Le Café Littéraire luxovien/Lectures Prix Chronos 


 
Qu'est-ce que le prix Chronos ?

Depuis sa création en 1996, le Prix Chronos s'attache à faire réfléchir les jurés, et en particulier les jeunes jurés, sur le parcours de vie et la valeur de tous les temps de la vie, les souvenirs, les relations entre les générations, la vieillesse et la mort, les secrets de famille ainsi que la transmission des savoirs. Le but est de mieux se connaître entre générations pour mieux vivre ensemble.

Les lecteurs du Café littéraire luxovien et de la Bibliothèque municipale de Luxeuil participent à ce prix en lisant les ouvrages en lice dans la catégorie classes de 3ème et 4ème proposés aux élèves de la classe de 1ère ASSP (Accompagnement Services et Soins à la Personne) du Lycée Lumière de Luxeuil par leur professeur et documentaliste, élèves avec lesquels ils échangent lors de rencontres intergénérationnelles.

        

Prix Chronos 2024

À l'occasion du Prix Chronos de littérature, possibilité de faire partie du jury et rencontre intergénérationnelle entre lecteurs âgés et adolescents du lycée Lumière de Luxeuil, autour de 3 des 4 romans proposés cette année au prix dans la catégorie classes de 3ème et 4ème :

– Cécile Alix : Homère in the City  (éd. Casterman 2022

– Charlotte Bousquet : Des pensées pour Violette  (éd. Scrineo 2022)

– Christelle Fabbro : Ma part d'éternité  (éd. Anfortas 2022)

– Éric Sanvoisin : Immortelle (éd. Le Muscadier 2022)
       

 

 

       

 

 

Des pensées pour Violette, de Charlotte Bousquet (éd. Scrineo 2022)
lecture par Marie-Françoise :

 

       Violette, autrefois pianiste renommée, c'est la grand-mère plongée dans le coma après une grave  chute sur la tête. Son pronostic vital est engagé.
       Adagio, c'est le chat de Violette, elle l'a recueilli dans un refuge il y a six ans. Pour lui, elle s'est remise à jouer du piano qu'elle avait abandonné à cause de ses mains déformées par les rhumatismes.
       Julia, c'est l'aide ménagère qui s'occupe de Violette et de l'entretient de sa maison, elle n'aime pas les chats.
       Pauline, c'est la petite fille de Violette. Elle rentre tout juste d'un trip dans le désert qu'elle aurait du effectuer en compagnie de son meilleur ami s'il n'était décédé âgé de 19 ans et dont elle ressent l'immense chagrin.
       Kilian, c'est le petit fils de Violette, frère de Pauline.
       Elias Revel, c'est le neurochirurgien qui a pris Violette en charge depuis son entrée à l'hôpital.

       Autrefois Violette avait eu du mal à s'imposer dans sa carrière de musicienne, aussi, comprenant les difficultés de ses petits enfants, elle a toujours soutenu leur vocation. Le goût des voyages pour Pauline qui se destine aux métiers du tourisme. Celui du dessin pour Kilian qui voudrait pouvoir vivre de son art.
       Les médecins sont très pessimistes quant aux chances de guérison de Violette et sa famille est effondrée. Mais ses petits enfants l'adorent tant qu'ils tenteront tout pour la ramener à la conscience , lui faire retrouver la mémoire.

       J'ai aimé la façon dont l'auteure tour à tour par chapitres réservés tantôt à l'un tantôt à l'autre des personnages, par le développé de ses actions, pensées et ressentis intérieurs, fait avancer le récit.
       Un bon nombre de ces chapitres est consacré à Adagio, le chat, personnage à part entière. Dont l'auteure décrit l'extrême sensibilité aux ombres mystérieuses du passé qui hantent les lieux et les êtres, et surtout Violette,  avec le désir d'en éloigner les nocives. Adagio s'est retrouvé seul et stressé au départ de Violette emmenée par les ambulanciers, qu'il ne pouvait comprendre. Mais il a vite retrouvé sa zénitude dès lors que Pauline est venue le nourrir et l'a pris sous son aile. Il fait tous ses efforts de chat pour renouer Violette avec le fil de la vie très ténu qui la retient encore. Car Pauline et Kilian, qui sont convaincus que sa présence peut aider  leur grand-mère, l'ont emmené en cachette à l'hôpital, ce qui lui fait le plus grand bien à lui aussi. Et par chance, le docteur qui suit Violette est du même avis et autorise sa présence aux heures de visite où Adagio se love des heures durant en ronronnant tout contre la malade.

