Le
Café Littéraire /petite histoire de
la Bande Dessinée en France... (et un peu en Belgique et aux US) |
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par Anne Buisson :
NAISSANCE
: C’est
vieux comme le monde de raconter des histoires en images… Certains font remonter ses origines à Lascaux (il y a 18 000 ans, donc), aux fresques égyptiennes (2000 ans avant notre ère) ou à la tapisserie de Bayeux (XIème siècle). Sans
aller si loin, on considère que l’inventeur de la BD est Rodolphe
TOPFFER qui est un écrivain et un pédagogue suisse avec la naissance en
1833 des Amours de Monsieur Vieux Boix. Il met au point un système
graphique qui mélange texte et image et qui va être immédiatement
repris en Europe. Topffer
trouvera un public, et un certain Johann Wolfgang von Goethe le félicitera
chaudement « c’est extrêmement drôle, étincellant…». Le
XIXe siècle, c’est l’alphabétisation, la révolution industrielle :
on produit plus de papier, on invente les rotatives, la presse se démocratise,
la BD aussi qui trouve là un vecteur idéal. Le public visé, au départ
est adulte. Puis
entre 1890 et 1900, la BD va trouver un autre public : les enfants. Ce
sera le cas par exemble avec le luron CHRISTOPHE et La Famille Fenouillard
et Le Sapeur Camember Puisqu’elle
s’adresse aux enfants, elle va être soudainement méprisée et très
mal vue. Les maîtres d’écoles, les intellectuels, les institutions la
méprisent. Elle
va néanmoins s’installer avec Bécassine dans la Semaine de Suzette en
1905 qui préfigurera le modèle d’un héros/d’une héroïne récurrent(e)
à qui il arrive toutes sortes d’aventures. On est ici dans un univers
très sage, très moral. A
l’opposé, on trouve L’Epatant où évoluent Les Pieds Nickelés de
FORTON, en 1908. Ils boivent, fument, trichent, volent… A
cette époque, se côtoient donc 2 pôles en BD jeunesse : une pour éduquer,
une pour divertir. Pendant ce temps, (fin 19e, début 20e) aux USA, la bande dessinée est popularisée à la toute fin du XIXe dans les journaux sous la forme du comic strip (= « bande comique ») (d’où le nom que l’on donne aujourd’hui à la BD américaine : Comics) Cf Calvin ; existe toujours, cf Cahiers d’Esther L’entre-deux
guerres : L’église
catholique prend conscience de l’importance de la BD et créer Bayard,
Fleurus, la revue Cœurs Vaillants. On la tolère à peine maintenant, parce
qu’elle plaît aux enfants. A
partir des années 1930 en France, la bande dessinée touchera aussi les
adolescents et les adultes, avec les
comics books américains
qui sont importés en France et en Europe. En
1933, naît Superman chez DC COMICS (où il côtoiera Batman, Wonderwoman…) En 1940 apparaît Captain America (pas un hasard !!!) chez MARVEL (avec sa cohorte de super-héros, Hulk, Thor, Iron Man…) Pendant
la seconde guerre : En
France, la BD est évidemment soumise à la situation d’occupation. On
assiste à 3 attitudes de la part des éditeurs et auteurs : On se replie en zone libre pour publier vaille que vaille, à Clermont-Ferrand, Lyon, Marseille. Ainsi, Cœurs Vaillants continue à être publié. On collabore : c’est l’épouvantable Téméraire. On
reste à Paris dans la clandestinité. Aux USA, les Super-héros trouvent toute leur légitimité, face au nazisme. Après-
guerre : L’influence
des USA est énorme. On dit toujours que les américains ont amené le jazz,
le chewing gum et le bas nylon, mais ils ont aussi amené les comics books qui
sont diffusés en masse et obtiennent un grand succès. Fatalement,
les éditeurs français prennent peur devant ce nouveau débarquement ; et
avec le sursaut moral qui intervient après les excès de la Libération, le
