l'herbe et le rouge au front, la rose a fané, la jeune fille aux jambes nues, un autre l'a aimée, et c'est à peine si je peux revoir encore cet enfant de onze ans sous le masque du vieillard que je suis devenu, moi qui vit à présent retranché du monde dans une caravane à moitié enterrée à la lisière de la forêt, un bas de femme autour du cou, mort ou tout comme, et qui n'attends plus rien. Guy Goffette, Un été autour du cou
Pour l'heure, j'ai, pardon, Simon a onze ans, il attend la fin de la tempête paternelle, il pleure tant qu'il peut, et le mot partir comme un caillou dans la poche seul le soulage. Partir, oui, mais la mer est toujours plus loin que les larmes et tout s'apaise avant qu'on ait mis son manteau. N'empêche, il reste au fond des yeux quelque chose comme du sel - rage ou désir - qui tient la barque à flot et l'avenir ouvert comme un matin de Pâques dans l'herbe bleue du jardin. Guy Goffette, Un été autour du cou
Le Haut-Mal est un lieu-dit, mal dit sans doute, maudit peut-être, une colline chauve égarée parmi les mamelons verdoyants qui ceinturent le village. Buissons rares, épineux, chardons, toute une barbarie pour éloigner le touriste, une terre acariâtre que le couchant seul fait sourire. Ni moutons ni vaches. Mais à flanc de coteau, comme une cocarde, une maisonnette du genre chalet suisse, à crépi rose et contrevents d'un vert criard, qu'une espèce de jardin en terrasse, hirsute, prolonge : le domaine de la Monette. Guy Goffette, Un été autour du cou
On voit bien que monsieur le curé se trompe, qu'il ignore les bienfaits du péché : il est tout gris. L'état de grâce, ça ne doit pas être du gâteau tous les jours. Lui aussi aurait besoin d'un bon bain chez la Monette. Aujourd'hui encore, il a menacé de l'enfer tous ceux qui enfreindraient le sixième commandement. Guy Goffette, Un été autour du cou |
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