Le Café Littéraire / À contretemps... au fil des mots, avec Christelle Ravey |
Le rêve nous sauve des manques et des non-lieux qui peuplent nos vies, c'est vrai. Mais en les comblant, il les projette sur nos murs en cinéma géant. Immenses, démesurés, du très grand spectacle. Sans qu'on puisse jamais quitter la salle. Amours en fugue
Amours en fugue …le désir qui ne s'éteint pas de sa propre lassitude, ou de sa propre consumation dans les années qui passent à s'aimer, ce désir-là ne meurt jamais. Et si la vieillesse a raison de sa nature première, elle ne peut rien contre le rêve obsédant qu'il devient. Amours en fugue Le charme de la vie moderne, c'est que vivre en couple n'est plus un besoin. Juste un confort, un plaisir. Du coup, à moins de trouver la relation idéale, bien bête qui s'encombrerait d'un conjoint qui lui gâche l'existence. Amours en fugue Il y a pire que la réalité, il y a le rêve qui prétend la transformer, qui rend présent de nouveau ce que l'on croit avoir enfoui, avec une telle violence, avec un tel éblouissement, que, dormant pourtant, on y plonge de toutes les forces de sa volonté. Le Tapisseau byzantin … si le paradis existe, il ne peut être autre chose que la disparition éternelle des souvenirs, l'oubli de toute absence. Le Tapisseau byzantin On arrive d'ailleurs, on amène dans ses bagages quelques fantômes de fortune, on leur donne bien fort la main pour faire les premiers pas dans cette ville inconnue, et quand on voudrait les avoir abandonnés là-bas, sur le quai du départ, ils restent fidèles au poste, anges gardiens de vos cauchemars, arbitres de vos regrets. Un port comme Marseille est peuplé de ces formes étrangères qui désertent à la nuit les quais des docks et les môles pour s'approcher des fenêtres éclairées. Et dans plusieurs dizaines d'années, les habitants de Marseille seront tous des héritiers de ces vagues à l'âme embarqués par erreur de mille ports oubliés. Le Tapisseau byzantin
Le Tapisseau byzantin Grâce aux feuilletons télévisés qui rythment la vie de Mamy Nette, Lucile sait depuis longtemps que le problème de la vie est d'être aimée ou de ne pas l'être. De couleur… mauve ―
Alors la vie, c'est un puzzle ? De couleur… mauve ―
Dis, qu'est-ce qui est glacé, rose et vert, et qui ressemble à un rêve
? demande Lucile qui pense à ses tableaux cosmiques favoris. De couleur… mauve Pendant qu'il s'attarde à nouveau devant de pâles marines, elle suit des yeux le vol d'une mouette qui survole les berges du fleuve et disparaît soudain vers les eaux boueuses de la Saône dans lesquelles Lyon semble avoir déversé toutes ses rancoeurs passées. Plus encore que le Rhône, la Saône semble lourde de secrets trop longtemps étouffés, de douleurs non partagées, de culpabilités non avouées. De couleur… mauve
Cette année, Boris aurait cent ans. Boris a dû retourner en Russie pour
y rejoindre la terre. L'homme dont le corps modela son empreinte à la
sienne, dont le plaisir dansa sur sa peau, dont les rêves et l'ambition
s'enchevêtraient à ses espoirs, cet homme ne brille plus dans aucun
firmament. Poussières d'étoile sont ses mains, années lumière son
regard. Cent ans comme une pluie de secondes contre la vitre de juillet.
Cent ans pour une certitude. Amours en fugue
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