gouvernement vote la loi du 16 juillet 1949 qui porte sur le contrôle des
publications destinées à la jeunesse ; cette loi peut restreindre ou
interdire des contenus qui sont jugés contraires aux bonnes mœurs. L’objectif
était clairement de favoriser la production nationale face aux importations
massives de Comics US (cette loi est restée en l’état jusque 2011, où
elle a été officiellement assouplie). Tarzan
sera la première victime expiatoire de cette loi : il est américain, vit
quasiment nu avec des singes, il a des rapports ambigus avec Jane, il refuse
de réintégrer la civilisation… bref, il est très mal vu par certains
milieux et est interdit en 1951 (heureusement, 18 ans plus tard apparaîtra
Rahan, le fils des âges farouches ; dont tous les lecteurs de Pif gadget sont
tombés amoureux) Aux
Etats-Unis, après la guerre on est moins porté sur les super-héros
patriotiques. Les nouveaux (Spiderman) sont en proies à des questions
exitentielles. Les ventes de Comics s’effondrent,les auteurs se tournent vers l’humour, et surtout l’horreur avec les Tales from de Crypt (1949) -à descendant : Walking dead. Les
années 50 et 60 : 1er âge d’or A
la question « quelles sont les BD les plus connues ? », on entend répondre
souvent : Tintin, Spirou, Lucky Luke, Les Schtroumpfs, Gaston Lagaffe, Astérix.
Dans cette liste, une seule est française : Astérix. La
BD « franco-belge » éclot lorsque des revues éditées en Belgique, dont
les principales sont Le Journal de Tintin
et Le Journal de Spirou, conquièrent le marché français. La
concurrence que se livre ces journaux ainsi que le rythme de parution
hebdomadaire va entraîner un bouillonnement créatif et plusieurs auteurs
vont émerger à cette période : HERGE, Edgar P. JACOBS (Blake et Mortimer),
JIJE, FRANQUIN (Spirou et Fantasio, Gaston Lagaffe), PEYO (Les Schtroumpfs),
Jean GRATON (Michel Vaillant) etc. La
Belgique devient le centre de gravité de la bande dessinée francophone. Les
auteurs viennent travailler en Belgique et sont, bien que français, associés
à la bande dessinée belge. À
partir des années 1950, la BD connaît un troisième foyer de développement
majeur lorsque le Japon se met à en créer massivement sous l'influence du
mangaka Osamu TEZUKA, qui crée en 1952 son célèbre personnage Astro Boy
(diffusé en dessin animé dans les 80’ en France) (Mangaka=auteur de
manga, bande dessinée japonaise). Dans
les années 1950 et 1960 donc, la bande dessinée commence à chercher à se légitimer
en quittant cette étiquette de « littérature pour enfants », et va se
diriger vers une littérature pour adultes. Les
moeurs évoluent, la génération du Baby-Boom arrive à l’adolescence, le
rock, la SF, le polar se développent. Ca commence avec le mouvement underground américain (contre culture/culture parallèle ; Jack KEROUAC, Robert CRUMB, Andy WARHOL, VELVET) qui conduit à de nombreuses remises en question et qui permet l'apparition d'un premier discours critique aux Etats-Unis dans la BD. 1952 & 1959, DATES CLES POUR LA BD US ET FRANCAISE En
1952 naît MAD, comics crée par Harvey KURTZMAN ; il fut plus tard décrit
par le New York Times comme ayant été « l'une des figures les plus
importantes de l'Amérique de l'après-guerre », notamment à cause de
l'influence de Mad sur la culture populaire américaine. En
1959 c’est au tour de la France de voir l’apparition d’un nouveau
magazine, crée par 6 amateurs de BD (dont GOSCINNY, CHARLIER et UDERZO) :
PILOTE. Le succès est immédiat et ce journal verra naître Astérix, Tanguy
et Laverdure (CHARLIER), le Grand Duduche (CABU), Blueberry (CHARLIER &
GIRAUD), Achille Talon (GREG), Philémon (FRED, le grand poète), Valérian
