Le Café Littéraire  luxovien/ ressentis... chez Fabienne Jacob

       

        Le CORPS est la dernière chose qui nous reste. Le corps est la première et la dernière chose, de la naissance à la mort on a le même. Il change pas quoi qu'on en dise...  (Corps /folio p 14)

        La perception que j'ai des CORPS est la mienne. Je n'ai que ça pour être au monde, je ne sais pas comment les autres existent et ce qu'ils perçoivent du monde.  (Corps /folio p 39 )

                                                                                                                    

         Qu'est-ce que la pudeur ? C'est cacher aux autres et à soi-même un corps qu'on
ne reconnaît pas comme sien.
(Mon âge /folio p 153)

 

        ... les bouches sont les endroits les plus scandaleux du corps humain et pourtant elles sont situées en plein milieu du visage au vu au su de tout le monde. (Mon âge /folio p 158)

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        Cette MAISON nous a élevées, Else et moi, au même titre que nos parents nos tantes et nos maîtresses. (Corps /folio p 48)

 

        La MAISON a façonné notre vision du monde. Comment font les autres enfants, ceux qui ont grandi dans des appartements en ville, comment le monde s'est dessiné plus tard autour d'eux s'ils n'ont pas eu de maison avec cave, rez-de-chaussée, étage, grenier, cour. (Corps )

   

        Le corridor était long et noir. Liv n'aimait pas les COULOIRS, elle pensait que les mauvaises nouvelles arrivaient toujours par là, depuis que l'infirmière lui avait annoncé que Biwi était morte  (Les séances p 105)

 

        Je n'ai jamais aimé les COULOIRS, ils m'ont toujours fait peur, c'est quoi au juste la fonction des couloirs, leur inutilité peut-être. C'est normal, m'a dit mon ami (...) le mort passe toujours par les couloirs. (Mon âge /folio p 128)

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        On voit tout de suite à la démarche de quelqu'un s'il a le monde à ses pieds ou pas. (Corps /folio p 54)

 

        Toute ma vie j’attendrai Jan, des êtres comme lui qui mâchonnent quelque chose, qui plissent les yeux et qui pensent plus qu'ils ne parlent. Ils ne sont aux pieds de personne. Des solitaires, des orgueilleux. Ils n'ont besoin de personne ils ne vous appartiennent jamais vraiment, ils ne sont jamais tout à fait avec vous, une part de leur être est irréductible. (Corps /folio p 56 )

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        d'où vient le fourmillement aux femmes, ça commence très tôt sous leurs chemises de nuit déjà, celles de l'enfance. (.....) Les pyjamas sont des voleurs d'enfance (Les séances p112-113)

 

            Tel est le désir secret de toute jeune fille de dix-sept ans. Pourvu qu'il m'attrape, c'est une ronde ancienne, médiévale, une comptine. Tout le monde la connaît. Depuis la nuit des temps que ça dure CETTE HISTOIRE DE GARÇONS ET DE FILLES. (Corps /folio p 79)

 

        au restaurant, Grâce et Jacques, et dans l'aquarium l'anguille assoupie qui semble ATTENDRE depuis la nuit des temps. (Corps /folio p85)                                                                              

 

            On n'oubliait jamais la première fois et après on passait sa vie à ATTENDRE que ça revienne. (Corps /folio p 118)

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        Ma saison préférée pour regarder par la FENÊTRE est l'hiver. Le vrai, celui de la NEIGE (...) C'est la saison des oranges et des histoires. (Corps /folio p 53)

 

        un endroit qui bruissait de secrets murmurés à l'oreille et de projets d'avenir fumeux, ce qu'elles allaient devenir quand elles seraient grandes, qui elles allaient aimer, quels pays, quel métier, quel tube de l'été. (Les séances p 114)

 

        L'enfance est la grande matrice. (...) Ce qui MANQUE aux petites filles se transforme plus tard en désir, il leur faut manquer pour désirer. Celles qui n'ont manqué de rien ne désireront rien. (Corps /folio p 137)

 

            Je préfère les femmes à qui il manque quelque chose, celles qui désirent à celles qui possèdent. J'aime mieux celles qui continuent d'attendre, qui continuent de palpiter (Corps /folio p 57)