       L'intérêt du roman tient au fait que l'auteure qui connaît bien les chats, décrit avec justesse le comportement d'Adagio dans les diverses situations auxquelles il est confronté, mais aussi qu'elle nous fait connaître ses ressentis et sa volonté intérieurs, en les imaginant avec des mots bien sûr car saura-t-on jamais ce qui se passe dans la tête d'un animal... Pour ce, elle s'inspire des qualités psychopompes avérées de certains chats, de leur présence bénéfique auprès des personnes déprimées ou angoissées, par leur douceur, leur chaleur, les vibrations apaisantes de leur ronrons.

       La fin sera heureuse, car grâce à tous ces efforts et la musique jouée spécialement pour elle en "visio" par son ancien grand ami qui l'accompagnait au violoncelle lors des spectacles que ses petits enfants ont contacté, Violette sortira du coma avec ses facultés retrouvées, et regagnera sa maison où Adagio sera heureux de retrouver ses marques et de marquer son territoire.

 

Ma part d'éternité, Christelle Fabbro (éd. Anfortas 2022)
lecture par Marie-Françoise :

       Sa grand-mère est décédée chez qui elle passait depuis toujours ses grandes vacances. Elle en était très proche, elle l'aidait à grandir. Elle en ressent le vide mais n'a pas encore fait le deuil, ni pu pleurer.

       L'été suivant le décès, comme d'habitude, elle va passer les deux mois de vacances dans la maison familiale avec son grand-père. Celui-ci lui remet une lettre que sa grand-mère lui a écrite avant son décès, dans laquelle elle lui signale avoir disséminé pour elle en divers lieux soigneusement cachés, des papiers avec des citations d'auteurs qui prêtent à réfléchir. À charge pour l'adolescente de les trouver et de lui écrire dans un cahier ce que ces citations font résonner en elle, manière de communiquer encore, de continuer à l'aider à grandir, même si elle n'est plus physiquement là.

       Au fil des jours et des situations, l'adolescente découvrira les bouts de papiers, les citations. Elle écrira à son tour dans le cahier réservé à cet effet, des lettres adressées à sa grand-mère. On l'y verra peu à peu au fur et à mesure de ses erreurs et expériences, de cet apprentissage et de ses résolutions, devenir raisonnable, accepter le décès et les autres aléas et inconvénients de la vie...

       Ce roman est assez court, mais j'ai trouvé un peu trop longuets et peu naturels les chapitres trop empreints de considérations, leçons de morale ou règles de vie déguisées, sur les bons comportements à adopter envers les autres et les diverses situations auxquelles on peut être confrontée dans la vie, sur la façon d'accepter son destin, etc.  

 

Homère in the city, de Cécile Alix (éd. Casterman 2022)
lecture par Marie-Françoise :

            Il y a Solomon,  diminutif Sol, 17 ans, qui est stagiaire en alternance en Ehpad où il prépare un CAP d'homme d'entretien. Il est noir, vit avec son père Melvin dans une "cité", "le Pont-des-chèvres" où les policiers n'aiment pas avoir à se rendre.
            Solomon est le second enfant de Rose et Melvin. Mais le premier, une fille Nina, sa mère l'a perdue dès la naissance. Elle est en restée dépressive et sous traitement. Melvin devait la surveiller comme le lait sur le feu. Un jour, seule avec Sol alors qu'il avait 2 ou 3 ans, que Melvin avait dû s'absenter pour une nuit, elle a avalé tous les cachets de la maison... Au matin, le petit Sol lui réclamait son lait chocolaté ne se rendant pas compte de son état... Se demandant pourquoi elle ne réagissait pas à sa demande... D'urgence à l'hôpital une fois Melvin rentré, elle a pu être sauvée, mais ensuite ne reconnaissait plus les gens. A dû être internée. Après qu'il se soit fait repousser par sa mère à sa première visite, Sol n'a plus parlé. Ne parle plus, ou le strict minimum. Et ne supporte plus d'être touché, même par son père.
            Depuis son enfance Sol rêve et désire posséder un cheval avec lequel il s'envolerait. Depuis plusieurs années il va au haras épier les cours d'équitation qu'il ne peut se payer... apprendre ainsi à chevaucher perché sur la branche d'un arbre... en s'imaginant sur un vrai cheval.