(MEZIERES & CHRISTIN), Les Dingodossiers et la Rubrique-à-Brac de GOTLIB,
Iznogoud (TABARY), Lucky Luke. Mais
Pilote, c’est surtout l’apparition du phénomène Astérix qui va tout
changer : on peut maintenant lire une BD en public, même si on a plus de 14
ans, sans être considéré comme un semi-débile ou un cas social. La
contestation et la libération sexuelle se traduisent à travers la BD dans
d’autres revues : En
1961, c’est l’apparition de Hara-Kiri et le retour de la BD comme satire
et critique sociale. GEBE, REISER, WOLINSKI feront partie de cette aventure. Puis L’Echo des Savanes en 1972 qui fera écho à la vogue Underground américain (MANDRYKA, GOTLIB, BRETECHER) ; puis Fluide Glacial (1975), Charlie Hebdo, A Suivre…(et son héros emblématique Corto Maltese). Les
années 70 : dans
les années 70, les créateurs se lâchent et expérimentent de nouveaux
personnages, de nouveaux styles. Des séries incontournables font leur
apparition : Rahan
(LECUREUX), Corto Maltese (PRATT), Adèle Blanc Sec (TARDI)… et Enki BILALl
et Jean GIRAUD / MOEBIUS, Alejandro JODOROWSKY réinventent la SF. C’est à cette époque que MOEBIUS dévoile tout son génie et acquiert une notoriété mondiale. Son influence est universelle, il est le seul auteur connu dans le monde entier (Arzach, L’Incal, Le Monde d’Edena…). Moebius, c’est Jean GIRAUD, le créateur de Blueberry + DRUILLET -à Moebius/Druillet : French dessinators à l’étranger. Les
années 80 : Aux
Etats-Unis, apparaissent des auteurs qui imposent leur originalité (et leur génie,
encore !) : Art
SPIEGELMAN (Maus, 1986), Alan MOORE (From Hell, 1989). Mais
le phénomène le plus marquant de ces années est incontestablement
l’explosion des mangas, qui s’engouffrent dans la brèche ouverte par le
cultissime Akira (Katsuhiro Otomo) et par les héros de dessins animés (Goldorak,
Albator, Dragon Ball… sont aussi des BD). Quartier lointain en 1998. Les
mangas vont séduire largement les lecteurs francophones, d’autant qu’on
trouve des mangas pour filles, garçons, de tous âges… C’est
aussi à partir des années 80 que la BD par ses succès de librairie atteint
un très large public (XIII (1984), La Quête de l’oiseau du temps, Titeuf
(1990)…). La BD historique revient en force, avec BOURGEON et Les Passagers du vent, Les 7 vies de l’Epervier de JULLIARD & COTHIAS, La Balade du bout du monde de MAKYO & VICOMTE… Les
années 90 – 2018 : On
a vu l’arrivée d’une nouvelle nouvelle génération. Marjane
SATRAPI (Persepolis), Etienne DAVODEAU et sa Bd de reportage et/ou sociale,
Emmanuel LEPAGE et ses magnifiques récits de voyage… L’âge
d’or de la BD, c’est maintenant, elle est d’une richesse et d’une variété
incroyables… L’essor
de la création favorise l’originalité des œuvres. Très dynamiques ou très
personnelles, elles abordent tous les genres et aucune école ne cherche plus
à s’imposer. Elle s’est enrichie et continue d’évoluer au rythme de
notre société. Les
autres médias, la publicité et le cinéma, s’ouvrent à la BD ; elle
n’est plus uniquement associée à l’image d’ados incapables de lire de
« vrais » livres et obtient ENFIN ses lettres de noblesse. Le
nombre de titres publiés augmente chaque année, les festivals se développent
un peu partout.
Les
auteurs de BD sont pour une majorité écrasante des hommes, mais on assiste
depuis quelques années à une nette émergence d’auteures féminines… Catherine
MEURISSE, dessinatrice et rescapée de Charlie Hebdo Pénélope
BAGIEU Lili
SOHN Marjane
SATRAPI
Et
enfin, aujourd’hui, la Bande Dessinée est reconnue par les institutions, étudiée
à l’école…
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