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        À la naissance les bébés ont toujours les yeux bleus, la couleur de l'abysse, de l'insondable, la couleur illimitée des origines. Les bébés sont des êtres venus tout droit de l'origine, ce sont les seuls à pouvoir nous en apprendre sur le sujet. Ce qu'ils pensent du fond de leur solitude sans fin, on ne le saura jamais. Ils nous regardent intensément du fond de leur place originelle, dans leur œil la prunelle bleue prend presque toute la place, dans leur œil il n'y a pas de blanc mais leur pensée, elle, est encore comme blanche. Ils agitent leurs bras et leur pieds, que veulent-ils nous dire ? quels objets invisibles attrapent-ils ? Si on ne sait pas nommer les choses, alors que sont les choses? (L'averse)

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        L'enfant était l'objet de tous les désirs, de toutes les nostalgies. On voulait non seulement avoir, mais être un enfant. Être immature, irresponsable à vie. Mais ce qu'on convoitait par-dessus tout dans l'enfance, c'était l'immortalité qui lui était inhérente. (Les séances /folio p 50)

 

        Le besoin de se dupliquer, d'offrir à soi et au monde un autre humain à son image ne traverse pas Eva. Peut-être que ceux qui font des enfants ne se posent pas la question de la suite. (Les séances)

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        L'absence n'est-elle pas la plus grande des présences? (L'averse /Gallimard p 112)

 

        Un paradis qu'on ne perdrait jamais n'est pas un paradis. (Les séances p 87)

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            Je le sais maintenant, c'est au bord des RIVIÈRES qu'on est le plus heureux. Comme la plupart des gens, j'ai vécu presque toute une vie sans le savoir. Les parents devraient dire à leurs enfants Va le plus souvent que tu peux au bord des rivières. Aucun parent ne le dit jamais à aucun enfant, dommage. (Mon âge /folio p 101)

 

        des moments de risque dans la compagnie pourtant soyeuse et murmurante des RIVIÈRES, leur eau vive qui coule vers un secret connu d'elles seules. Les enfants aussi livrent au FRISSON vert du courant leurs cris d'Indiens et leurs jeunes corps tièdes.  ( Un homme aborde une femme  /Buchet-Chastel p 13)

 

        on est comme un FLEUVE qui va se jeter dans la mer, on ne peut faire autrement que d'aller se jeter vers l'estuaire, on est attiré, c'est plus fort que nous (Un homme aborde une femme  /Buchet-Chastel p 13)

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         Les noms on les connaissait par cœur, Ovaire, Trompe de Fallope, on était surtout impressionnées par Fallope et puis avec le temps, les noms et les images ont perdu leur pouvoir de SIDÉRATION. Leurs terribles syllabes avaient perdu de leur superbe, on les avait apprivoisées. (Corps /folio p 125)

         ... nulle LANGUE humaine ne pense en deçà de l'âge de raison. (L'averse /Gallimard p 15)

 

         Le français appris à l'école sort du cerveau, alors que la LANGUE maternelle jaillit du corps. (Mon âge /folio p 176)

         cette mue qu'opère le sens du MOT à partir de l'étymologie n'est pas si éloignée de la sienne propre depuis qu'elle a quitté son village natal pour suivre des études (Les séances /folio p 47)

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        De même que pour la température, il faudrait inventer le concept d'âge ressenti  (Mon âge /folio p 98)

 

         Les expériences les plus intéressantes d'une vie sont celles sans temporalité (Mon âge /folio p 164)

 

        La nuit, comme au cinéma, on perd son âge, on l'oublie. Quand on entre dans un rêve, un cinéma ou un autre corps, c'est vrai, on n'a plus d'âge. (Mon âge /folio p 166)

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        ce n'est pas dans la nature de cette femme d'être satisfaite de quoi que ce soit, encore moins d'elle-même. (Mon âge /folio p 17)

       

        Le mérite est une idée de vieux, une idée qui exige que l'on doive se baisser pour ramasser, alors que la terre est basse. (Mon âge /folio p 147)

 

        Personne ne devrait servir personne. (Mon âge /folio p 45)

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        Quand on y pense, se regarder dans un miroir est une opération impossible, être dans le même temps celui qui regarde et celui qui et regardé, mais qui est soi et qui est l'autre? (Mon âge /folio p 14)