            Il y a Tapeta, l'ami d'enfance et de toujours de Sol. Le seul avec qui il parle, à qui il confie ses rêves. Tapeta est un fan de moto. Il en possède une avec laquelle il fait des rodéos, de la voltige à partir du tremplin de camions... Il restera paraplégique à la suite d'un accident qui aurait pu être mortel. Il vendra sa moto et fera cadeau à Sol de l'argent afin que celui-ci concrétise le rêve de sa vie:  avoir un cheval.

            Il y a l'Ehpad "Les Bleuets" et les soignants de l'Ehpad, dont Jade la tutrice de stage de Sol. Il y a les résidents de l'Ehpad, qu'avec le temps et l'accident de Tapeta, Sol finira pas comprendre et se lier :  Madame Brahim qui aime la musique, Émile avec son côté olé-olé question sexualité qui conseillera à Sol de ne pas attendre pour concrétiser ses rêves de jeunesse, Louise, et les autres résidents, tous avec leurs handicaps et leurs petites manies...

            Il y a Melissa, fille  riche mais dont la mère est issue d'un milieu pauvre et de couleur elle aussi. Melissa est atteinte de vitiligo, maladie caractérisée par des taches blanches sur la peau souvent considérées au mieux comme étranges au pire comme disgracieuses. Taches que Sol prend pour des constellations, qui l'éblouissent et qu'il aime.

            Il y a les personnes à qui Sol achètera un cheval nommé Homère, qui le lui vendent en toute confiance.
            Enfin, il y a Homère, le cheval de Sol, méfiant car anciennement destiné à la tauromachie et que l'atmosphère des arènes et ses massacres traumatisaient. Sol et Homère se sont reconnus tout de suite destinés l'un pour l'autre  : "Parce que c'était lui... parce que c'était moi..." Ils passent ensemble des moments éblouissants.

            Il y a énormément d'amitié  et de courage, d'entraide pour surmonter l'insurmontable, pour surmonter la différence.
            Il y a l'amour de Mélissa pour Sol, de Sol pour Mélissa qui faisant son petit bonhomme de chemin, s'installe tout au long. Celui de Melvin pour Rose qu'il continue d'aller visiter tous les dimanches...
            Il y a Sol qui enfin s'apprivoise, trouve sa vocation auprès des résidents qu'il finit par comprendre, aider, aimer aussi, à qui il s'ingénie à procurer de menus plaisirs. Sol, qui enfin se confie. Reparle à son père.

            Bien sûr l'enchaînement des faits importants qui ont amené le traumatisme de Sol, on ne l'apprend qu'en cours, voire presque en fin de roman, comme tout bon roman qui se respecte... De même il y a des retournements de situation qui inquiètent personnages et lecteurs...
             Mais c'est un très beau roman, où, à côté de la dure réalité, il y beaucoup de rêve, de poésie et d'émotion, de fougue aussi. Où des phrases parfois d'un seul mot comme, "Soleil",  résument tout un état d'esprit, toute une sensation du corps, tout l'instant d'un bonheur infini dont des mots autres, ou une phrase longue ne sauraient mieux rendre compte.

            C'est un roman que les passionnés de chevaux et de leurs rapports avec les humains apprécieront particulièrement, je pense. On regrette simplement qu'une fois l'acquisition d'Homère, il ne soit plus guère fait mention de l'Ehpad et des rapports de Sol avec les résidents... Sauf à savoir qu'il continuera ses études dans le but de devenir aide-soignant et de continuer à travailler auprès des personnes âgées dépendantes.

 

                                                                                                     

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