        Aujourd'hui les gens vivent si vieux que beaucoup d'entre en eux passent
devant les miroirs sans se reconnaître. Mais après tout est-ce si important de se reconnaître ? Peut-être ceux qui ne se reconnaissent plus ont-ils d'autres satisfactions, d'autres bonheurs. Peut-être après tout le bonheur de se reconnaître n'est-il pas si grand qu'on veut bien le dire.
(Mon âge /folio p 183)

 

        Une photo gros plan du visage placide d'un homme d'une trentaine d'années occupe l'espace de l'écran, irradiant d'un sourire d'un type nouveau, propre au selfie. Un sourire qui ne s'adresse pas à l'autre, mais à soi, normal, dans ce genre de photo, celui qui est pris est aussi celui qui prend. Un rictus en circuit fermé, autiste, figé dans une sorte d'idiotie débonnaire. (Un homme aborde une femme)

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        Dès que je le vois à travers les carreaux, alors qu'il est encore loin, je me mets à avoir chaud, de petites bêtes me courent partout le long des bras et des jambes. (Corps /folio p 54)

 

        Les mots que tu me glissais dans le cou, de petites bêtes frémissantes qui me couraient ensuite le long des membres. Le beau mot de FRISSON, comment dit-on frisson dans ta langue ? qu'elle me demandait à tout bout de champ. (...) Ces mots que l'on dit tout bas. Dans le noir, à un millimètre du corps de l'autre. La langue nocturne des amants. Une telle langue n'existe que la nuit, elle ne survit pas au jour, au matin elle n'existe plus, elle retourne à son domaine des songes. (L'averse /Gallimard p 119)

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        le présent est le seul temps que personne ne vit jamais. (L'averse /Gallimard p 112)

 

        les gens ce dont ils ont le plus besoin, c'est de temps

        Mais le présent, ce qui advient là sous les yeux, il l'honore rarement parce que tout simplement il l'ignore. Il le laisse filer, alors que l'étymologie de Maintenant est éloquente, Manu tenere, ce qu'on tient dans la main. Or ce qu'on devrait tenir dans la main est ce qu'on ne cesse de laisser échapper. (Les séances p 48)

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        Les noms de ville qui s'égrènent sur le panneaux de l'autoroute Metz-Luxembourg.

Des noms autrefois glorieux qui portaient beau avec leur suffixes en Ange (..) quand on les prononçait ils faisaient voir les hauts-fourneaux qui turbinaient toute la sainte journée toute la saint nuit, la ville rougeoyait, elle bourdonnait, elle ne s'arrêtait jamais, un enfer ? Tout le contraire d'un paradis. (...) mais un jour la bête est devenue peau de chagrin, le festin avait eu une fin (...) les villes se sont tues (...) Les centre-villes ont été désertés, les centres se sont déportés vers la périphérie (...) Les usines se sont recyclées en musées de nostalgie (Les séances p 92)

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            La route qui va de ma maison à l'école longe le cimetière. Après l'épisode des cailloux. Je me sens en paix et à l'abri le long de ce lieu, comme si les morts étaient mes gardes du corps personnels, silencieux certes, mais professionnels. Avec eux je ne risque rien. C'est dans la rue avec des hommes vivants, qu'on risque. (Un homme aborde une femme  )

 

        étrangement le cimetière ne m'a jamais fait peur. Quand on grandit dans un village, où que l'on se trouve, il n'est jamais bien loin. D'une certaine manière on l'incorpore aux jeux et aux activités les plus quotidiens. Où que l'on soit, on sait le situer, on sait que de là où il est, lui, il veille, on sait ce que l'on peut attendre de lui ou pas. Dans une certaine mesure, le cimetière est loyal, il ne déçoit jamais. Ainsi, grâce à la place centrale que le cimetière occupait physiquement dans le village de mon enfance, je pense avoir, dans une certaine mesure, apprivoisé la peur de la mort. (Un homme aborde une femme)

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         Arrêter de penser aux signes. / Continuer de croire aux signes, comme je l'ai fait toute ma vie. (Un homme aborde une femme )

 

        moi non plus je n'aurais pas voulu autre chose comme vie, c'est celle-là que je voulais, pas une autre, pourtant je n'ai cessé de m'en plaindre. (Un homme aborde une femme /Buchet-Chastel p171)

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